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« Tout le monde donne le maximum pour être prêt » : les confessions de William Servat

  • William Servat.
    William Servat. Midi Olympique. - Patrick Derewiany.
Publié le Mis à jour
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Invité à rencontrer les abonnés de Midi Olympique, l’ancien talonneur est revenu sur l’année parfaite du XV de France, l’émergence de Reda Wardi et Sipili Falatea en première ligne, la répartition des rôles au sein du staff, et s’est projeté sur l’année à venir avec en point d’orgue : la Coupe du monde !

Projection

Le tirage au sort de la Coupe du monde a placé l’Irlande ou l’Afrique du Sud sur la route du XV de France dès les quarts de finale. Y a-t-il une équipe que vous craignez plus que les autres ?

Je crains tout le monde. Toutes les équipes qui préparent une Coupe du monde sont professionnelles, avec des joueurs qui peuvent jouer dans les plus grands clubs français ou européens. Quelle est notre volonté ? Quelle image veut-on laisser ? Qu’est-ce que l’on voudrait que nos adversaires pensent avant de nous jouer ? Quand on joue les Sud-Africains, on sait qu’il y aura un énorme combat, que ça va être très engagé. Souhaite-t-on que les autres nations aient cette image de nous ? Souhaite-t-on le cultiver, avancer là-dessus ? Je pense que pour gagner une Coupe du monde, il ne faut pas que nos joueurs puissent avoir la moindre baisse entre la tournée de novembre et le Tournoi. Au contraire. Il faut qu’en club, ils continuent d’augmenter leur prestation, d’élever leur engagement afin que l’on puisse encore grandir durant le Tournoi et même chose sur la Coupe du monde tout simplement.

N’avez-vous pas ce sentiment d’être prêts trop tôt ?

On sait qu’on peut encore continuer à grandir. On connaît les orientations, on sait sur quoi nous avons besoin de travailler. L’objectif est de garder le lien avec nos joueurs pour continuer de grandir tous ensemble. Ce qui a de primordial pour nous c’est de savoir quelle est l’ambition de nos joueurs, de notre staff. Tout le monde donne le maximum pour être prêt au meilleur moment. Nous avons atteint un niveau que nous n’avions peut-être pas atteint jusqu’à aujourd’hui, mais on sait que ce niveau-là va s’élever, que nos joueurs vont continuer à grandir. Nous les avons vus grandir depuis 2019, depuis le début du mandat. On les voit évoluer en permanence, à chaque rassemblement. Pour revenir à l’Afrique du Sud, ça peut être un match référence, un match dont on peut se servir et dont il faut se nourrir dans cette notion de combat et d’attitudes que l’on doit avoir.

Pour commencer votre Coupe du monde, vous vous retrouverez quelques jours en Guyane. Pourquoi ce choix ?

Ce sera une orientation vers la cohésion et cette notion d’équipe pour que les joueurs se retrouvent afin de lancer notre Coupe du monde. Durant ce stage, on rencontrera des personnes inspirantes, dans des conditions un peu particulières, qui nous feront relativiser les choses qui parfois nous paraissent essentielles mais qui ne le sont pas forcément.

Vous disputerez quatre matchs de préparation. Une première ! N’est-ce pas trop ?

On a un groupe élargi. Il y a plusieurs fois durant notre mandat où nous avons fait tourner nos effectifs, comme ce fut le cas durant l’Autumn Nations Cup ou encore en Australie. Le fait d’avoir 42 joueurs a cet avantage : même si tout le monde n’a pas porté le maillot et n’a pas joué, tous ceux qui ont participé à nos entraînements connaissent le projet et nos principes de jeu. Si bien que quand un joueur ne peut pas venir, un autre prend sa place et rentre dans le système directement. Ce sera la même chose pour la Coupe du monde, nous aurons un groupe élargi, grâce aux accords entre la Ligue et la Fédération. Tout le monde nous donne la possibilité de travailler dans les meilleures conditions possibles pour construire cette Coupe du monde. Avec tout l’effectif que l’on a, nous pourrons jouer ces quatre matchs de préparation.

Pour parler un peu de vous. Quel sera votre avenir ?

Le projet de l’équipe de France est extraordinaire. On a que des moments sacrés. Nos rencontres sont à chaque fois des moments particuliers. Quand on rentre en club, il y a une sorte de répétition. Mais quand on prépare une tournée en Australie ou au Japon, tous les moments sont particuliers. En plus, on finissait la dernière tournée à Toulouse, ce qui est encore plus particulier pour moi. Quand on a la chance de vivre de sa passion et surtout d’entraîner les meilleurs joueurs français, et on l’espère pour la majorité les meilleurs du monde, c’est quelque chose d’extraordinaire. Il m’a été donné la possibilité, et j’ai signé de nouveau jusqu’après la prochaine Coupe du monde pour quatre ans supplémentaires.

William Servat et Pierre-Laurent Gou.
William Servat et Pierre-Laurent Gou. Midi Olympique - Patrick Derewiany.

Les hommes


Venons-en aux hommes. Reda Wardi a impressionné pour sa première sélection contre l’Afrique du Sud. Avez-vous été surpris ?

Reda a failli manquer l’occasion avec ce carton rouge. Cela fait un petit moment qu’on le suit, il n’est pas arrivé là par hasard. Il est venu au gré des blessures. On voit la performance qu’il a pu faire et c’est quelqu’un qui compte aujourd’hui. Ses qualités de joueur, vous avez pu les voir et nous allons les faire évoluer en travaillant. Il fait partie d’un groupe qui est très présent en équipe de France. Il a su s’adapter pour s’intégrer très vite au sein des Bleus.

À son poste, Cyril Baille a été appelé alors qu’il n’avait que 34 minutes dans les jambes. Il s’est de nouveau blessé contre l’Afrique du Sud. N’avez-vous pas pris un risque ?

Nous n’avons pas eu l’impression d’avoir pris un risque. Nous avons eu Cyril au téléphone, nous savions où il en était de sa reprise d’activité, de sa blessure, mais aussi familialement puisqu’il a aussi eu un heureux événement dernièrement. On a la chance de connaître nos joueurs, d’échanger avec eux sur tous les points. On savait que Cyril serait prêt, et il a répondu présent et de fort belle manière. Même si une petite déchirure est venue provoquer sa blessure. Il reprendra dès lundi les entraînements, il va repartir avec son club pour la semaine prochaine. Je pense que c’était une bonne idée de le reprendre pour l’équipe de France et pour notre expérience collective, puisqu’il a été très performant.

Vous avez la réputation d’aimer vos piliers…

Ce n’est pas que j’aime mes piliers, mais je jouais talonneur donc je suis obligé d’avoir une relation particulière avec eux (rires). J’ai besoin d’avoir des relations avec les joueurs que j’entraîne pour essayer de leur donner tout ce que je peux. Je veux leur donner le maximum, mais avec tous les joueurs, pas que les piliers. Il y a peut-être inconsciemment une part de moi qui fait qu’il y a encore plus de relations avec les premières lignes… Il y a surtout une volonté de connaître les garçons que l’on entraîne, de partager des choses. Pour avoir des joueurs en confiance, il faut leur accorder cette confiance, pour qu’ils soient légitimes, il faut leur donner de la légitimité.

À droite, Sipili Falatea semble grimper dans la hiérarchie. Est-ce le cas ?

Si Sipili Falatea est parti avec nous en Australie, c’est que nous pensions qu’il était capable de faire de belles choses. Et il a fait de belles choses. Peut-être que certains le découvrent, mais c’est quelqu’un de réservé mais incroyable. Il a battu tous les records en musculation, que ce soit en force, en explosivité ou en vitesse ! Il a unifié ces performances, il a désormais les records sur tout (sourire).

Et Uini Atonio semble le taulier du poste alors qu’il ne faisait pas partie des premières listes durant votre mandat ?

Uini Atonio, c’est un cas un peu particulier. Il n’était pas forcément dans les trois premiers. Je me rappelle que Wilfrid Hounkpatin se blesse sur un entraînement à Nice lors de la première année de notre mandat. Le soir, j’appelle Uini. Il devait partir en Nouvelle-Zélande avec ses enfants qui n’étaient jamais allés dans son pays d’origine. Sa femme était en vacances en Italie. Je lui dis : « Uini, tu vas venir nous rejoindre en équipe de France ! » Avant qu’il me réponde : « Ah… et quand ? » « Ce soir… » Il était déjà 22 heures. Il me dit : « Désolé Will, je ne vais pas pouvoir car je pars en Nouvelle-Zélande demain avec mes enfants, ils n’ont pas vu leurs grands-parents depuis longtemps… Ma femme n’est pas là. Mais c’est vraiment pour l’équipe de France ? » Et, il a fait revenir sa femme de vacances, il a perdu ses billets d’avion pour la Nouvelle-Zélande et a rejoint l’équipe de France pendant cinq semaines durant lesquelles il n’a pas fait une feuille de match. Il a toujours été présent, avec un état d’esprit incroyable. Je l’ai trouvé très présent, très agréable, souriant. Une autre anecdote : durant la tournée de novembre, la veille d’un match. À une heure du matin, il vient toquer à ma porte car il avait un souci familial avec un enfant. Et pendant quatre heures, j’ai attendu avec lui des nouvelles de son enfant. À un moment je lui ai dit : « Écoute Uini, la famille, c’est plus important que tout ! Si tu dois partir, fais-le. » Et puis, il est resté en trouvant une solution grâce à un copain à lui qui est venu le dépanner. Il a tout fait pour rester et porter le maillot. Alors que, pour être très honnête, je serais peut-être parti… Au final, il a joué en étant très bon. Et à la fin, il a pris une voiture avec un chauffeur pour rentrer chez lui pour être auprès de sa femme et de ses enfants. Quand on parle d’appartenance, je crois que c’est le plus bel exemple. On se rend compte de l’attachement du garçon pour l’équipe de France et de ce que Uini est capable de faire pour le collectif.

Mohamed Haouas semble lui avoir perdu un peu de terrain mais reste protégé par le staff ?

On ne l’a pas protégé mais simplement récompensé de tout ce qu’il a fait pour nous. Je lui ai parlé pour lui dire qu’il avait énormément progressé. Tout le monde au sein du staff est unanime là-dessus. Il a un état d’esprit irréprochable. Il a été fantastique pendant toute la tournée et sur tous les matchs qu’il a faits avec nous. Effectivement, il y a une petite forme de remise en question avec l’apparition de Uini et d’autres joueurs. Mais « Momo » est toujours important dans le groupe. Il participe activement, avec son sourire, à l’état d’esprit qu’est le nôtre. J’ai plus envie de le féliciter qu’autre chose car ce qu’il a fait sur cette tournée, en restant au service du collectif, c’est une preuve d’une très grande maturité de sa part.

Au talonnage, Julien Marchand et Peato Mauvaka se partagent le poste. N’est-ce pas dur pour les autres candidats au poste ?

Peato et Julien font toutes les feuilles de match mais Gaëtan Barlot, quand il est venu découvrir l’équipe de France en Australie, a traversé le terrain. Pierre Bourgarit, chaque fois qu’il est avec nous sur les entraînements ou qu’il joue, est excellent. La chance que l’on a d’avoir de tels joueurs capables en permanence de challenger les autres, c’est un luxe. J’ai encore échangé avec Pierre aujourd’hui pour lui faire un retour sur son dernier match. On essaye de faire un maximum de retours sur des attitudes individuelles. C’est Patrice Collazo qui m’a dit au début de notre mandat : « Tu sais William, tu peux appeler mes mecs tous les jours. Si mon pilier a une bonne position du dos, est bon en mêlée et si on participe ensemble au fait que lui soit bon et costaud, appelle-le tous les jours. Après si tu l’appelles pour lui dire que sur les principes de liaison, tu ne devrais pas faire comme ton coach te dit et aller à l’encontre de ce qu’il dit, en revanche on ne va pas être contents. » Il a totalement raison. À partir du moment où l’on n’entre jamais en compétition, si un joueur a une bonne attitude au contact, pour la libération de balle, sur les nettoyages, ou encore une bonne défense, tout le monde a à y gagner. Et pour revenir au poste de talonneur, c’est ce qui se passe aujourd’hui avec des joueurs qui progressent. Même si c’est vrai qu’aujourd’hui Julien Marchand commence les matchs et que Peato Mauvaka les termine. Mais quand Julien Marchand se blesse l’an dernier contre la Géorgie lors de la tournée de novembre, on ne s’est posé aucune question et Peato finit parmi nos meilleurs marqueurs d’essais…

Comment est née cette idée de replacer Cameron Woki en deuxième ligne ?

C’est une idée qui a germé avec la blessure de Bernard Le Roux dans un premier temps, puis avec la complémentarité de nos joueurs dans le secteur aérien mais dans le combat. On a décidé ensemble de cette possibilité. Ce n’était pas un pari mais simplement le fait de connaître ce joueur, de se rendre compte que c’est un mec qui fait 114 kg. Cette possibilité de le mettre en deuxième ligne, quand on connaît les capacités de déplacement des autres gars autour de lui dans la troisième ligne, était une opportunité de densifier notre paquet d’avants et d’avoir des joueurs complémentaires sur le terrain. Quand on a décidé de mettre Cameron deuxième ligne, peut-être que ça a suscité des interrogations pour certains, mais il se trouve qu’aujourd’hui ce n’est pas un mauvais choix puisque tout le monde l’a replacé. Nous sommes contents de l’avoir fait. Les résultats sont très intéressants pour l’équipe mais aussi pour lui particulièrement.

Depuis quelques matchs, vous semblez avoir figé un banc à 6-2. Pourquoi ?

C’est la particularité de nos joueurs qui nous poussent à faire des choses. Par exemple, sur la dernière tournée, Killian Geraci se fait mal à l’échauffement après un saut en touche, et nous passons sur un 5-3 parce que nous prenons toujours chez nos remplaçants les trois-quarts nécessaires pour combler l’espace qui pourrait manquer. Donc il était plus judicieux de faire un 5-3 qu’un 6-2. Mais le 6-2, aujourd’hui, vient de la qualité de nos joueurs. Quand on a la chance d’avoir des avants capables de couvrir des postes de trois-quarts, comme Sekou Macalou mais d’autres sont aussi capables de le faire comme François Cros…, on a cette possibilité de turnovers. Avoir ce joueur hybride, qu’est Sekou en ce moment, c’est un luxe ! Quand on voit les rentrées de Romain Taofifenua, de pas mal de joueurs qui ont ces qualités d’explosivité, ça nous donne les résultats que nous avons actuellement. On connaîtra la vérité dans pas très longtemps…

Le staff

Vous parlez beaucoup avec le « on » ou le « nous », expliquez-nous un peu comment se répartissent les tâches au sein du staff ?

Le staff, ce n’est pas juste Fabien (Galthié) et quatre adjoints… Nous sommes vingt-huit. Nous avons eu la chance d’avoir la confiance du président (Bernard Laporte) qui a choisi de nous mettre là. Fabien aussi a choisi son staff qui, pour la symbolique, l’a réuni pour la première fois à Montgesty dans le Lot, chez lui dans sa famille. Beaucoup s’étaient d’ailleurs perdus pour y aller (rires). Nous avons eu nos premiers échanges et c’est là que nous avons démarré notre projet, la structuration de notre staff et de notre équipe. J’étais plein de certitudes de mes années passées en club, au Stade toulousain et, au final, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes avec des palmarès et des expériences différentes. On s’enrichit de toutes ces rencontres et de travailler avec elles au quotidien. Ce premier stage à Montgesty a permis de poser les bases d’une relation stable et durable, comme elle est aujourd’hui et comme elle le restera au moins jusqu’à la Coupe du monde.

Et pour revenir à la répartition des rôles ?

Fabien a créé un style de management où il est au milieu du projet en nous donnant la possibilité d’intervenir sur tous les registres. Il est avec nous et participe à tout et à l’ensemble des décisions que l’on prend. Bien évidemment, c’est Fabien le sélectionneur et c’est lui qui tranche, mais toutes les décisions, quel que soit le sujet, sont prises en commun. Alors parfois, je ne vous cache pas que ça donne lieu à quelques réunions (sourire).

En clair ?

En clair, nous avons tous la possibilité de parler sur tous les sujets. Laurent Labit donne ce qu’il pense être la meilleure équipe possible devant comme derrière, sur les finisseurs, les joueurs hors groupe. C’est la même chose pour Karim (Ghezal), pour Shaun (Edwards), pour tout le monde.

Et pour les compositions d’équipe, comment cela se passe ?

Toutes les semaines nous discutons des compositions d’équipe en commençant par les finisseurs. Avec quelle équipe nous allons finir le match ? Puis avec quels joueurs nous allons le démarrer ? Ensuite on parle des joueurs qui vont accompagner le groupe, et rester dans les 28 en fonction de la composition du banc en 6-2 ou non, des blessures, etc. Et après on parle des 42, en discutant sur chaque cas. À force de discuter, de se convaincre, on en finit par avoir une vraie conviction, et un même langage. Cela permet d’avoir une seule et même voix quand l’on parle avec nos joueurs sur les compositions, sur la manière de jouer, et tout ce que l’on fait.

Vous parliez de la répartition des tâches du staff. Mais quel est le rôle de Raphaël Ibanez ?

Raphaël fait partie de ces personnes qui font leur équipe avec nous. Il participe aux discussions et aux débats sur les compos même si à la fin c’est Fabien qui tranche. C’est normal, c’est le chef du bateau. Raphaël est impliqué avec l’équipe de France, il a repris des fonctions qu’avait Jo Maso mais pas que.

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