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Série Capitaine Fracasse (1/5) - Laporte : « Le plus dur était d’être titulaire, pas capitaine »

  • Bernard Laporte a mené les « Rapetous » jusqu’au Bouclier de Brennus en 1991. Photo Archives Midol
    Bernard Laporte a mené les « Rapetous » jusqu’au Bouclier de Brennus en 1991. Photo Archives Midol
Publié le Mis à jour
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Midi Olympique consacre une série aux capitaines qui a forgé l’histoire de ce jeu. Pas forcément les plus grands joueurs, mais incomparables pour envoyer les autres dans les plus dingues des combats.

Avant d’être un manager à succès, un sélectionneur du XV de France, un secrétaire d’Etat aux sports ou un président de la Fédération Française de Rugby, Bernard Laporte fut un demi de mêlée honorable, sans un talent immense mais avec une incroyable capacité à mener et guider les autres. Un leader né, capitaine charismatique du Bordeaux-Bègles des « Rapetous », sacré champion de France en 1991.

On l’aime ou on le déteste. On le soutient ou on le combat. On en fait un modèle à suivre ou, au contraire, à bannir. Qu’on le veuille ou non, Bernard Laporte - personnage central de ce sport depuis le début des années 90 - ne laisse jamais indifférent. Il est même l’archétype ultime du mec clivant par excellence. Mais, s’il y a bien un point sur lequel tout le monde, proches ou opposants, s’accorde le concernant, c’est sur ses qualités de meneur. L’ancien demi de mêlée, aujourd’hui âgé de 58 ans, possède cette faculté rare à rassembler derrière lui et à entraîner dans son sillage, quel que soit le contexte. Ainsi, beaucoup furent impressionnés, durant la campagne pour la présidence de la Fédération Française de Rugby en 2016, par sa capacité à mobiliser, à transcender et à électriser les salles au fin fond des campagnes pour remporter une élection qui était très loin de lui être promise, quelques mois auparavant.

Bernard Laporte a déjà traversé mille vies, que ce soit à la tête du Stade français, du XV de France, du secrétariat d’État aux sports, du RC toulonnais ou encore de la FFR. Avec une constante : celle d’être en responsabilité, au sommet de la hiérarchie. Lui est un homme de pouvoir, de décisions. À chacun des postes évoqués, il a accumulé de nombreux succès, à savoir quelques Brennus, des Coupes d’Europe, des demi-finales de Coupe du monde ou l’organisation du Mondial 2023. Il a aussi connu des échecs, sans qu’aucun ne l’empêche de repartir à la bataille. Toujours en première ligne.

Cette responsabilité depuis toujours

Pour comprendre ce leadership, quasiment inné chez lui, il faut peut-être se pencher sur sa première vie. Sur le terrain, là où il fut un numéro 9 de devoir. Pas le plus talentueux, loin de là même, mais déjà un patron. Ce qui a constamment conféré au Tarnais de naissance le rôle de capitaine. « Depuis toujours en sport, j’ai été capitaine, c’est vrai confirme l’intéressé. Je l’ai été dès tout jeune, lorsque j’ai commencé à jouer au football. Mais aussi, plus tard, dans les petites catégories du rugby. J’avais commencé ma carrière au poste d’ouvreur et on me confiait déjà cette responsabilité. Après, quand j’ai grandi et que je me suis épanoui dans le rugby à XV, c’était pareil. » Dans son premier club de Gaillac, là où il est devenu un demi de mêlée respecté et où il a conduit son équipe aux titres de champion de France Crabos en 1982 et 1983. Et ensuite, à Bègles-Bordeaux où il avait décidé de poursuivre son parcours.

C’est là-bas, au cœur d’un drame personnel le 24 juillet 1985, que son existence a peut-être basculé et lui a définitivement offert cette résilience contagieuse. En fin de journée, sur la route entre Langon et Gaillac, Laporte s’est endormi au volant de sa voiture et a percuté un platane de plein fouet. Le choc l’a alors plongé dans le coma. À son réveil à l’hôpital militaire, on lui fit comprendre que son avenir de joueur était compromis. Laporte a alors immédiatement demandé à sa mère de lui acheter tous les livres qui traitaient de l’entraînement au rugby. Il les lisait, les potassait, les analysait, acquérant une hauteur et un recul sur sa discipline qui lui seraient précieux.

Lorsqu’il a enfin reçu le feu vert pour retourner sur une pelouse, il avait ainsi évolué. Plus que jamais moteur dans un groupe. « J’ai toujours adoré cela, avoue-t-il. J’apprécie de réfléchir à trouver les bons mots, à utiliser les bons axes pour que tout le monde te suive. Après, un capitaine c’est d’abord et avant tout un joueur qui doit être exemplaire. Un joueur qui ne doit pas être en retard aux entraînements et même être en avance. Il se doit d’être là le premier, ou dans les premiers. J’ai cette passion du rugby. Je l’ai toujours pris comme un jeu, comme un plaisir. Je ne me suis jamais forcé pour venir aux entraînements. Mais je faisais également attention à ce que mes coéquipiers en fassent tout autant. »

Simon : « Il faisait ce qu’il voulait de l’équipe »

Elle était là, la prédisposition de Bernard Laporte. Dans sa manière naturelle d’accompagner les autres, de leur montrer la voie, de les pousser ou de les haranguer quand le besoin s’en faisait sentir. Un patron à l’influence immense. Un jour, sur le plateau de BeIN Sport, son fidèle acolyte Serge Simon avait ainsi illustré : « Cette capacité de Bernard à manager les hommes, à fédérer autour de lui, à entraîner les autres, à vous amener au-delà de ce que vous vous pensez capable... Je n’ai jamais vu quelqu’un d’autre avoir ce talent-là, à la même hauteur. »

Voilà qui en dit long. L’ancien pilier international sait d’autant mieux de quoi il parle que Bernard Laporte était son capitaine au CABBG lors du titre de champion de France 1991, quand il guidait de main de maître un pack qui emportait tout sur son passage. La fameuse époque des « Rapetous », cette première ligne Simon-Moscato-Gimbert aussi féroce que dingue. Qui d’autre que Laporte pouvait en tirer la quintessence sur le pré ? Lui était un joueur lambda, mais un capitaine incroyable.

Serge Simon encore, qui se marre dans une volontaire exagération : « Joueur, Bernard était nul. Il le sait. Pas de passe, pas de course et il n’a jamais plaqué personne. C’était par contre le meilleur capitaine, sans aucun doute. Il faisait ce qu’il voulait de l’équipe et il en a fait sa carrière ». L’intéressé assume cette particularité : « Ce leadership, j’en étais conscient. Cela m’aidait dans ma mission. Pour moi, quand j’étais joueur, le plus dur était peut-être d’être titulaire, pas capitaine. »

À rebours d’autres hommes, dont les qualités rugbystiques en font progressivement des cadres, le leadership inégalé de Laporte l’a finalement amené à être un meilleur joueur. Parce qu’il refusait d’être un simple animateur de groupe, un organisateur de barbecue ou un porte-parole du staff. « Non, un capitaine doit être indiscutable dans le jeu, clame encore le président de la FFR. Avant d’être un leader, c’est d’abord un joueur cadre. Personnellement, je n’aime pas la notion de capitaine de vestiaire. On l’entend souvent, ici et là. Mais cela ne veut pas dire grand-chose. À mes yeux, la mission première d’un capitaine, c’est de mener ses hommes sur le terrain. Il ne doit pas se substituer aux entraîneurs mais, quelque part, il doit être entraînant une fois que le match a démarré. La subtilité est importante. Et puis, un capitaine ne doit surtout pas avoir peur de monter en première ligne, que ce soit avec l’arbitre, sur la pelouse ou avec les coachs. » Sur ce point, le Gaillacois s’est fait un honneur de ne jamais se défiler.

Et Serge Simon, avec un certain sens de la formule, de le résumer : « Bernard a certes été bien meilleur capitaine que joueur. Mais, plaisanterie mise à part, c’est justement pour ça que c’était un formidable joueur. »

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