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6 Nations - Marzio Innocenti (FIR) : « Je suis un incorrigible optimiste »

Par Jérôme Prévôt (avec D. A.)
  • Le président de la Fédération italienne de rugby veut conserver une lueur d’espoir. Le président de la Fédération italienne de rugby veut conserver une lueur d’espoir.
    Le président de la Fédération italienne de rugby veut conserver une lueur d’espoir. DR
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L’Italie reste sur une terrible série de 32 défaites dans le Tournoi. Marzio Innocenti, président de la président de la Fédération Italienne de Rugby, nous détaille clairement l’étendue de tous ses problèmes en conservant une lueur d’espoir. Contre vents et marées.

Est-ce difficile d’être président de la FIR en ce moment ?

Oui, c’est très difficile car bien sûr, les résultats ne sont pas au niveau d’une équipe qui joue le Tournoi. En plus, la diffusion du rugby sur notre territoire national n’est pas complète. Tous les problèmes structurels qui se posent à nous depuis des années sont loin d’être résolus. Mais d’un autre côté, sur le plan personnel, je me dis que si c’était facile, je ne serais peut-être pas là. C’est la difficulté de la tâche qui la rend intéressante.

Quel est le moral actuellement dans le rugby italien ?

C’est clair, dans le rugby italien en général, il y a un sentiment d’écœurement qui prédomine. Il n’y a pas beaucoup d’enthousiasme. Par contre, au niveau des cadres techniques, je sens un certain optimisme pour le futur. Ils pensent que nous sommes proches d’une nouvelle ère. Mais le plus important, c’est que l’enthousiasme demeure dans le camp des joueurs qui se préparent à jouer le Tournoi. Et c’est ce que j’ai senti quand je leur ai rendu visite. Je pense que nous allons avoir des surprises.

Qu’est-ce qu’il manque à l’Italie fondamentalement ?

Il y a plusieurs choses qui nous font défaut. Nos clubs d’une façon générale ne parviennent pas à faire de formation, en tout cas une formation suffisamment performante pour amener des joueurs vers le professionnalisme. Je pense que nous travaillons bien jusqu’à l’âge de 18 ou 19 ans de concert entre la fédération et les clubs. Mais ensuite, nos jeunes ne connaissent pas le fameux passage intermédiaire qui les tirerait vers le niveau international. Les franchises de Ligue Celte essaient de combler ce manque.

Justement quel bilan faites-vous de la création de vos deux franchises qui participent à l’United Rugby Championship ? Elles n’ont pas non plus de résultats mirobolants...

Il faut faire une différence. Trévise a des résultats satisfaisants. D’ailleurs cette équipe nous envoie quand même, 23 joueurs sur 31 dans le groupe élargi, notre entente est parfaite avec elle. En revanche, les Zebre ont des problèmes continuels, à commencer par des déboires financiers. Clairement, cette structure peine à trouver les mêmes ressources que Trévise. Elle stagne à un niveau médiocre et il faut bien le dire, elle ne nous est pas d’une grande utilité. Je préconise une révision générale à son sujet. Il faut savoir que Trévise s’appuie sur une tradition de club qui existait déjà et a bâti sa solidité sur cette base, et sur un territoire. Les Zebre qui jouent à Parme n’ont pas ce passé. En fait, en Italie, on reste branché sur la culture club. Les Zebre n’ont pas la motivation et l’identité suffisante, ils ne représentent pas un territoire même s’ils jouent à Parme.

Quel est votre avis sur les débats sur le Tournoi ? Est-ce blessant d’entendre dire que l’Italie n’y a pas sa place ? Comment voyez-vous votre avenir dans le Tournoi ?

Écoutez, j’ai lu les déclarations du CEO Benjamin Morel. Le problème de la présence de l’Italie ne se pose pas pour l’instant. C’est très clair. Je sais qu’il y a aussi un débat pour changer le format avec de nouvelles équipes. Nous ne sommes pas contre. Nous n’avons pas de préjugés. Mais je le reconnais, l’Italie doit absolument se montrer au niveau de la compétition. C’est indispensable car si l’on se rend compte un jour que nous n’avons pas le niveau pour rester dans les 6 Nations, ce sera à nous de prendre une décision et de faire un pas en arrière. Je ne peux pas le nier. Mais je suis un incorrigible optimiste, depuis notre arrivée à la FIR, nous travaillons dur et je suis sûr que ça va payer, que les choses vont s’améliorer. Je précise que le Tournoi, ce n’est pas que les seniors. Il y a aussi les féminines et les moins de vingt ans et les résultats ne sont pas si mauvais.

Le départ des Garbisi, Mori, Riccioni vers des clubs français et étrangers, est-ce une satisfaction ?

Oui, le départ de Garbisi valide notre formation de concert entre son club d’origine et les académies fédérales. J’ai parlé avec Philippe Saint-André et avec les dirigeants des Saracens au sujet de Riccioni. Mais il faut que l’Italie y trouve son intérêt pour que les joueurs aient du temps de jeu. Par exemple, le cas de Tommaso Allan, doublure de Marcus Smith aux Harlequins n’est pas satisfaisant.

Y a-t-il eu un moment où l’Italie a manqué le coche pour devenir une grande nation ?

La plus grande opportunité qu’on a ratée, c’est notre arrivée dans le Tournoi en 2000. On s’est concentré exclusivement à avoir des résultats immédiats. Il aurait fallu travailler très durement pour faire progresser tout notre rugby, pas seulement en termes sportifs mais aussi en termes de structures. Et développer le rugby dans tout le territoire. On vient de signer un accord avec la fédération de football pour trouver des leviers de croissance. Cet accord, il aurait fallu le faire il y a vingt ans. Avoir des conseillers techniques au niveau du Tournoi, peut-être était-ce là, le point de non-retour. Plus grande occasion qu’on a perdue. J’essaie actuellement de faire ce qu’il fallait faire il y a vingt ans. Mais mon principal souci c’est de me demander si je n’arrive pas trop tard.

Est-ce une bonne idée d’affronter trop souvent les meilleures nations notamment à l’automne ? N’est-ce pas mauvais pour votre image d’accumuler les défaites ?

Je suis d’accord, ce n’est pas une bonne chose. D’ailleurs, nous allons jouer plus souvent contre la Roumanie, l’Espagne et la Russie. L’Italie est la pire équipe parmi les grandes nations, et la meilleure parmi les petites. Nous sommes dans un entre-deux. Il faut équilibrer les choses d’un point de vue médiatique pour avoir des victoires. Car avec cette situation, nous arrivons à un paradoxe : la venue des grandes nations ne nous garantit plus de belles recettes, même contre les All Blacks.

Les diffuseurs vous suivent-ils toujours ?

Pour l’instant, la télévision s’intéresse toujours au rugby. Mais je suis conscient qu’il y aura des conséquences inévitables si la situation ne s’améliore pas. Ce n’est pas possible de suivre un sport qui ne donne pas de signe de progrès. Nous avons aussi signé un accord avec la fédération de football pour aller vers la jeunesse mais on nous a dit que c’était difficile de s’allier à un sport où l’Italie perd tous ses matchs.

Y a-t-il un soupçon d’optimisme malgré tout ?

Le nombre de licenciés a baissé par rapport à la pandémie. Mais je vois toujours une résilience dans notre mouvement. Et puis aujourd’hui, on sait comment on doit construire un joueur, un club, des connaissances qu’on n’avait pas il y a vingt ans. Dans nos fiefs traditionnels, la Vénétie, la Lombardie, le Latium, l’Émilie-Romagne, le rugby est toujours considéré comme un sport éducatif. On a même progressé même au niveau de cette réputation. Le problème n’est pas celui-ci. Notre problème c’est qu’en Italie en général, il y a une grosse désaffection pour le sport. Chez les jeunes, on sent moins le désir de s’y investir et de se réaliser par ce biais. Et ceci concerne même le foot, le sport roi.

Quelle est la réforme urgente à faire ?

Il faudrait que nos clubs fassent vraiment de la formation, au lieu de faire venir des étrangers ou de recruter les talents de l’équipe d’à côté sans avoir le budget adéquat. Il y a une réforme indispensable : réduire le nombre de clubs dans l’élite et adopter un système de "licence" pour obliger ces clubs à adopter certains principes de gouvernance, comme le fait le football d’ailleurs.

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