Monsieur Kaino

  • Jerome Kaino (Toulouse).
    Jerome Kaino (Toulouse). Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L'édito du lundi par Emmanuel Massicard... La cinquième étoile européenne remportée samedi par le Stade toulousain face à de brillants Rochelais doit beaucoup à la jeune génération rouge et noir. On l’a assez dit, ce vent de fraîcheur et de talent est une aubaine pour l’ensemble du rugby français qui redevient compétitif sur tous les fronts, en club comme en sélection. Profitons donc de l’aubaine et saluons le surplus d’expérience acquis à Twickenham par les Bleus des deux Stades, ce n’est pas du luxe sur le chemin de l’apprentissage qui mène à la Coupe du monde 2023.

Pour autant, ce vent de jeunisme n’a pas tout emporté. La conquête toulousaine est incarnée par un vieux de la vieille : Jérôme Kaino. 38 ans au compteur, 81 sélections, deux titres de champions du monde, un Brennus et désormais une Champions Cup dans l’escarcelle. Au firmament de sa carrière, le troisième ligne all Black a marqué de son empreinte cette phase finale. Décisif et exemplaire, inspirant et déterminant, celui qui semblait voué à terminer en disputant des bouts de matchs est redevenu un élément indispensable dans l’organisation des champions d’Europe. Il a rajeuni au fil des matchs pour décrocher un ultime trophée ; celui qu’il était venu chercher en France comme tant d’autres sudistes avant lui.

Kaino ? C’est le symbole parfait de ce nouveau Toulouse qui assume plus que jamais son héritage culturel. Avec la transmission au cœur de toutes les promesses. Le All Black va ainsi passer du terrain à l’encadrement, au Stade, pour continuer à partager son exigence et son expérience. Rien de nouveau, certains l’ont fait avant lui en portant une main tendue vers les autres. Pour autant, ils ne sont pas légion, chez tous les champions du monde, à emprunter cette voie. Alors, chapeau.

L’héritage version Kaino, ce n’est pas simplement la vision d’un champion du monde et un palmarès royal qu’il ambitionne de terminer avec un nouveau Bouclier. C’est aussi le parcours tourmenté, chaotique et quasi loufoque, d’un homme issu des faubourgs défavorisés d’Auckland, qui s’est battu pour décrocher l’habit noir. Qui s’est encore battu pour rebondir après ses échecs, quand il cédait aux démons de l’alcool et des nuits de bringue jusqu’à la veille des matchs. Sa rédemption ressemble à un roman.

C’est cette dérive cynique devenue ascension prolongée, ces combats enchaînés, et les soutiens trouvés pour sortir des ornières qui font de Jérôme Kaino un rugbyman à part, bientôt un technicien différent. Celui qui nous rappellera sans cesse l’importance de la deuxième chance et du pardon bienveillant.

Parce qu’il connaît mieux que quiconque le prix et la fragilité du succès. Parce que celui qui se croyait invincible a bien failli tout perdre avant de se vouloir exemplaire. C’est la vraie chance du Stade toulousain de l’avoir « importé » et, demain, lui confier les clés de sa transmission. Un atout supplémentaire pour la jeunesse dorée du rugby français qui entend surfer sur la vague du succès et copier les meilleurs. Ils pourront compter sur monsieur Kaino, pour leur murmurer aux oreilles la rançon de la gloire.

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