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« Momo, si tu lui donnes, il te rend au centuple »

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Publié le Mis à jour
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Le Montpelliérain, grand affectif au sang chaud, possède un parcours sinueux, fruit notamment d’un passé tumultueux. Entre le report de son procès, son match dantesque à Dublin ou son test positif à la covid-19, il a encore vécu des dernières semaines agitées. À l’image d’un garçon vraiment à part, comme le présente son ancien entraîneur au MHR Pierre-Philippe Lafond.

Dire que Mohamed Haouas traverse une période particulière est un euphémisme. Titulaire indiscutable chez les Bleus, le pilier droit montpelliérain a appris, durant le stage à Nice avant le Tournoi, que le procès pour des faits de cambriolage en 2014 dont il est accusé, et qui devait se tenir le 29 janvier, aurait lieu le 28 mai. Puis, en pleine compétition, il a fait partie des premiers joueurs touchés par la Covid-19, avec les répercussions que l’on sait. Tout sauf linéaire, comme son parcours. Entre-temps ? Il a notamment livré une prestation dantesque à l’Aviva Stadium. "Là, je me suis dit qu’il avait vraiment franchi un cap", admire Pierre-Philippe Lafond, son entraîneur pendant un an et demi au MHR. À l’intersaison 2019, personne ou presque ne le connaissait. Le technicien, qui débarquait dans l’Hérault pour prendre en charge les avants, raconte : "La première fois que je l’ai vu, j’ai dit au manager Xavier Garbajosa : "Lui, c’est une anomalie qu’il ne soit pas titulaire." Ses qualités physiques et rugby m’ont sauté aux yeux. Tests physiques, il est devant certains troisième ligne. Waouh ! On part en muscu, il pousse comme un âne. Waouh ! On va à la vitesse, il est ultrarapide pour son poste. J’ai pensé : "Ce mec est rapide, puissant, endurant, fort, agressif. Ce n’est pas possible, comment il ne joue pas ?" Sous Jake White ou Vern Cotter, il avait disputé très peu de matchs. Il avait tout, c’était criant. On pouvait me rétorquer : "Il ne comprend pas tous les détails." Mais un joueur qui fait plus de 120 kg, qui est aussi endurant que les troisième ligne et qui a cette vitesse…"

Dès le début de saison 2019-2020, Haouas fut très utilisé, pour vite changer de dimension. "On l’a de suite mis dans le bain, reprend Lafond. Il devait bosser sur sa technique au poste, sa position en mêlée, le spécifique pilier droit. On a insisté dessus. Mais il fallait lui donner du temps de jeu, de la confiance. Pendant la Coupe du monde, il a beaucoup joué, a tapé dans l’œil du staff du XV de France et ce fut l’enchaînement logique lorsqu’on enchaîne et qu’on est performant. Il a été sélectionné et s’est retrouvé dans le bon wagon. Ça s’est bien goupillé, il le mérite." Jusqu’à s’imposer comme un taulier du XV de départ de l’ère Galthié. Une progression éclair. "Momo, c’est une éponge, assure Lafond. Il est très demandeur mais il faut l’alimenter. Plus tu le nourris en conseil, plus il prend et se bonifie. Et il a encore une grosse marge."

L’expression qui revient sans arrêt pour le décrire ? "Un affectif au gros cœur. Il faut être proche de lui, nouer un respect mutuel. Si tu y arrives, tu peux voyager. " Trait évident de son caractère et clé de sa réussite. Lafond était parvenu à créer ce rapport singulier : "Momo, si tu lui donnes, il te rend au centuple. Ce n’est pas lui faire des câlins et lui dire que c’est le plus beau mais il a besoin qu’on lui montre de l’attention. Il m’est arrivé de lui rentrer dedans, lui mettre des savons à l’entraînement devant tout le monde. Mais il savait que c’était pour son bien. C’est un garçon très généreux, capable de tellement s’engager." Une complicité qu’il a retrouvée avec William Servat, en charge de la mêlée en sélection, déterminante dans son épanouissement sur la scène internationale. "Il a ce lien de confiance avec William, confirme "PP" Lafond. Quand c’est le cas, Momo peut traverser des océans et renverser des montagnes." Un dévouement parfois excessif. Mohamed Haouas, c’est bien sûr un potentiel immense mais c’est aussi quelques débordements.

"L’épisode écossais fut douloureux pour lui"

Ses dérapages trouvent leurs sources dans son passé tumultueux. "C’est un combattant, un dur au mal, explique son ex-coach. Il est courageux et, si ça s’accroche, n’est pas le dernier. Il est capable de conneries. Sa vie l’a amené à être comme ça. Le joueur découle de l’homme, de ses expériences, bonnes ou mauvaises. Il s’est construit ainsi. Il a toujours des défauts, et il faut savoir le secouer, mais aussi de grandes qualités. Comme un gosse, tu lui tapes sur les doigts. Il s’excuse et va donner encore plus. Les joueurs l’ayant côtoyé le diront : "Parfois, il casse les c… Mais ne triche jamais." Il sait se sacrifier." Sa sortie de route sportive la plus célèbre demeure son exclusion en écosse l’an passé après un coup de poing asséné à Jamie Ritchie. "Ça l’a beaucoup touché, promet Lafond. Il voulait se faire pardonner et a grandi ce jour-là. Ce fut douloureux pour lui car son geste a eu de lourdes conséquences sur la suite du match. Il n’a pas le droit au haut niveau, il le sait désormais."

Depuis ce 8 mars 2020, Haouas est souvent l’objet de provocations adverses. "J’ai vu des matchs où des mecs viennent le chercher. Il ne bronche plus, reste maître de lui. C’est un compétiteur, il n’a pas envie de passer à côté de ce qui lui arrive et veut être à la hauteur. Son passé judiciaire est ressorti, lui a collé l’image du "bad boy" après l’épisode écossais. Il ne le voulait pas, et ça lui a fait prendre conscience qu’il ne pouvait plus réagir sur le terrain." Autant de raisons qui, malgré ses erreurs et son tempérament bouillant, placent ce personnage à part. Surtout pour ceux qui l’entourent. Lafond, écarté en novembre dernier au MHR, conclut : "Mon passage à Montpellier a été enrichissant, pas épanouissant. Mais la rencontre avec Momo Haouas, et le fait d’avoir participé à son ascension, restent parmi les excellents souvenirs. Il fait partie de ceux que je saluerai et que je prendrai dans mes bras avec plaisir quand je le croiserai. Ce garçon ne laisse pas indifférent." Les Anglais pourraient encore en témoigner samedi…

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