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Fickou : « Farrell n’a pas besoin de parler français pour chambrer »

  • Gaël Fickou  « Farrell n’a pas besoin de parler français pour chambrer »
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Publié le Mis à jour
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Avec 60 sélections, Il est le joueur le plus expérimenté du XV de France, celui qui a le plus souvent affronté le XV de la Rose. Jusque-là, le Parisien n’a jamais gagné à Twickenham. Une statistique qu’il ambitionne de démentir ce samedi. Avec la perspective enfin de remporter un titre avec les Bleus. Evidemment, Fickou est aussi revenu sur l’épisode du « Bubble Gate », sur le retour de Vakatawa à ses côtés mais a utilisé son « joker » concernant son avenir en club…

La dernière victoire du XV de France en Angleterre date de 2005. Ça commence à faire long, non ?

(Il souffle longuement) Un peu, oui. C’était pareil avant la rencontre en Irlande. Ça faisait dix ans que l’équipe de France n’avait pas gagné à Dublin. Nous avons enfin réussi à stopper cette spirale de défaites. Et ce serait bien qu’on y arrive aussi à Twickenham. Personnellement, je n’ai jamais gagné là-bas. J’espère que cette année sera la bonne. On fait tout pour réussir ce challenge, on y croit fort. On veut gagner des titres, on ne s’en cache pas. Mais on reste vigilant car même si cette équipe anglaise n’a pas réussi son début de Tournoi, ça reste un excellent collectif avec des individualités de talent.

Avez-vous quand même de bons souvenirs face à l’Angleterre ?

Oui, j’en ai quelques-uns mais pas beaucoup. Je pense notamment à cette victoire en 2014 arrachée dans les dernières minutes de la rencontre. J’ai la chance de rentrer en fin de match et d’inscrire l’essai de la victoire. Ça reste un super souvenir car cette rencontre s’était jouée dans un contexte très tendu.

Jouer contre l’Angleterre reste-il un match particulier pour vous ?

Il y a un mythe qui s’est créé autour de ces matchs. Une rivalité très forte aussi. L’Angleterre reste un adversaire redoutable. Quelle que soit sa forme du moment.

Est-ce que ça chambre beaucoup sur le terrain ?

Énormément (rires). Souvenez-vous de ce qui s’est passé à la fin du match lors de notre dernière victoire dans le Tournoi. Il y a eu une échauffourée juste après l’essai de Charles Ollivon. Ce n’est pas par hasard. Non seulement il y a beaucoup d’agressivité dans ce genre de rencontre mais aussi une guerre psychologique.

Dans le dernier Midi Olympique Magazine (en kiosque ce lundi), le demi d’ouverture Owen Farrell regrette de ne pas savoir parler français, justement pour chambrer ?

Il n’a pas trop besoin de parler français pour chambrer (rires). Il suffit parfois juste d’une attitude, d’un petit geste. Après, personnellement, j’essaie de rester le plus concentré possible, le plus attentif et de ne pas prêter attention à ce genre de provocation. Globalement, ils sont assez chambreurs, les Anglais. Mais je vous rassure, on a aussi quelques joueurs qui savent très bien le faire (rires).

Ressentez-vous encore parfois une forme d’arrogance dans le comportement des joueurs anglais ?

Ils l’ont parfois été mais ça fait partie du jeu, notamment lorsqu’il y a beaucoup de pression, de tension. Taquiner l’adversaire, ça fait partie du sport. L’arrogance des Anglais fait partie de ce « décorum » qui règne autour du « crunch ». Après, je dois avouer que lorsqu’on peut leur enlever cet aspect-là, c’est assez jouissif. J’espère que ce week-end, ce sera le cas.

Le XV de France a battu l’Angleterre dans le dernier Tournoi. Il a failli récidiver lors de la Coupe d’Automne des Nations. Pensez-vous que ces Anglais vous craignent davantage avec ce nouvel affrontement ?

Il faudrait leur poser la question mais j’ai le sentiment qu’aujourd’hui toutes les nations du monde nous craignent. Bien plus qu’avant. Et c’est aussi vrai des Anglais. Je suis sûr que durant leur semaine de préparation, ils ont parlé de nous, pour nous faire baisser la tête et pouvoir nous chambrer. À nous de tout faire pour que ce soit le contraire. Parce que ça doit quand même être bon de battre les Anglais sur leur pelouse. J’avoue, j’aimerais goûter ce sentiment.

Vous avez évoqué les performances de ce XV d’Angleterre depuis le début du Tournoi. Avez-vous le sentiment qu’elle nage en plein doute ?

Cette équipe est sûrement pleine d’incertitudes en raison de ses deux défaites en trois matchs mais elle compte dans ses rangs de nombreux joueurs d’expériences, qui ont déjà gagné des titres, qui ont connu des hauts et des bas. Et ce genre de circonstances, ces joueurs-là savent agir. Je suis convaincu que cette équipe aura à cœur de réagir. Surtout contre le XV de France. Ils n’ont plus le choix, ils doivent gagner. Je m’attends à un match très agressif, comme les Anglais savent le faire.

Dans quel état d’esprit le XV de France s’est-il retrouvé dimanche ?

Il y avait beaucoup de plaisir à tous se retrouver à Marcoussis. Beaucoup de sourires. Je crois que tout le monde avait hâte que ça reprenne. On s’est tous posé des questions pour savoir si le match serait bien reporté et pas annulé. Et puis, en raison de la situation sanitaire, il y a probablement eu aussi un peu de crainte.

C’est-à-dire ?

Ce virus est sacrément contagieux, on ne savait donc pas si d’autres cas positifs feraient leur apparition ou non au sein du groupe. On a bien vu que le risque zéro n’existait pas. Je peux vous assurer que lors du premier entraînement il y avait beaucoup de sourires sur le terrain. De l’envie aussi et de la détermination. Ce match, il nous tarde de le jouer.

Le staff a-t-il abordé le sujet du « Bubble gate » avec l’ensemble du groupe ?

Un point a été fait pour éclaircir la situation. Ce qui a été dit doit rester entre-nous. En fait, on a évacué assez rapidement le sujet pour se concentrer sur le match. C’est quand même le plus important.

À titre personnel, comment avez-vous vécu cet épisode ?

D’abord, j’étais hyper déçu de ne pas pouvoir jouer ce match contre l’Ecosse. D’autant plus déçu que j’avais l’impression que tout le monde avait bien respecté le protocole qui nous avait été imposé. Malheureusement, le virus est entré dans le groupe, comme ça aurait pu arriver à d’autres équipes. Comme ça arrive toutes les semaines dans les clubs de Top 14 ou de Pro D2. Mais franchement, le plus frustrant pour tous les joueurs, ce fut l’annulation du match. 

Jean-Marc Doussain, dans le podcast « Poulain Raffute » disait qu’il y avait eu des choses bien plus graves par le passé en équipe de France sans un tel retentissement médiatique. Est-ce que tu partages le sentiment de ton ancien partenaire au Stade toulousain ?

Oui, c’est vrai. Mais très franchement, j’ai plutôt envie de parler du match, de rester focalisé sur le sportif. Je crois sincèrement que chacun doit rester à sa place. Les médias font leur travail, les joueurs, eux, sont là pour jouer et, si possible, gagner. À toutes époques, des critiques il y en a eu, des affaires aussi. Ce n’est pas la fin du monde. Aujourd’hui, ça fait partie de la vie d’un sportif professionnel. Nous sommes préparés à tout ça.

Pour vous, il n’y a donc pas de morceaux à recoller avec le staff technique ?

Non, absolument pas. Entre nous, tout a été clair. On sait exactement ce qui s’est passé, personne n’a enfreint le protocole.

Vous qui êtes un passionné de football, imaginez-vous l’ampleur que cette affaire aurait prise s’il avait été question de l’équipe de France de football et de son sélectionneur Didier Deschamps ?

Dans la mesure où le football est un sport bien plus médiatique que le rugby, cette affaire aurait été encore pire pour eux. Mais ils l’auraient géré aussi bien que nous. J’ai quand même l’impression que les explications ont été claires. Tout le monde sait ce qu’il s’est passé. Tout a été dit, tout a été écrit. Il n’y a rien à ajouter.

Vous allez retrouver au centre votre compère Virimi Vakatawa. On dit de vous que vous êtes peut-être actuellement la meilleure association au monde. Un sentiment ?

C’est très flatteur (rires). Ça fait vraiment plaisir mais chaque match est une remise en question. Ce genre de commentaire, ça pousse à être encore meilleur. Il nous reste évidemment encore beaucoup de choses à prouver, à gagner. C’est bien beau d’être comparé aux meilleurs mais les meilleurs ils gagnent des titres. Et puis, il y a d’autres joueurs avec du talent à notre poste. Mais c’est vrai qu’on s’entend très bien. Je considère Virimi vraiment comme un ami, quelqu’un que j’apprécie en dehors du terrain, avec qui j’aime partager du temps.

Est-ce vraiment plus facile de jouer avec lui ?

Si je disais le contraire, je mentirais. «Viri» a tellement de qualités exceptionnelles qu’il facilite le jeu. C’est un mec hyper-complet. Il peut jouer au pied, a une qualité de passe incroyable, une vitesse incomparable. Un joueur comme ça, il faut lui donner les ballons pour qu’il prenne les espaces. On ne peut pas avoir deux joueurs avec ce même rôle. C’est de ma responsabilité de lire les situations pour lui donner les meilleurs ballons et être à son soutien. L’idée, c’est vraiment de s’adapter à son partenaire. Aujourd’hui, je sais comment il défend, comment il attaque. On joue ensemble les yeux fermés.

N’est-ce pas frustrant pour vous ?

Non, pas du tout. Mon rôle a évolué. Par le passé, je jouais plus souvent au poste de second centre. Aujourd’hui, je suis positionné en douze. Certes, c’est le même poste mais pas franchement le même jeu. En premier centre, je dois parfois jouer mes duels, seulement l’espace libre est souvent un peu plus sur l’extérieur, là où se situe Virimi.

Mais qu’est-ce qu’il a de plus que les autres ?

Il est costaud, technique, intelligent.

Et qu’a-t-il de plus que vous, par exemple ?

Il a ce côté facteur X totalement imprévisible. À l’instar de Teddy Thomas ou Damian Penaud, il cherche constamment à jouer son duel. Avec des trucs que seul lui peut faire. J’avoue ne pas trop savoir comment l’expliquer, mais c’est comme ça… Je pense évoluer dans un registre plus traditionnel, plus régulier. Et puis, de par mon positionnement, je suis amené à plaquer un peu plus que lui de par ma zone de jeu. À accomplir un peu plus de tâches également.

Est-il facile à orienter sur le plan défensif, secteur de jeu qui a longtemps été son point noir ?

C’est un très bon défenseur sur l’homme. Ce qui a été son point noir, c’était la défense collective. Il faut dire aussi qu’il a longtemps joué à l’aile, puis il est passé à 7, ce qui n’a pas rendu sa tâche facile. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de souci. Il lit bien les situations.

Est-ce que ça donne envie de jouer plus régulièrement avec lui ?

(Il rigole) Seul l’avenir nous le dira. Pour l’instant, joker.

N’y a-t-il pas une forme de paradoxe à vous retrouver « capitaine de la défense » alors que durant des années on a loué vos qualités offensives ?

C’est vrai que ça peut paraître bizarre. Je pense avoir toujours été bon défenseur, mais je me concentrais beaucoup sur le jeu offensif. Durant les premières années de ma carrière, ça a souvent été un sujet de discussion avec mes entraîneurs. On m’a souvent répété que je pourrai être un excellent défenseur car je ne ratais pas beaucoup de plaquages, mais que je les subissais trop, que je n’étais pas une référence sur les plaquages offensifs, que j’étais parfois hésitant. Je me souviens de Gérald Bastide (ancien entraîneur de la défense du XV de France, N.D.L.R.) qui ne cessait de me répéter : « Gaël, si tu prends confiance en toi, tu deviendras un excellent défenseur et plus aucun entraîneur ne te sortira de la feuille de match. » Et j’avoue que c’est un point que j’ai beaucoup travaillé. Lors de la dernière Coupe du monde, je pense avoir franchi un cap, j’ai été un des meilleurs plaqueurs de l’équipe sur l’ensemble de la compétition. J’ai apporté quelque chose que je n’avais pas jusque-là. Franchement, ça a été une découverte pour moi dans ce domaine.

Y prenez-vous du plaisir ?

Il y a encore quelque temps, je ne pensais qu’à faire des différences offensives et je ne pensais pas qu’un jour je m’épanouirais autant à défendre. J’avoue que ça me fait parfois rire un peu. Passer du temps à la vidéo pour analyser l’attaque adverse, apprendre à mieux anticiper une stratégie défensive, ça m’était un peu étranger. Or, aujourd’hui, c’est mon quotidien et je me régale. Et quand Shaun Edwards m’a convoqué pour me proposer ce rôle de capitaine de la défense, j’ai ressenti un peu de fierté. Ses propos m’ont fait chaud au cœur.

Que vous avait-il dit ?

Qu’il avait regardé tous les matchs de la Coupe du monde, que je ne ratais quasiment pas de plaquage, que j’avais une bonne lecture des situations. Bref, des trucs sympas à entendre (rires). J’ai très vite accepté son challenge mais en lui disant que j’aurai besoin de son aide car ce rôle-là était totalement nouveau pour moi.

Si on vous avait dit ça, il y a quelques années, l’auriez-vous cru ?

(Il souffle) Sans être prétentieux, je pense que oui. Parce que j’avais confiance en moi, que je savais que ma marge de progression était grande. On parle quand même d’une époque où j’avais 21, 22 ou 23 ans. J’étais encore un jeune joueur. Et j’ai toujours su, au fond de moi, que c’était en progressant sur le secteur défensif que je deviendrai un joueur important en équipe de France.

Gagner en Angleterre samedi, est-ce l’assurance de faire le Grand Chelem ?

Bah non, il restera encore deux matchs à gagner ! Mais ça nous ouvrirait quand même les portes de quelque chose de grand. Et surtout, une victoire à Twickenham, ça marquerait les esprits et nous donnerait beaucoup de confiance.

C’est l’année ou jamais ?

Vous nous mettez grave la pression (rires) ! Après je comprends que l’attente a été longue. Ces dernières années n’ont pas été bonnes pour le rugby français et on sent de l’impatience à voir le XV de France gagner un titre. C’est notre objectif clairement affiché de toute façon. Et en plus, au risque de paraître suffisant, on a vraiment le potentiel pour le faire.

Vous avez 60 sélections et vous n’avez rien gagné avec les Bleus. À vous aussi il doit vous tarder de remporter un trophée, non ?

Bien sûr que j’ai envie de gagner ce Tournoi des 6 Nations. Mais pas seulement pour remporter un titre. Le staff nous a bien fait comprendre que c’est en accumulant les victoires, en empochant des titres que se construit l’expérience d’un groupe. Nous avons tous dans un coin de notre tête cet objectif de la Coupe du monde 2023. Si l’on veut y être performants et en sortir vainqueurs, ça passe par des succès en amont de cette compétition. Aujourd’hui, nous sommes au troisième rang du classement mondial, ce qui n’était pas arrivé depuis des années. C’est un premier marqueur fort de notre progression. La prochaine étape, sans que ce ne soit un fin en soi, c’est de remporter ce Tournoi des 6 Nations. Et pourquoi pas réaliser le Grand Chelem...

Gaël Fickou (président de La Seyne, Fédérale 1)

« L’annonce de l’arrêt des compétitions amateurs, c’est forcément une déception. Pour mon club, pour les joueurs qui sont frustrés. Mais je comprends le choix qui a été fait. Durant cette période, on ne peut pas être égoïste, il faut penser aux conditions sanitaires dans tout le pays. Il y a des personnes qui souffrent, qui sont malades, d’autres qui perdent leur job en raison de la situation économique. Je n’ai donc pas envie de me plaindre, il y a vraiment des gens qui se retrouvent dans des situations bien plus difficiles que la nôtre. Le plus important à mes yeux, c’est la santé de tout le monde. Après, au sein du club, on essaie de gérer au mieux la situation, ce qui n’est pas toujours simple. »

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