Abonnés

Que jamais ces Bleus ne s'arrêtent

  • La joie des Bleus dans les vestiaires du Stade de France après la victoire contre l'Irlande
    La joie des Bleus dans les vestiaires du Stade de France après la victoire contre l'Irlande Twitter France Rugby
Publié le Mis à jour
Partager :

Inspirés, inspirants, ces Tricolores auteurs de neuf essais en deux matchs sont un enchantement, en ces temps sinistres. Doivent-ils vraiment revenir en club ? Déjà ?

Cette équipe de France chasse un à un les démons qui nous hantaient depuis près de dix ans : la trogne inanimée de Warren Gatland, ce pacha désabusé dont le système de jeu qui portait son nom – le « warrenball », bâti sur l'empilement algorithmique de quintaux sans génie mais sachant détruire et défendre- offrit, avant le renversement de février dernier, huit victoires en neuf matchs aux Gallois ; l'oeil noir de Johnny Sexton ou le « box kick » de Conor Murray, autant d'odieux schèmes qui avaient fait de l'Irlande, une nation comptant moitié moins de licenciés que la seule ligue Occitanie, un supérieur, un dominant ou pire, un modèle. Percussion de CJ Stander, percussion de Bundee Akhi, pénalité, maul pénétrant : était-ce vraiment le jeu que l'on souhaitait pour l'équipe de France ? Ce rugby avait-il soudainement oublié sa vraie nature, pour abandonner le vieux Tournoi aux pragmatiques, aux obéissants, aux disciplinés ? Samedi soir, les Irlandais ont ainsi joué comme ils le font depuis huit ans, depuis le jour où Joe Schmidt, en fait, a donné les clés du système à Conor Murray et Johnny Sexton, un combo qui est à la fois la charnière la plus cappée du rugby international et l'entrave la plus importante à toute évolution du jeu irlandais.

Et qu'il est doux, de voir l'ami Johnny quitter le Stade de France en gueulant comme un putois, furieux d'être remplacé au cours d'un match qu'il ne pouvait plus renverser. Qu'il est bon d'entendre de la bouche de l'ancien meneur de jeu du Racing, 97 sélections 900 points au compteur, expliquer avoir « privilégié la pénaltouche » parce qu'il savait son « adversaire capable de marquer à tout moment ». Car c'est bien ce qui interpelle, dans cette équipe de France revenue des enfers : elle a en elle un tel talent, un tel allant, un tel culot qu'elle transforme le moindre ballon merdique en occasion d'essai ; elle est portée par une charnière (Ntamack / Dupont) ayant donné la leçon à deux des plus grands maîtres du monde ; elle ne craint rien, ni personne et draine derrière elle un engouement populaire qui s'était clairement désagrégé au fil des ans, au fil des roustes pures et des « défaites encourageantes ». Franchement ? Ce XV de France et ses neufs essais aplatis en deux matchs sont un si grand bonheur qu'on aurait voulu que jamais il ne s'arrête. Oui, parce que le groupe « type » de Fabien Galthié, limité à trois feuilles de match sur six possibles d'octobre à décembre, rejoindra très vite un Top 14 dont on se dit qu'il aurait pu, bon an mal an, laisser les Bleus défendre, au nom d'une quelconque raison d'état, une cause qui regroupe 5 millions de téléspectateurs, les mauvais soirs.

A-t-on oui ou non le réservoir de la Nouvelle-Zélande ? 

Que va-t-il advenir de ce groupe France, maintenant qu'il s'apprête à être démantelé ? Peut-on vraiment espérer qu'il se hisse au même niveau que celui ayant balayé le pays de Galles et l'Irlande ? Il est des coachs, ici ou là, qui croient dur comme fer au fait que le système est au moins aussi important que les hommes qui le servent . C'est évidemment faux et tout porte à croire que, dans la coupe des Nations qui se présente, Olivier Klemenczak, George-Henri Colombe, Cameron Woki ou Mathieu Jalibert n'auront pas le même impact que Virimi Vakatawa, Romain Ntamack ou François Cros sur la sélection nationale. On peut se tromper ? Cela va de soi. Et si c'est le cas, on voudra bien reconnaître, alors, que le système bâti par Fabien Galthié est le plus grand jamais élaboré par un coach ou que, nom d'une chèvre, le rugby français compte aujourd'hui quarante joueurs d'un niveau sensiblement égal.

Grégory Alldritt, excellent face à l'Irlande, a réalisé 24 plaquages face aux Diables Verts.
Grégory Alldritt, excellent face à l'Irlande, a réalisé 24 plaquages face aux Diables Verts. Sportsfile / Icon Sport - Sportsfile / Icon Sport

Qui ira mordre les mollets de Grégory Alldritt, trois trophées d'homme du match dans ce Tournoi 2020 et auteur de 24 plaquages face à l'Irlande, samedi soir ? Qui mènera le jeu des Bleus avec l'aplomb dont est aujourd'hui capable Romain Ntamack, à peine âgé de 21 ans ? Existe-t-il une deuxième-ligne, en France, alliant la force pure et l'abattage en défense de Paul Willemse et Bernard Le Roux ? Qui sera le soutien intérieur de Vakatawa ou Fickou, lorsque Dupont affrontera Castres, puis Pau ? In fine, les « autres » seront-ils habités de l'hallucinante confiance en soi qui semble actuellement hanter les titulaires de Galthié, insensibles au doute qui avait avant eux gangrené le groupe France ? On n'en sait foutre rien. On espère simplement que la dynamique entourant le XV de France depuis quelques mois offrira aux réservistes la chance de séduire sélectionneur et grand public. Convenez qu'il serait ballot, pour une équipe venant d'accéder à la quatrième place du classement mondial, de dégringoler subitement et revenir, comme aux temps maudits, derrière l'austère rombière irlandaise, la Galloise en souffrance ou cette Australienne en ruines, fraîchement rasée par un caillou du Pacifique ayant pour lui la chance, unique (?), de pouvoir compter sur quarante joueurs d'égal talent...

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?