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Les personnages du rugby français : Michalak, le surdoué du nouveau millénaire

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    Les personnages du rugby français : Michalak, le surdoué du nouveau millénaire Midi Olympique
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Au début des années 2000, le rugby français tombe sous le charme d'un jeune Toulousain du nom de Frédéric Michalak, au talent fou et à la progression record. Retour sur l'émergence de ce phénomène qui a marqué, à sa manière, le rugby français.

9 juin 2001 : au Stade de France, Toulouse et Clermont se livrent un duel de haut vol pour la 100e finale de l'histoire du championnat. Ce soir-là, la France du rugby tombe amoureuse d'un gamin de 18 ans soudainement propulsé sur le devant de la scène : Frédéric Michalak crève l'écran par son culot, son talent, son sang-froid. Tout ça réuni dans un petit bonhomme encore inconnu quelques mois plus tôt. Saint-Denis est ébloui : le minot inscrit des pénalités de cinquante-deux, cinquante et quarante-trois mètres tout en multipliant les offrandes à Yann Delaigue, auteur de trois drop-goals lors de cette partie. Les Rouge et Noir triomphent avec leur petit prince en tête d'affiche (34-22). Jacques Chirac en personne l'avait annoncé avant le coup d'envoi : "Vous allez faire un bon match", avait glissé le président de la République au Toulousain, lors de la présentation des équipes.

Personne n'aurait pu prédire cette ascension record au gamin de Ramonville, dix mois plus tôt, quand la saison avait débuté. Dans la hiérarchie des demis de mêlée, le nouveau venu pointe alors logiquement en quatrième position derrière Jérome Cazalbou, Jérome Fillol et Joseph Ilharéguy. Encore mineur, il est précédé d'une très flatteuse réputation et d'un palmarès impressionnant. Lui, la machine à gagner un titre par saison avec des consécrations chez les cadets A et les juniors Crabos. Sa destinée paraît cousue de fil doré. Mais son accomplissement va défier les lois du temps et les prévisions les plus optimistes. Entre les blessures de ses aînés et les contraintes du calendrier, un intervalle s'ouvre pour Frédéric Michalak dès le début de l'année 2001 : le 6 janvier, face à Auch, à Ernest-Wallon, il connaît sa première feuille de match, à 18 ans et 2 mois. "Je n'avais pas de pression particulière, déclarera quelque temps après l'intéressé. J'ai joué à l'instinct." Tout paraît tellement simple avec du talent.


"C'est certainement le joueur de sa génération"

Le pari de Guy Novès se révèle payant : le demi polyvalent brille à chacune de ses apparitions. "Sans avoir vu jouer Fred en 9, j'étais convaincu que ses qualités techniques et mentales lui permettraient d'apporter un plus à ce poste tellement exigeant. Il lit en permanence le jeu et la qualité de sa passe est indiscutable", expliquera l'homme fort du Stade. Les louanges se déversent sur sa toute nouvelle trouvaille : "C'est certainement le joueur de sa génération, affirme Christian Gajan, l'entraîneur des avants. Il jouit d'une autorité naturelle épatante." Depuis le terrain, Emile Ntamack, aussi, décèle un potentiel rare chez ce phénomène : "Il pue le rugby. Il a tout, la gestuelle, le coup d'oeil, la vivacité." Tout pour plaire. Tout pour réussir. En demi-finale, à Castres, pour sa dixième rencontre en pro et sa première véritable échéance couperet, il joue les détonateurs avec ses jeunes compères Poitrenaud et Jeanjean. "Il y a longtemps que je n'avais pas vu des joueurs aussi talentueux, souligne l'entraîneur tarnais Alain Gaillard. Ils apportent leur insouciance, leurs cannes, leur gabarit. Ils ne calculent pas, ils sont heureux d'être là." 

A la suite de cette étincelante prestation, il est appelé avec le XV de France pour la tournée estivale. Il ne peut honorer sa convocation en raison... d'un stage en entreprise : "Ce n'est pas un problème, mon heure viendra un jour", relativise le Toulousain. Avec sa prestation trois étoiles en finale, il donne des regrets à tous les supporters tricolores. Cinq mois plus tard, le souhait de tous les amoureux de ce jeu est exaucé : le 10 novembre 2001, Frédéric Michalak entre en jeu à trois minutes du coup de sifflet final, à l'occasion d'une victoire convaincante des Bleus face à l'Afrique du Sud (20-10). Une semaine plus tard, il est titularisé pour la première fois : Gérald Merceron blessé et François Gelez jugé insatisfaisant, le bizuth est replacé à la hâte en numéro 10. Et ce, même si Bernard Laporte souhaitait initialement l'avoir en relais de Fabien Galthié à la mêlée. Il inscrit trois précieux points pour un succès étriqué face à l'Australie (14-13).

Les prophéties de Noves et Bérot

L'interminable débat sur le meilleur poste de cet ouvreur de formation débute tout juste. Sur son potentiel pur, la petite merveille du rugby français met au moins tout le monde d'accord. Dans la presse étrangère, Raphaël Ibanez en parle comme du meilleur rugbyman français du moment, ni plus ni moins. Guy Novès, son manager en club, le dépeint comme une exception : "Parmi les nombreux éléments de valeur qui sont passés au Stade toulousain, Michalak est l'un des rares à respirer le rugby par toutes ses pores, quel que soit le poste auquel il évolue." Le technicien aux dix Brennus prédit alors un destin extraordinaire à ce joueur pas comme les autres : "Au demeurant, son talent est tel qu'il peut prétendre se hisser également au niveau de l'Anglais Wilkinson, le meilleur ouvreur au monde."

Sa prophétie ne s'est pas pleinement réalisée, en quinze ans au plus haut niveau. Celle de Jean-Louis Bérot, au printemps 2002, trouve en revanche une résonance toute particulière avec le parcours accidenté du plus talentueux des rugbymen français du début des années 2000 : "Michalak est un surdoué qui a toutes les qualités pour réussir à la mêlée ou à l'ouverture, plus l'euphorie de la jeunesse : on lui pardonne tout mais il traversera comme tout le monde une période de doute et c'est à ce moment-là qu'il devra être le plus fort." 

Ballotté entre deux postes, parfois écarté, critiqué pour ses manques dans la gestion, le petit prodige du 9 juin 2001 n'a pas tenu toutes les promesses placées en lui par des millions d'observateurs. Mais il n'a jamais abdiqué et la flamme de son talent a continué à briller, jusqu'au bout. Tantôt avec vigueur, tantôt à petit feu : mais avec 77 sélections, six Coupes d'Europe, trois Boucliers de Brennus et une Currie Cup au palmarès, le Toulousain pure souche a, à sa manière, marqué le rugby français de son empreinte.

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