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Les grandes épopées - À Biarritz, les Galactiques de Blanco

  • Victoire et joie de Biarritz
    Victoire et joie de Biarritz Isabelle Picarel / Icon Sport - Isabelle Picarel / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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De 2004 à 2006, le Biarritz olympique des Yachvili, Traille et Harinordoquy a dominé le rugby hexagonal, avec deux boucliers et une finale de Coupe d’Europe. Retour sur cet âge d’or du club basque, alors porté par un effectif quatre étoiles et par un encadrement haut en couleurs.

Été 2004, sur la Côte basque. Une vague de talents déferle soudainement sur Biarritz : Damien Traille, Thierry Dusautoir, Imanol Harinordoquy, Olivier Olibeau ou encore Benoît Lecouls affluent vers Aguilera. Des recrutements clinquants comme autant de promesses de succès. Les Galactiques version ballon ovale se constituent : « Vu l’effectif, l’objectif affiché était clair : c’était obligatoirement un titre, voire deux », se remémore Jacques Delmas, alors tout juste arrivé en provenance de Grenoble.
Avec un sourire dans la voix, l’entraîneur des avants poursuit : « Pourtant, ça avait mal commencé. Nous avions gagné le premier match à Béziers mais en suivant Bayonne était venu nous taper à la maison. Je ne vous dis pas le séisme que ça a créé : c’était du huit sur l’échelle de Richter. » « Ce jour-là, j’ai compris ce que représentait vraiment un derby : cette défaite avait été vécue comme un cataclysme, confirme le deuxième ligne Olivier Olibeau. Surtout quand vous perdez en oubliant l’agressivité. » En ce 18 septembre, la terre avait tremblé rue Cino del Duca.

Avec Patrice Lagisquet et Jacques Delmas, fraîchement associés sur le banc, au cœur de l’épicentre, face au courroux du volcanique Serge Blanco : « Serge nous avait chopés tous les deux. On s’était enfermé tous ensemble et ça avait volé dans tous les sens : pim, pam, poum. Jusque-là, Patrice avait été un peu méfiant. Il voulait que je vienne mais avait eu du mal à me faire de la place. Ça ne fonctionnait pas trop. Serge avait tapé du poing sur la table. Il avait défini les rôles de chacun et avait dit : « Si vous êtes capables de vous entendre, nous ferons de belles choses. Ça vous appartient. » Nous avons fait table rase et c’était parti. Ce n’est pas grave qu’une histoire commence mal si elle finit bien. » Après ce double faux départ, à la fois relationnel et sportif, une nouvelle dynamique se crée au sein de cette formation en construction. « À partir de là, l’équipe était montée en puissance, reprend Olivier Olibeau. Je me souviens encore des oppositions à l’entraînement : l’adversité était impressionnante. D’un côté, il y avait les vieux briscards avec les prétendus seconds couteaux et, de l’autre, l’équivalent d’une équipe internationale avec les cadres : vous aviez Balan, Thion, Harinordoquy, Couzinet dans un camp contre « Gonzo », Milhères, Lecouls, Puleoto dans l’autre… C’était du haut niveau. » Jacques Delmas appuie : « Il y avait de la qualité partout. Devant, j’ai rarement vu une première ligne aussi dense en mêlée et nous avions 36 000 solutions en touche. Derrière, quand vous engagiez la bataille du jeu au pied avec le « Yach », Damien Traille et Nico Brusque, vous gagniez neuf fois sur dix. » Par-delà les qualités des uns et des autres, le technicien est resté marqué par la détermination de ses protégés : « C’était un régal de bosser avec ce groupe. J’ai pris un plaisir fou. Je me rappelle encore des interminables séances de touche avec Imanol, Couzinet, Olibeau… Ils auraient pu ne jamais s’arrêter de bosser. Christophe Laussucq en était venu à dire que ça ne servait à rien de préparer son alignement avant de nous jouer. Je n’avais que des passionnés avec moi. » Des compétiteurs nés. Des vainqueurs en puissance.

« On aurait dû gagner cent fois cette finale »

Mais sur les sentiers de la gloire, l’adversité s’avère des plus redoutables : « Nous avions un des plus beaux effectifs du rugby français mais le Stade toulousain et le Stade français étaient autant armés. » Les Soldats roses, justement, la bande à Yachvili la retrouve en demi-finale de Coupe d’Europe, le 25 avril 2005. Au Parc des Princes pour une lutte de rois. Les Basques dominent les débats jusqu’à la 88e minute et une ultime banderille de Christophe Dominici : « Paris nous avait sorti avec un arbitrage pas possible, reprend Jacques Delmas. L’arbitre nous avait enfarinés : sur le dernier essai, il y a un porté ou le ballon tombe et ils l’avaient repris. Il avait laissé tout faire ce jour-là… Nous avions mal vécu ce revers. Il y avait un vrai sentiment de revanche. » Un mois après, lors de retrouvailles ô combien croustillantes, la roue de la fortune change de sens : après une prolongation et un duel de buteurs insoutenables, Biarritz décroche le quatrième Bouclier de Brennus de son histoire. Un accomplissement pour les Galactiques. Le début d’un nouveau rêve, également : « L’année d’après, nous avions tous en tête le doublé. » La marche royale des Rouge et Blanc les mène à Cardiff, le 20 mai 2006. « Ce match, il me hante encore un peu », reconnaît le technicien. « Encore une fois, nous avions perdu sur un essai casquette, peste Olivier Olibeau. Mais l’équipe a prouvé tout son caractère par la suite. » Son entraîneur d’alors revient sur la douloureuse convalescence : « De tous les moments durs, c’est celui qui m’a le plus marqué. Serge, c’est mon pote, hein… Mais après la finale, il a eu une réaction inappropriée. Il a dit de ces trucs. Il y a prescription maintenant… Il a fallu encaisser les coups. Nous étions déjà tellement déçus. On aurait dû gagner cent fois cette finale. Ça avait été dur de basculer. » Les Basques trouvent des ressources inespérées pour relancer la mécanique : « Je me rappelle que nous étions partis au vert pour la demi-finale à Montpellier et on ne s’était plus quitté, témoigne le deuxième ligne. Il s’était passé quelque chose de fort entre nous. » Trois semaines après le rêve brisé de Cardiff, le BOPB terrasse le Stade toulousain, 40 à 13, en finale du premier Top 14. « Jamais je n’aurais cru que l’on aurait relevé la tête de cette manière », reconnaît Jacques Delmas. Cette formation étoilée vient d’atteindre son sommet. Son crépuscule, aussi.

Séances vidéo houleuses, virées nocturnes…

Quinze ans après, le BOPB du milieu des années 2000 reste perçu comme une des plus belles machines à gagner de l’ère professionnelle. Du papier glacé au terrain, les Galactiques avaient réussi à constituer une équipe au sens noble du terme : « Ce que j’appréciais le plus, c’était le juste équilibre au sein du groupe, commente Olivier Olibeau. Il y avait la vieille génération qui inculquait les valeurs d’avant et les jeunes qui étaient en haut de l’affiche avec une médiatisation plus développée. C’était un bon mélange. Je me suis régalé à tous les niveaux : j’ai vécu des moments extraordinaires au quotidien dans le vestiaire. Tous les jours, ça rigolait, c’était une vraie cour de récréation. »

Avec pour encadrer le tout un tandem de professeurs avisés, complémentaires et complices : « C’étaient deux approches différentes : Patrice était très rigoureux, il allait au bout choses et était fin tacticien ; Jacques était bon, aussi, dans l’analyse mais il était peut-être plus porté sur la technique individuelle et il était proche des joueurs. »

L’entraîneur des avants revient sur cette collaboration avec ce partenaire si particulier : « Patrice, c’est un gars intelligent, un vrai disque dur. Notre relation a finalement bien marché. Il avait ses domaines de prédilection, la défense, la vidéo et j’avais les miens. Il y avait un garçon très pointu avec nous, aussi : Marc Lièvremont. Il passait des heures dans le bureau et avait un recul précieux sur le jeu. » Les compétences de chacun allaient de pair avec des caractères hauts en couleur : « Patrice était habité par sa passion. Il était excessif et il n’y avait que Serge qui était capable de le modérer. Ça allait au-delà de l’amitié. » Une énergie folle se dégageait de cette improbable association de personnages. Avec Serge Blanco en pompier-pyromane : « Il y a eu quelques séances vidéo houleuses et pas mal de réunions en urgence », rigole Olivier Olibeau. « Serge pouvait être envahissant, confirme Jacques Delmas. Mais que voulez-vous ? Pour lui, le BO importait plus que tout : il était toujours derrière. On avait nos crises, ça partait en vrille parfois mais son énergie nous portait. Elle nous a permis de vivre de grands moments. »

Des succès retentissants pour la postérité. Et des pastilles de vie mémorables pour les hommes. Les souvenirs ressurgissent, pêle-mêle : « Je me souviens de ces repas en Espagne où il nous emmenait quand il avait un message à nous faire passer. Ou de cette soirée où, après un match à Anoeta, nous étions revenus à San Sebastian le soir même, tous les deux. On avait fini à 4 heures du matin, dans un bar à côté du stade. C’était comme ça. Nous aimions les mêmes choses : rigoler, bouffer, parler… » Et gagner, plus que tout. Ainsi s’est écrite l’épopée des Galactiques de Biarritz.

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Les commentaires (1)
Makila Il y a 3 années Le 25/04/2020 à 15:25

Aucun mot sur Mr serge Kampf sans qui tout cela n'aurait été possible.