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La double face de Fabien Galthié, nouveau sélectionneur de l'équipe de France

Par Marc Duzan
  • Fabien Galthié
    Fabien Galthié Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Le meilleur technicien français ne fait pas l’unanimité dans son propre pays. Qui est-il ? Et le concernant, pourquoi les avis sont-ils aussi divergents ? Voyage sur les traces de Fabien Galthié...

On a eu différentes relations avec Fabien Galthié. Celle de coach à journaliste, d’abord, à l’époque où il démarrait sa carrière d’entraîneur au Stade français : l’homme était courtois quoique distant, imprévisible et plutôt austère, les mauvais jours. Celle de confrère à confrère, ensuite, à l’époque où le technicien accompagnait les journalistes de L’équipe au Mondial anglais : on y avait découvert un homme ouvert, curieux de l’autre et bien plus sensible qu’avaient laissé penser nos premiers bras de fer, au temps où l’on écrivait justement que "son" Stade français jouait bien mais gagnait peu. Alors, il paraît qu’il faut du temps pour appréhender le personnage, plus complexe que les bouffons qui, en une fois, donnent tout ; plus fragile, aussi, que ne le laissaient croire les rapports conflictuels qu’il entretint avec les joueurs qu’il jugeait médiocres, au temps où il en était le coach. à ce sujet, on dit qu’ils sont nombreux à avoir souffert des brimades de Galthié. L’ancien ailier du Stade français Raphaël Poulain, dans son livre "Quand j’étais Superman", fut d’ailleurs le premier à lever le voile sur la souffrance d’un joueur au placard, exhumant au fil de sa narration cette phrase assassine attribuée à Galthié : "T’es vraiment énorme dans la déconne mais je crois pas que tu aies le niveau pour jouer en Top 14." Peu avant de quitter le club parisien au printemps 2005, Poulain rétorquera : "Humainement, tu ne vaux rien. Tu devrais être interdit d’entraîner. Tu déchires tes joueurs comme un teckel s’acharne sur de mauvais bouts de barbaque." Ce que fut Fabien Galthié à ses débuts d’entraîneur laisse perplexe. Démagogie à part, posons-nous néanmoins cette question : Poulain avait-il à l’époque le niveau pour rivaliser avec les autres ailiers du Stade français, qu’ils se nomment Dominici, Arias ou Sarraméa ?

Landreau : "Il n’a pas les mêmes codes"

Qu’il soit joueur, entraîneur ou consultant télé, Fabien Gathié n’a jamais fait l’unanimité. Dans le milieu, il a donc ses défenseurs : Jacques Brunel, Laurent Labit, Bernard Laporte, Fabrice Landreau ou Max Guazzini en font partie. Plus près de nous, Juan Martin Hernandez ou François Trinh-Duc, desquels il est resté très proche, estiment avoir plus appris avec lui qu’avec n’importe quel autre coach. Pourtant, ceux ayant eu maille à partir avec lui sont aussi nombreux. En vrac, on citera donc Jean-Claude Skrela, Christophe Urios, Geoffrey Doumayrou et d’autres que l’on oublie. Avant d’écrire cet article, on a donc appelé Jérôme Fillol, passé sous les ordres de Galthié de 2004 à 2008, à Paris. L’échange fut bref et la réponse, elle, assez claire : "Je n’ai rien à dire. Je ne veux pas lui donner d’importance." On a aussi sondé Jonathan Wisniewski, furtif à Toulon, pour un résultat similaire : "Je n’ai pas envie de perdre mon temps, désolé." Puis Jean-Baptiste Peyras, arraché à Bayonne par Montpellier et au sujet duquel Fabien Galthié dira après quelques mois : "Je me suis trompé à ton sujet, tu peux partir." Six ans après avoir croisé la route du Columérin, Peyras a tiré un trait sur sa carrière de rugbyman et contourne la polémique : "Je respecte le technicien Galhié, il est très fort. Mais je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai vécu un an et demi durant, sur mon lieu de travail."

À l’instant où il lira ces lignes, Fabien Galthié nous appellera probablement pour nous dire que l’on aurait pu aussi contacter des joueurs avec lesquels le courant était bien passé. On lui rétorquera qu’en tout état de cause, des gens ne lui voulant que du bien s’expriment aussi dans cette bafouille. Fabrice Landreau est de ceux-là : "Fabien n’a pas les mêmes codes que tout le monde. Pour le connaître et l’apprécier, il faut passer du temps avec lui, briser sa carapace. Il m’a donc fallu plusieurs années avant de faire le tour du personnage. Désormais, je le considère comme un de mes plus proches amis. Je lui dois beaucoup." Au moment où Mourad Boudjellal, le président du RCT, fit des pieds et des mains pour enrôler Galthié, on raconte que celui-ci posa une condition sine qua non à sa venue sur la Rade : un contrat pour son compère Fabrice Landreau. "Au fil du temps, poursuit l’actuel directeur de la formation parisienne, on s’est créé un langage commun, tous les deux. Fabien intellectualise beaucoup le rugby. Il est dans la théorie, le langage universitaire, parle souvent de "transition" ou de "rupture", lorsqu’il évoque un plan de jeu. Moi, je suis plus pragmatique et, au début, j’étais un peu largué avec tout ça. Désormais, on se comprend."

Les éloges de Boudjellal, les réserves d’Altrad

Mais alors, que conclure du procès qu’on lui intente fréquemment, à savoir une intransigeance obsessionnelle vis-à-vis de ses troufions ? Qui croire ? Richard Dourthe, peut-être ? "Ce débat autour du management de Fabien est ridicule, écrit notre chroniqueur. L’équipe de France, ce n’est pas "les Ch’tis à Pattaya" : il faut un patron, des soldats et une rigueur quasi militaire. Surtout après la chienlit de ces dernières années." Fabrice Landreau, aussi ? "Fabien, il est dans la responsabilisation absolue du joueur. Avec eux, il ne met pas de gants, c’est vrai. Il y en a qui aiment et d’autres qui ne supportent pas. Certains mecs ont besoin qu’on leur dise "je t’aime" toutes les semaines. Lui n’est pas là-dedans." Responsabilisés à l’extrême, les joueurs de Galthié sont d’ailleurs laissés sous tension jusqu’au vendredi matin, date à laquelle le boss délivre enfin la composition d’équipe. Une rareté, dans le rugby moderne.

Galthié et les joueurs, les joueurs et Galthié… Vaste histoire, dont on a du mal à cerner réellement les contours. Mohed Altrad, le président du MHR, se souvient : "Lui et moi, vous le savez, ce fut une histoire compliquée. Je voulais le tuer à l’époque parce qu’il avait du mal à se remettre en question. […] En clair, Fabien a bien fonctionné à Montpellier jusqu’à ce qu’Eric (Béchu)  nous quitte. Chez nous, c’est Eric qui parlait aux joueurs, lui qui les écoutait. Fabien était le grand ordonnateur de l’aspect technique et, à ce titre, il était brillant. Mais reconnaissons que pour le reste, il n’était pas doué."

À ce propos, Mourad Boudjellal choisit la légèreté : "Il aurait des robots à la place des joueurs, ça lui irait. J’ai rencontré Fabien à l’époque où il avait été très critiqué par rapport à tout ça. Il tentait de changer son approche, de faire évoluer son rapport aux hommes. J’ai découvert un mec sensible, fragile, cultivé et s’intéressant à beaucoup de choses. Ce n’est pas toujours le cas dans le rugby. Il est le premier entraîneur que j’ai osé inviter à la maison." Alors, président, pourquoi lui avoir tranché la tête ? "L’échec du RCT, on l’a assumé tous les deux. Mais entre lui et moi, j’ai choisi de le virer, lui."

Il y a dix ans, au bas mot, que le nom de Fabien Galthié circule pour reprendre l’équipe de France. Lorsque Lapasset a nommé Lièvremont, on a dit dans le milieu que le Bigourdan fit ce jour-là payer à Galthié un antagonisme remontant au Mondial 2003. Saint-André le doubla quatre ans plus tard et, au moment où il se présenta en 2015 devant le grand jury censé nommer le successeur du Goret, il se raconte que l’un des quatre décideurs présents cet après-midi-là s’endormit au bout de quelques minutes et finalement, Guy Novès fut choisi par la FFR.  À ce sujet, un "camouïste" des premières heures raconte que Serge Blanco reçut peu après la nomination de Novès ce message de la part de Fabien Galthié : "Errare humanum est." Si erreur il y eut, comme il semble le penser, sera-t-elle un jour réparée ?

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