Lombard: "Cette équipe de France sera sans doute très forte dès qu'elle parviendra à enchaîner"

  • Thomas Lombard - mai 2014
    Thomas Lombard - mai 2014
  • Thomas Lombard lors d'une rencontre du XV de France face à l'Australie. Novembre 1998
    Thomas Lombard lors d'une rencontre du XV de France face à l'Australie. Novembre 1998
  • Thomas Lombard et Philippe Saint-André. Tournée de novembre 2013
    Thomas Lombard et Philippe Saint-André. Tournée de novembre 2013
Publié le Mis à jour
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Thomas Lombard, douze sélections avec le XV de France au compteur, est considéré comme l'un des tous meilleurs consultants rugby (Canal +, RMC Sport). L'ancien joueur du Stade français et du Racing-Métro notamment livre pour nous ses impressions sur l'état de forme des Bleus, ainsi que la stratégie de Philippe Saint-André et la prochaine Coupe du monde.

Que peut-on retenir de cette victoire des Bleus face à l'Australie?

Thomas Lombard: En premier lieu, l'attitude. L'esprit de corps et la détermination dont ont fait preuve les joueurs durant quatre-vingt minutes. Une agressivité et un courage retrouvés qui transigeaient beaucoup avec le dernier match du mois de juin. Après, je retiendrai l'organisation défensive et la capacité à gagner ses duels notamment en défense.

Cette tournée est positive, au moins en termes de résultats...

T.L: Je vais paraphraser Thierry Dusautoir qui disait que pour cette équipe de France, "l'important, c'est de gagner avant tout". J'ai envie de dire que, quelque soit la manière, il fallait inverser une spirale négative qui limitait le développement de cette équipe. C'est chose faite. Mais au-delà de la victoire, c'est surtout un visage plus en adéquation avec ce qu'elle représente réellement.

Quels seraient les points à améliorer selon vous?

T.L: Des détails. Un somme de détails qui à la fin, a mis l'équipe de France dans la souffrance pour accrocher cette victoire alors que cette dernière aurait pu contrôler le match plus facilement. Ces détails sont deux renvois trop courts alors que tu mènes au score et que tu n'as pas forcément besoin de taper des coups de pied de récupération mais plutôt au fond car tu contrôles le score. Des erreurs de discipline, de concentration avec notamment un plaquage manqué alors qu'il n'y a pas le feu mais juste une montée un peu trop rapide. Des détails qui, face à l'Australie comme les équipes que nous allons devoir affronter dans quelques mois dans le Tournoi ou sur la phase éliminatoire de la Coupe du monde, sont rédhibitoires.

Aujourd'hui, il y a une adaptation qui est nécessaire en fonction de l'adversaire.

Philippe Saint-André avait constitué un groupe de 30 joueurs protégés et semblait peu ouvert. Il a finalement changé de discours, d'attitude et cela semble s'avérer bénéfique pour l'équipe de France...

T.L: Oui. La ligne de départ n'était pas celle là pour l'équipe de France. Je cite toujours cela en exemple mais Philippe, de par sa culture et son long passage en Angleterre, s'est beaucoup inspiré de ce qu'il a vu là-bas. En terme de continuité dans les compositions d'équipe et dans la sélection des joueurs, il y avait de quoi s'inspirer. Malheureusement, les aléas de méforme, l'exigence du championnat et le bras de fer entre la Fédération et les clubs l'ont sans doute obligé à changer son fusil d'épaule. On voit ce qu'il se passe aujourd'hui avec des défaites et des résultats mitigés qui ont amenés une redistribution des cartes. Il s'est donc tourné vers une politique un peu de l'homme en forme et d'une certaine émulation.

Thomas Lombard lors d'une rencontre du XV de France face à l'Australie. Novembre 1998
Thomas Lombard lors d'une rencontre du XV de France face à l'Australie. Novembre 1998

La politique de l'homme en forme peut-elle venir ébranler le collectif?

T.L: Oui. Il y a toujours des cas particuliers. La politique de l'homme en forme est valable à 90%. Si on fait cette politique, alors que dit-on à Maxime Mermoz par exemple? Il va probablement avoir du temps de jeu face aux Argentins mais c'est toujours un peu délicat. Il y a aussi beaucoup de cas particuliers et aussi des spécificités que chacun peut amener et qui en fonction du contexte peuvent aussi prévaloir. Le coaching de Bastareaud est très intéressant car il amène un supplément de puissance dans un moment où l'on est un peu en difficulté physiquement. C'est sûr que si tu sors Mathieu Bastareaud du banc et que tu mets Maxime Mermoz, ça va t'amener autre chose mais probablement pas ce que Mathieu amène en terme de puissance et, à ce moment là dans le match, c'est ce dont tu as le plus besoin. Aujourd'hui, il y a une adaptation qui est nécessaire en fonction de l'adversaire, de tes forces et faiblesses du moment mais aussi en fonction de ce que tu veux faire. C'est tout l'art et la stratégie du rugby moderne qui est de savoir anticiper cela et de ne pas se tromper sur le coaching.

Le contre exemple, c'est Stuart Lancaster (sélectionneur anglais, ndlr) qui, l'an dernier sur le France-Angleterre du Tournoi, sort sa charnière avec Vunipola et à la fin, il perd le match car il a fait un très mauvais coaching. Il avait prévu des remplaçants qui ne rentraient pas dans la configuration de la rencontre. Son coaching a donc été inefficace au contraire de celui de Philippe Saint-André samedi avec Mathieu Bastareaud. Je répète car cela me semble important, la composition d'une équipe et le coaching sont efficaces en fonction de l'adversaire et de ton état général du moment. Tu vas mettre davantage de densité physique face aux Australiens et plus de vitesse face aux Argentins par exemple. C'est toute une palette de choix qu'il faut prendre en considération tout en respectant ce que tu as décidé de faire et ce que les conditions t'amènent aussi.

Quand tu regardes la performance du cinq devant et de tout le paquet d'avants de manière générale, il y a de quoi espérer.

Le XV de France est souvent jugé comme équipe à réaction. Pensez vous les Bleus capables de réitérer ce genre de performances sur le long terme?

T.L: J'ai eu la chance de partager un peu de temps avec cette équipe notamment en remettant les maillots contre les Tonga l'année dernière. Je l'ai également suivi lors des deux tournées que j'ai effectué avec Canal Plus et une chose m'avait frappé: le caractère de cette équipe. Elle avait une sorte de jovialité, de bien être. Je me suis dis, par rapport à ce que j'avais connu en tant que joueur, que souvent le travail fini par payer. Alors cela a été long mais avec ce qu'ils ont dû traverser et endurer comme épreuves notamment le flot des critiques qui est toujours difficile à accepter, cette équipe sera sans doute très forte dès qu'elle parviendra à enchaîner. Aujourd'hui, elle a l'opportunité de le faire et quand on connait la détermination de ses leaders, et le match de samedi dernier a été révélateur à ce titre là notamment, quand tu regardes la performance du cinq devant et de tout le paquet d'avants de manière générale, il y a de quoi espérer. Maintenant, on ne peut pas faire toute une saison sur de la frustration et de la rengaine, il faudra amener autre chose. Je crois que si cette équipe a définitivement mangé son pain noir, elle peut arriver avec une force mentale assez puissante.

Thomas Lombard et Philippe Saint-André. Tournée de novembre 2013
Thomas Lombard et Philippe Saint-André. Tournée de novembre 2013

Il est un peu tôt pour évoquer la Coupe du monde car le Tournoi des Six Nations à venir s'annonce très relevé et révélateur afin de préparer dans des conditions quasi optimales l'échéance mondiale.

T.L: On a des courbes de forme qui ne sont pas forcément toutes équivalentes. Les Anglais sont difficiles à juger car même si ils sont extrêmement au point physiquement, pour le moment, ils ne gagnent pas ce qui n'est pas plus mal car quand il se mettent à prendre confiance...L'Ecosse qui accroche les Blacks, l'Irlande qui bat l'Afrique du Sud.. On voit que le niveau général est en train de monter. Ce ne sont pas des résultats anodins donc on devrait assister à un Tournoi très équilibré et la volonté de toutes ces équipes, c'est de se positionner psychologiquement mais aussi en terme de jeu en vue de la Coupe du monde. On sait aussi que le Tournoi est une période difficile à appréhender en termes de blessures et autres facteurs.

Maintenant, il faut capitaliser contre tous nos adversaires jusqu'à la Coupe du monde.

On voit un visage différent du XV de France mais quelle(s) impression(s) vous donne cette équipe après ces deux tests matchs?

T.L: D'un premier abord, les Fidjiens sont toujours difficile à appréhender car tout le monde attends à ce que tu gagnes largement. Et puis, on se rends compte que l'on mets quasiment une mi-temps à prendre la mesure de l'adversaire. L'équipe de France est parvenue dans un deuxième temps à faire des choses intéressantes. Ensuite, il y avait le processus de validation qui devait s'opérer contre nos amis Australiens. Je dirais que la dynamique de progression est enclenchée. Maintenant, il faut capitaliser face à l'Argentine et il en sera ainsi contre tous nos adversaires jusqu'à la Coupe du monde.

Votre regard sur la charnière qui est souvent la cible des critiques?

T.L: L'influence de Camille Lopez sur le jeu que j'ai trouvé très à l'aise. Il est capable de faire évoluer sa palette, de mieux gérer, de mieux alterner le jeu et de monter son niveau défensif. Il amène à cette équipe de France une certaine assise. C'est valable pour la charnière dans son ensemble même si Sébastien Tillous-Borde a eu moins d'influence sur le jeu contre l'Australie qu'il en a habituellement. C'est un thème que l'on aborde souvent et où il y a toujours un tas de discussion donc c'est important de dire que la charnière a une nouvelle fois été une satisfaction pour l'équipe.

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