Saint-André : "Les joueurs ont-ils cru qu'ils seraient champions du monde avec moi ? Sûrement pas"

  • Philippe Saint-André, regard perdu
    Philippe Saint-André, regard perdu
  • Philippe Saint-André - octobre 2015
    Philippe Saint-André - octobre 2015
  • Philippe Saint-André - octobre 2015
    Philippe Saint-André - octobre 2015
  • PSA aux commandes des Bleus durant le Mondial
    PSA aux commandes des Bleus durant le Mondial
Publié le Mis à jour
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XV DE FRANCE - Absent de la scène médiatique depuis l'humiliation subie par le XV de France en quart de finale de la Coupe du monde, Philippe Saint-André signe son retour. Afin de promouvoir son livre "Devoir d'inventaire", l'ancien sélectionneur des Bleus revient en longueur sur son mandat. Voici la première partie de son entretien-confessions.

Vous avez fait le choix de ne plus vous exprimer après le quart de finale de la Coupe du monde perdu face aux All-Blacks (62-13). Qu'avez-vous fait depuis?

Philippe SAINT-ANDRÉ: Après ce match, on se retrouve dans une machine à laver. En rentrant chez moi, pour préserver mon entourage et couper avec tout ça, j'ai pris femme et enfants et je suis parti rejoindre un ami à Dubaï durant une dizaine de jours. Au retour, j'ai ramassé mes olives puis je me suis dit que je devais repartir sur d'autres projets. J'ai des amis et des anciens adjoints qui ont connu des périodes de dépression parce qu'ils restaient chez eux à se morfondre. Je n'ai pas voulu ça. Je garde un pied dans le rugby, du côté de la formation, puisque j'ai fondé la PSA Académie. On a aussi monté une start-up avec un pote en dehors du rugby. Je reste actif pour ne pas ressasser ça car l'échec n'est pas tant de tomber que de rester là où on est tombé.

Pourquoi avoir écrit un livre?

P.S-A: Juste après la Coupe du monde, je n'étais pas chaud du tout pour me lancer dans ce projet. Je n'ai d'ailleurs pas répondu aux sollicitations des journalistes pour ne pas passer pour le vieux con aigri. Un contact à moi aux éditions Robert Laffont m'a dit que ce serait bien de faire ce livre, alors j'ai réfléchi. Je me suis dit ''plutôt que d'entendre des conneries à droite à gauche et tout et son contraire, je vais le faire avec mes mots et ma sensibilité''.

Philippe Saint-André - octobre 2015
Philippe Saint-André - octobre 2015

Cette défaite historique face à la Nouvelle-Zélande vous empêche t-elle encore de dormir?

P.S-A: Elle est marquée en moi sur du marbre blanc. C'est toujours compliqué quand tu es entraîneur de prendre une branlée comme celle-ci. Je n'en fais plus des cauchemars mais elle m'a déjà réveillé plusieurs fois dans la nuit.

La mission qui vous était fixée d'être champion du monde n'était-elle pas impossible?

P.S-A: (Il soupire) C'est une mission de plus en plus dure, c'est sûr et certain. Quand on te donne cet objectif, si tu commences à dire aux joueurs qu'ils vont être huitièmes, c'est difficile…Tu dois être cohérent devant eux. Y ont-ils cru avec moi? Sûrement pas. Et puis quand tu vois la régularité des Blacks, qui sont champions du monde deux fois d'affilée...Quand avons-nous été pour la dernière fois réguliers sur quatre ans? Peut-être avec Bernard Laporte entre 2000 et 2004. Nous aussi, nous l'avions été entre 1991 et 1995. Mais depuis? Comment faire aussi? Quand tu te mets une équipe en tête et que tu as des mecs qui ne jouent plus à leur poste, d'autres qui ne jouent plus du tout et d'autres qui se blessent...Je compatis avec Guy Novès, qui connaît ces soucis en ce moment.

Après la Tournée en Australie, je m'étais posé la question de partir

Comment avez-vous vécu toutes les attaques à votre égard durant votre mandat?

P.S-A: Quand tu acceptes le poste, tu sais à quoi t'en tenir. C'était plus dur pour mes vrais amis et mes proches. Toi, tu es concentré sur ton travail et tu essaies de trouver des solutions. J'ai parfois réussi à le faire, comme par exemple en première ligne avec Guilhem Guirado et Rabah Slimani. Et parfois pas du tout. J'ai installé Yoann Huget sur une aile, mais sur l'autre, je n'avais personne. À chaque fois que je pensais trouver, le mec explosait en plein vol. Julien Malzieu fait un premier très bon match puis plus rien, Teddy Thomas fait deux parties exceptionnelles puis joue cinquante minutes en six mois...Au poste d'ailier, quand tu vas dans les stades, tu t'aperçois qu'il y a bien plus de Fidjiens que de Français.

Philippe Saint-André - octobre 2015
Philippe Saint-André - octobre 2015

Vous êtes vous senti abandonné par la FFR?

P.S-A: Quand tu prends la responsabilité d'une sélection, tu es un homme seul. Tu es la tête de gondole et quand cela ne va pas, tu charges. Très sincèrement, je me suis énormément battu les deux premières années car je pensais pouvoir changer le système. Cela n'a pas marché, la renégociation de la convention FFR/LNR a été un des bras de fer que j'ai perdu car il y a eu trop de politique politicienne plutôt que sportive.

Les meilleures nations progressent chaque année alors que nous, c'est une fois tous les quatre ans

Avez-vous pris la tutelle de Serge Blanco comme un affront?

P.S-A: Honnêtement, non. Il est arrivé après une Tournée compliquée en Australie. mais il était plus là en tant que gilet pare-balle. Il venait la veille du match puis repartait le lendemain. Il n'est jamais rentré dans une composition d'équipe.

Avez-vous pensé un jour claquer la porte?

P.S-A: Sincèrement non, même si le plus dur pour moi a été durant la Tournée d'été en Australie en 2014...(il réfléchit) Là c'est vrai, je reconnais que je m'étais posé des questions, du genre ''tu pars ou tu pars pas?''. Mais je me suis toujours raccroché à la préparation estivale avant la Coupe du monde car je pensais qu'elle nous permettrait de créer une osmose et de rattraper le retard. Le problème, c'est que tu t'aperçois que les meilleures nations progressent chaque année alors que nous, c'est une fois tous les quatre ans...On a beaucoup bossé et cela passait contre des équipes moyennes. En revanche, face aux nations du Top 4, cela ne suffit pas et cela n'a pas suffi. J'étais persuadé qu'on pouvait battre l'Irlande, mais sur le match, c'est un échec total. De moi, de mon staff et des joueurs.

PSA aux commandes des Bleus durant le Mondial
PSA aux commandes des Bleus durant le Mondial

Avec le recul, avez vous le sentiment de vous être trompé en privilégiant un jeu minimaliste?

P.S-A: On a essayé d'aller vers plus de jeu. On l'a vu notamment dans les matchs de préparation contre l'Angleterre et l'Écosse. Sauf que quand vous arrivez sur des matchs couperets, les mecs repartent sur ce qu'ils maîtrisent le mieux et qu'on leur demande tous les week-ends en Top 14. Contre le Canada, on mène de 38 points, on a deux pénalités à la fin où on a l'occasion de jouer vite mais non, on préfère aller en touche. Je leur ai dit: ''Mais jouez, putain!''. Il n'y a qu'à voir l'Argentine. Elle proposait une boulimie de jeu, des prises d'initiatives, de la passion et c'était beau à voir. Soit on a perdu ça, soit je n'ai pas su l'inculquer aux joueurs.

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