La mêlée est-elle menacée ?
TOP 14 - Une nouvelle fois au cœur de l’arbitrage, la mêlée suscite de nombreuses controverses depuis le début de la saison. Si la volonté de fluidifier le jeu fait l’unanimité, la sévérité des arbitres suscite en revanche des réserves.
Baissez vos épaules… Voilà, comme ça, c’est bien… Dimanche, à l’occasion du choc entre le Stade toulousain et le Rugby Club Toulonnais (15-32), Jérôme Garcès ordonne l’une des dernières mêlées du match. L’arbitre du Comité Béarn s’accroupit alors pour guider la poussée du Toulousain Aldegheri et du Toulonnais Delboulbès. Une bienveillance qui assure une mêlée stable et une sortie de ballon propre.
Le secteur de la mêlée suscite pourtant de nombreuses interrogations depuis le début de la saison. Une nouvelle fois au cœur de l’arbitrage pour en finir avec les comportements illicites et la litanie de mêlées indigestes où les adversaires préfèrent aller au sol que reculer, ce secteur est devenu une verrue pour lancer le jeu (le Top 14 est passé de 40% de mêlée jouées il y a deux ans à 50% la saison dernière. Et l’objectif annoncé est de 60% de mêlée jouées).
Même quand on fait nos analyses, il nous arrive de ne pas être d’accord entre nous (Laurent Travers)
Mais l’extrême sévérité exigée par Didier Méné, Président de la Commission Centrale des Arbitres, est-elle bien assimilée par tous les acteurs du jeu ? C’est très compliqué pour les joueurs, les arbitres et les entraîneurs, reconnaît Laurent Travers, en charge des avants du Racing 92. Même quand on fait nos analyses, il nous arrive de ne pas être d’accord entre nous. On fait des rapports aux arbitres pour en discuter mais il faut souvent plusieurs ralentis pour voir la faute. Alors imaginez pour les arbitres à vitesse réelle. On ne peut pas se permettre de critiquer. Tous les acteurs doivent faire ce qu’il faut parce que si on commence à accepter certaines positions, on va inciter les joueurs à tricher.
Sanctionnés dès la première faute, une fois le ballon introduit, les joueurs ne bénéficient plus de joker. Un couperet qui pèse incontestablement dans les esprits. Chaque pilier a sa technique alors c’est forcément difficile de trouver la bonne position dès la première poussée, souligne le talonneur international Camille Chat. Ça demande beaucoup de travail de cohésion avec son pack pour éviter d’être trop pénalisé.
Mais les avants ne sont pas les seuls dans le viseur. Les arbitres sont beaucoup plus vigilants sur les introductions, souligne le demi de mêlée du Racing 92 Maxime Machenaud. Ils sanctionnent au moins une fois par match une introduction pas droite. J’y ai eu droit contre le Stade toulousain alors que c’était peut-être mon introduction la plus propre (sourire). On a l’impression qu’ils sont obligés de siffler. L’arbitre avait sifflé contre Toulouse en début de match alors je savais qu’il allait siffler contre moi à un moment donné.
On revient aux mêlées à l’ancienne avec une épreuve de force difficile (Didier Retière)
Si l’intransigeance du corps arbitral peut sembler excessive, elle s’avère néanmoins incontournable. Les consignes de la FFR obligent les arbitres à prendre leurs responsabilités, insiste Didier Retière, Directeur Technique National. Le fait de refaire des mêlées systématiquement donnait la possibilité aux arbitres de laisser couler l’affaire. C’est un passage important. On va peut-être arriver à bannir toutes ces mêlées tournées.
Fini donc avec la complaisance ! Mais à quel prix ? Ce qui me gêne le plus, c’est que par moment la mêlée influence trop le score, regrette Laurent Travers. C’est quasiment pénalité offerte à l’adversaire à chaque fois. Il faut sans doute trouver un équilibre. Un équilibre qui a bien du mal à se dessiner.
La mêlée est un sujet complexe très difficile à arbitrer, reconnaît Franck Maciello, en charge du Secteur Professionnel à la Commission Centrale des Arbitres. Les fautes sont souvent difficiles à voir. Mais nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes en définissant des observables (positions des piliers, ndlr) pour aider l’arbitre à prendre la bonne décision. On a besoin d’avoir de belles mêlées dans notre championnat.
Avoir de belles mêlées, de vraies mêlées ! Pas des ersatz de poussées où l’affrontement pur deviendrait une parodie de combat. J’espère qu’on ne va pas dénaturer la mêlée et qu’elle perdurera, s’inquiète Laurent Travers. Pour Didier Retière, les quatre premières journées du championnat ont permis de rassurer les puristes de l’exercice.
Il y a eu des matches avec de bons contests, souligne le Directeur Technique National. On voit encore des ballons pris sur introduction averse. Mais c’est vrai que depuis trois, quatre ans la mêlée est entrain de changer de dimension. On revient aux mêlées à l’ancienne avec une épreuve de force difficile où il y a une grosse pression sur le talonneur qui bénéficie de l’introduction. Mais c’est moins spectaculaire que par le passé avec ces gros impacts.
La mêlée ne serait donc pas menacée d’extinction même si le chantier reste conséquent. Et à écouter à Maxime Machenaud, il va falloir trouver encore une solution parce que ce problème n’est pas encore réglé...
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