Polémique sur l'arbitrage: Mené accuse Azema de s'en prendre "aux plus faibles"

Vous avez souhaité réagir aux propos de Franck Azéma ?

Didier MENE: J’avais eu Azéma au téléphone dimanche matin. Je lui ai dit ce que je pensais. Je lui ai donné raison sur certains points et je suis d’autant plus surpris de la virulence de cette attaque. Remettre en cause une politique globale qui porte ses fruits sous prétexte qu’un de nos trois promus se serait trompé sur un plaquage à retardement ou un hors-jeu, je trouve l’attaque excessive. Excessive contre le système mais aussi contre l’individu. Je ne m’occupe pas de savoir comment les joueurs sont punis. Je ne sais même pas s’ils le sont. J’aimerais qu’on nous laisse travailler et seuls les résultats comptent. Et le résultat c’est qu’à partir de samedi on en a quatre qui sont en Coupe du Monde.

Y a-t-il eu des erreurs d’arbitrage sur ce match Clermont-Bordeaux ?

D. M.: Il y en a. Mais il n’y en a pas plus que dans un match arbitré par un arbitre international. Dans la discussion que j’ai eue avec Azéma, il y en avait deux sur lesquelles j’étais d’accord. Deux erreurs dans un match, ça ne veut pas dire que le garçon est incompétent, dépassé par les événements, que le système ne vaut rien, etc... Je ne comprends pas ces excès.

Je ne réclame pas de sanction

Demandez-vous une sanction à l’encontre de Franck Azéma ?

D. M.: Je laisse la LNR juge de savoir si ce genre de réaction s’inscrit dans le new deal. Je ne réclame pas de sanction, ce n’est pas mon boulot.

Est-ce inquiétant de voir ces propos venir d’un entraîneur d’une équipe qui a bien commencé son championnat ?

D. M.: Ce n’est pas la première fois. C’est un nouveau comportement. Dans le passé c’était ceux qui perdaient qui se plaignaient le plus. Un des "apports" du professionnalisme a été que tout le monde se plaint et en particulier ceux qui gagnent. C’est devenu légion en France, c’est chacun à son tour.

Je n'aime pas cette façon de s'attaquer aux plus faibles

Cette critique vise un de vos jeunes arbitres promu en Top 14 cette saison.

D. M.: Je trouve ça très facile. Je ne juge pas les joueurs ou les entraîneurs. Que chacun juge les siens. Les promus ne font pas plus d’erreurs que les arbitres internationaux. Mais aux arbitres internationaux on leur pardonne d’avantage ou plutôt les clubs se taisent parce qu’ils se disent : "On va les retrouver au mois de juin". Je n’aime pas cette façon de s’attaquer aux supposés "les plus faibles".

Avez-vous parlé à M. Charabas depuis dimanche ?

D. M.: Je l’ai eu. On est tous touché. Quand vous arbitrez, vous n’appréciez pas ce genre de polémique. Charabas a une autre vie de médecin interne qui lui permet de relativiser la situation. Et pour en arriver là dans l’arbitrage, ça veut dire que vous êtes passé par la Fédérale 3, 2, 1, la Pro D2 et que vous en avez vu d’autres. Mais là, les trois promus découvrent quand même un monde nouveau où rien ne vous est pardonné, y compris par les vainqueurs. C’est pour ça que je ferais le petit reproche aux trois nouveaux d’être trop pédagogues. Ce genre de polémique leur fera comprendre rapidement que trop de pédagogie nuit à l’autorité et au respect. Ils sont trop gentils. Il faut qu’ils s’endurcissent. Si cette polémique peut servir à ça on aura gagné du temps. Charabas a 26 ans, et si les petits cochons ne le mangent pas il sera là pour les quinze ou vingt prochaines années. Et vous le reverrez sur un match de Clermont avant la fin de la saison, ça, c’est sûr.

On ne sanctionne pas un arbitre parce qu'il n'a pas vu un en-avant

Les arbitres sont un peu trop gentils ?

D. M.: Ils recherchent une forme de reconnaissance avec les joueurs et les techniciens. La reconnaissance ne viendra de toute façon que de leurs pairs. C’est la seule qui compte. C’est légitime que les arbitres recherchent ça, et plus encore dans le rugby moderne médiatisé. On se dit : "Tout le monde est médiatisé sauf nous". Les arbitres ont une tendance à rechercher la lumière. Je leur dis : "Restez dans l’ombre, c’est là où vous êtes le mieux". Je préfère notre ombre à leur lumière. Les arbitres doivent se mettre bien ça en tête. Et ça concerne aussi le sujet de l‘argent et de la professionnalisation. Il vaut mieux être pluriactif qu’arbitre professionnel. Ça permet de relativiser la polémique parce que vous avez une dimension humaine et intellectuelle qui vous permet d’être au-dessus de ça.

Franck Azéma soulève l’interrogation des sanctions sur l’arbitrage. Qu’en est-il ?

D. M.: À chaque réunion d’avant-saison j’explique aux entraîneurs que nous avons un barème de sanction. Nos arbitres sont sanctionnés, nos juges de touches sont sanctionnés, nos arbitres vidéos sont sanctionnés. On leur enlève des matchs. La sanction suprême c’est quand même le classement de fin de saison qui décide de l’attribution des matchs en phases finales du Top 14 à la Fédérale 1. On ne le rend pas public uniquement pour protéger les individus. La seule fois où je l’ai rendu public, ça n’a fait qu’empirer la chose. Les arbitres sont sanctionnés en particulier quand il y a des manquements dans l’arbitrage du jeu déloyal. Mettre un carton jaune là où il fallait un rouge ou ne pas mettre de carton quand il fallait un jaune. Mais on ne sanctionne pas un arbitre parce qu’il n’a pas vu un hors-jeu ou un en-avant. Il en est hors de question. Sinon il n’y aurait plus d’arbitre le week-end suivant.