Boudjellal: "Si certains Bleus étaient sur le marché des transferts, personne n'en voudrait"

Pourquoi ce match prévu face à Highlanders ne peut finalement pas se jouer ?

Mourad BOUDJELLAL : On a reçu un courrier de la Ligue et de la Fédération disant qu'elles se joignaient à l'EPCR (European Professional Club Rugby) pour ne pas autoriser ce match. Il y a un article à l'EPCR, qui date de l'an passé, un "amendement Boudjellal", qui dit que le champion d'Europe ne peut pas rencontrer celui du Super XV. C'est marrant, il n'y avait jamais pensé avant. On va voir en matière juridique les éléments pour se défendre. Le club a engagé des frais, des partenaires ont été sollicités... Si le fait d'être champion d'Europe devient un handicap, c'est problématique. Mais c'est la direction du rugby français qui est dirigé en bande organisée. La consanguinité est à l'origine de la disparition de grandes civilisations, c'est peut-être ce qui fera disparaître le rugby français.

Si on assume : on s'en va

Pour revenir à l'actualité, les doublons avec la Coupe du monde ne font pas les affaires du RCT, puis-qu’entre les blessés et les sélectionnés de nombreux joueurs sont encore absents. Quelle solution serait la meilleure à l'avenir dans ce genre de situation ?

M. B.: On a encore 9 joueurs concernés. Sept directement par les demi-finales et deux qui sont en réserve (O'Connor et Taylor). La défaite à Brive ne m'embête pas. Les points perdus, on va les reprendre. Mais si Brive joue le maintien, je ne leur souhaite pas, que diront les équipes qui nous recevront au complet et qu'on ira taper chez elles? Il me semblait quand même plus équitable, plutôt que d'avoir des matches pendant la Coupe du monde, de passer le Tournoi sur cinq dates et non sept. Par ailleurs, il serait également peut-être plus judicieux de jouer, sur quelques journées, deux matches par semaine, ce qui ferait que tous les clubs seraient obligés de faire tourner leur effectif. L'équité serait là! Mais ce n'est pas le choix qui a été fait. La décision prise, celle que l'on connaît, coûte cher au Top 14, puisque regardez les affluences depuis le début de la saison. Le public ne veut pas d'un championnat au rabais. On a joué au Stade français devant 10 000 personnes. C'est catastrophique. Et Mayol ne sera pas plein samedi, ce qui est rare.

Êtes-vous inquiet pour le rugby français ?

M. B.: Je l'étais, mais je vu que ce jeudi matin un bureau fédéral extraordinaire était réuni. Je suis rassuré! Voici des gens honnêtes et compétents qui vont travailler toute une matinée sur les problèmes du rugby français. On peut penser que ce soir on aura une fumée blanche et qu'on aura un président de la Fédération regonflé à bloc. Je le compare un peu à Fidel Castro, de temps en temps on nous le montre, puis il disparaît à nouveau. On a des images sans son. On ne sait pas trop pourquoi. Est-ce qu'il a peur des médias? Il faut assumer les choses. L'attitude de Pierre Camou montre bien qu'il est tout sauf un entrepreneur. Quand on est face à un problème comme celui du rugby français et que la réponse est "J'assume". Déjà si on assume on s'en va. On nous parle d'un manque d'argent, ça veut dire qu'on ne sait pas gérer la Fédé, et en réunissant un bureau extraordinaire ça montre un manque de réactivité. On a besoin d'hommes avec des idées, pas de réunion...

On a cru qu'en préparant des golgoths aux douze travaux d'Hercule on allait gagner la Coupe du monde

Aujourd'hui, le Top 14 est présenté comme le principal responsable de l'échec du rugby français...

M. B.: On va arrêter de dire des conneries. Intrinsèquement, les Japonais ne sont pas meilleurs que nous. Mais pourquoi eux jouaient mieux que nous? Pourquoi était-ce plus fluide, avions nous l'impression qu'il y avait un plan de jeu... C'est la question qu'il faut se poser. On a cru qu'en préparant des golgoths aux douze travaux d'Hercule on allait gagner la Coupe du monde. On pensait quoi, que les autres jouaient au ping-pong? On avait surtout besoin d'un plan de jeu clair, auquel les joueurs adhèrent et se régalent. Ce n'est pas un problème de niveau, quand les joueurs français arrivent à Clermont, au Stade français ou à Toulon ils brillent. Le problème n'est pas là. Par contre, il y a plusieurs joueurs de l'équipe de France qui, s'ils étaient sur le marché des transferts, personne n'en voudrait. A l'inverse, plusieurs qui ont regardé la Coupe du monde chez eux, on se battrait pour les signer.

Comment faire cohabiter les intérêts des clubs et ceux de la Fédération alors?

M. B.: On touche certes des indemnités pour les joueurs de l'équipe de France, mais la Fédé oublie de dire qu'elle perçoit 5% des recettes des droits TV de la Ligue, 2 % de la billetterie de tous les clubs. Quand on a remporté la coupe d'Europe, on a gagné 600 000€, on en a reversé 10 % à la Fédération. Que fait-on de tout cet argent à part chercher un grand stade? Aujourd'hui, on entend que la problématique principale, c'est la formation... Mais ce sont des conneries, c'est valable si l'on veut gagner la Coupe du Monde 2040. Celle de 2019, faut avoir conscience que les joueurs qui peuvent la gagner sont dans les clubs. Il faut mettre des efforts dans les équipes de Top 14 et Pro D2 où sont ces joueurs.