Boudjellal: "Quand je vois comment on est dirigé, je me dis que le foot n'a pas de souci à se faire"

  • Mourad Boudjellal, le président de Toulon
    Mourad Boudjellal, le président de Toulon
  • Bernard Laporte, le manager de Toulon - Février 2015
    Bernard Laporte, le manager de Toulon - Février 2015
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Mourad Boudjellal a réussi son pari. Samedi, le Stade Vélodrome de Marseille affichera complet (ou presque)* pour la réception de Toulouse. L'occasion pour le président du RCT de régler quelques comptes...

Comment se présente le match face à Toulouse, organisé au stade Vélodrome de Marseille?

Mourad BOUDJELLAL: Nous sommes, à ce jour, à 61 000 billets vendus. Nous approchons du guichet fermé. L'organisation de ce match était importante pour nous, car il y a quelques temps le Stade Vélodrome n'a pas été choisi pour les demi-finales du Top 14, sous prétexte qu'il y avait un risque de ne pas remplir une enceinte de cette capacité. Le message que l'on veut apporter est le suivant: nous on va le remplir avec un match de Top 14. C'est faisable. Les prix sont ceux correspondants à une demi-finale de Top 14, nous ne sommes pas sur des places à bas prix pour faire du dumping en vendant moins cher que ça nous coûte. Notre fierté est également d'être le seul club de Top 14 capable de remplir un tel stade tout en changeant de ville, avec deux péages pour les supporters pour aller à Marseille.

L'an passé, vous aviez également pesté face au choix des instances françaises de ne pas organiser la finale de la Coupe d'Europe en France...

M.B: Aucune finale de Coupe d'Europe n'a été jouée en France sous prétexte qu'en septembre il était trop tard pour organiser un match au Stade de France en mai. Nous avons décidé d'organiser ce match contre Toulouse en novembre pour le 29 mars... On gère 1 500 personnes pour la sécurité, on va servir 3 500 repas et un millier de personnes en loge, ce qui correspond à une finale de Coupe d'Europe. Quand le monde professionnel s'occupe de ce genre de chose, il arrive à faire en trois mois ce que d'autres ne parviennent pas à faire en un an.

A l 'occasion de ce match face à Toulouse, allez-vous battre un record de spectateurs pour un match de Toulon?

M.B: Ce sera notre record. La dernière fois que nous avions rempli le Vélodrome, c'était à 57 000 personnes. C'est la première fois que Toulon dépasse les 60 000. On va essayer de battre le record de l'OM (63 832 contre Lyon le 15 mars dernier). Mais même si on n'y parvient, ce ne sera que pour une semaine (le week-end suivant, l'OM reçoit le PSG en Ligue 1, ndlr)!

Une année pour gagner, une pour le palmarès et une autre pour la légende

Sur le plan sportif, comment jugez-vous votre adversaire toulousain?

M.B: Quand j'entends que Toulouse est en difficulté, ça me fait rire. Beaucoup de clubs aimeraient être dans leur situation, en étant cinquième du Top 14, en étant propriétaire de son Stade et en disposant du public et de l'effectif de Toulouse. Je ne me fais pas de soucis pour les Toulousains mais pour leurs adversaires. Ils seront là et candidats pour le titre. Toulouse reste Toulouse, c'est un club à part. De son côté, votre club attaque la dernière ligne droite. Quelles sont vos ambitions pour cette fin de saison?

M.B: L'objectif est de rester en vie en Top 14 comme en Coupe d'Europe et ça commence par le match de samedi. On arrive au moment de vérité. Dans un mois ou deux, il faudra rendre le Bouclier, peut-être qu'on ne nous appellera plus "champions d'Europe". On a vécu pendant huit mois sur cette euphorie. Désormais, on part dans une nouvelle aventure qui ressemble un peu à un concert des Bee Gees. Ils attaquaient toujours par "Staying alive" et finissaient par "You win again". Et comme les deux finales ont lieu un samedi soir... On va essayer de faire ce qui serait, à mon avis, l'exploit le plus incroyable du rugby français. Une année pour gagner, une pour le palmarès et une autre pour la légende.

Bernard Laporte s'est prononcé en faveur d'un passage de 14 clubs à 12 pour le championnat de France. Que pensez-vous de cela?

M.B: Faudrait changer le nom de la compétition dans un premier temps! C'est un désaccord que j'ai avec Bernard. Si on veut que le rugby grandisse, on a obligation de l'ouvrir à de grandes villes. On a également des traditionalistes qui souhaitent garder des bastions, c'est normal. Mais dans ce cas, il ne reste plus beaucoup de places. Ensuite, on parle beaucoup du calendrier surchargé mais ça fait combien de temps qu'on n'a pas joué à Mayol? Comment voulez-vous tenir un public en haleine quand vous jouez à domicile tous les mois et demi ou deux mois. Le sélectionneur se plaint de ne pas avoir assez de joueurs, mais si on retire deux équipes on le prive de 70 joueurs... il aura moins de choix. Je suis presque plus pour un Top 16. 

Bernard Laporte, le manager de Toulon - Février 2015
Bernard Laporte, le manager de Toulon - Février 2015

Certains estiment que la configuration actuelle pénalise l'équipe nationale justement...

M.B: On parle de l'équipe de France mais dans ce cas arrêtons d'être professionnels et redevenons des clubs amateurs avec une mission d'utilité publique, comme la Fédération. Mais en 1995, le choix du professionnalisme a été fait, avec des clubs qui obéissent aux mêmes lois fiscales que les autres entreprises françaises. Si demain matin il me manque 1 million d'euros au budget et que je vais voir le tribunal de commerce, je ne pense pas qu'il y aura de cadeau, même si la France est championne du monde avec dix joueurs du club. J'ai des règles économiques à respecter pour préserver l'emploi et la vie de mon club. Je le répète, mais comme tous les autres clubs, je n'ai pas de mission d'utilité publique.

Les gens qui ont eu cette idée de génie (les JIFF) ont tué la formation française

Un accord peut-il être trouvé avec la fédération?

M.B: Si la Fédé était intelligente, il y a des moyens de motiver les clubs. Quand on rémunérera la formation plutôt que d'établir des règles alambiquées... Il faut quand même noter que grâce aux JIFF on a plus d'étrangers en équipe de France qu'auparavant. Il n'y a jamais eu autant de joueurs étrangers formés en France et aussi peu de français. Pourquoi? Parce qu'on forme des JIFF. Les gens qui ont eu cette idée de génie, ont tué la formation française. Quand on fait des commissions avec des gens incompétents, on obtient ce genre de loi avec ses effets pervers qui sont aujourd'hui les problèmes de l'équipe de France.

Le salary cap est une autre règle qui a le don de vous irriter...

M.B: L'important, ce n'est pas le montant du salary cap, mais comment il est fait. C'est différent quand un club dispose d'une masse salariale de 10-20-30 ou 40 millions car il génère une économie équivalente qu'un actionnaire qui fait abandon de compte courant de 40 millions. Nous, on a un modèle économique. Je ne suis pas dupe, je suis allé voir la billetterie de Grenoble et La Rochelle, quand ils reçoivent Toulon ce ne sont pas les mêmes prix. C'est un modèle économique. Plus il est grand, plus il génère de la richesse pour tous les autres car sa base repose sur l'engouement. Tant que ces rudiments de l'économie n'auront pas été compris, on sera à la traine sur tout le monde. Malgré ces contraintes, de nombreux grands joueurs vont tout de même arriver en Top 14 la saison prochaine.

M.B: C'est simple, ils viennent pour deux raisons. La première est que l'an prochain les contrats se font sur huit mois à cause de la Coupe du monde. Mais la raison principale est que certains clubs ont misé sur l'économie dans le rugby et ont fait en sorte que les droits passent à 73 millions d'euros. Mais ces clubs là sont au maximum du salary cap. Et ceux qui disaient "vous êtes fous, dans le rugby les droits ne monteront jamais", ceux-là ont pris un million et demi de plus qu'ils mettent dans les salaires. Ce n'est pas leur travail mais celui de ceux qui ont cru dans l'économie du rugby. Je ne sais pas où on va. Quand je vois la façon dont on est dirigé et les dernières réunions qu'on a pu avoir, je me dis que le football n'a pas de souci à se faire.

* la capacité du Vélodrome en mode rugby est de 66 500 places avec certains fauteuils à visibilité réduite non mis en vente pour Toulon-Toulouse.

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