Top 14, XV de France, formation: le cri d'alarme de Deylaud

  • Christophe Deylaud tire la sonnette d'alarme au sujet du rugby français
    Christophe Deylaud tire la sonnette d'alarme au sujet du rugby français
  • Christophe Deylaud n'est pas tendre envers les présidents de la FFR et de la LNR
    Christophe Deylaud n'est pas tendre envers les présidents de la FFR et de la LNR
Publié le Mis à jour
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L'ancien entraîneur de Bayonne, Christophe Deylaud, est sorti de sa réserve pour livrer un constat édifiant sur le rugby français. Dans Midi Olympique, il fait part de ses craintes et pointe du doigt un Top 14 qui "n'est plus un championnat de France". Ça déménage.

Le contexte

Christophe Deylaud n’est pas homme à s’exhiber dans les médias. Mais là, l’ancien entraîneur de Bayonne et ouvreur du XV de France (1992-1995) a vivement souhaité "tirer la sonnette d’alarme". Son cri du cœur, il le pousse contre le Top 14 et l’équipe de France. Les mauvais résultats des Bleus lors de la tournée d’été, et plus largement depuis début 2012, l’interpellent fortement. Pour lui, tout le monde est coupable. "C’est notre faute à tous si le rugby français a perdu ses valeurs", clame-t-il haut et fort dans un entretien accordé ce lundi à Midi Olympique. Deylaud espère que les acteurs du monde du rugby vont commencer à se poser les bonnes questions. Sur la qualité des entraîneurs. Mais aussi sur l’influence du Top 14. "Le Top 14 n’est plus le championnat de France puisqu’il est constitué à 90% d’étrangers dans les effectifs". Il ne se montre pas tendre envers ce nouveau phénomène d’arrivée massive d’étrangers. "Il a fragilisé le rugby français. Cela a déstructuré notre patrimoine et nous ne sommes plus nous-mêmes". Plus généralement, c'est le rugby professionnel français qui en prend pour son grade. Le XV de France, il ne souhaite pas en revanche lui tirer dessus, estimant plutôt qu’il se retrouve victime de plusieurs phénomènes, à commencer par le Top 14 et l'abandon progressif de la formation. Ses solutions ? "Il serait préférable que les gros clubs deviennent des franchises. Avec les meilleurs joueurs mondiaux. Ils disputeraient une super Coupe d’Europe, à l’image du Super XV, et le championnat de France, avec son bouclier de Brennus, où les Français pourraient jouer, serait l’équivalent du NPC. L’équipe de France ne serait plus fragilisée. […] La saison serait plus courte et cela libérerait des dates pour l’équipe de France et les clubs perdraient moins d’argent avec la mise à disposition des internationaux". Deylaud, avec cette sortie, a le mérite de lancer (prolonger ?) un débat qui risque bien d'en faire réfléchir plus d'un.

Les phrases chocs de l’entretien

"J’ai entendu Yannick Bru dire à demi-mot que le championnat posait problème. Mais il faut le dire franchement. Ce championnat nous pose problème. Le Top 14 est devenu un championnat mondial mais ce n’est plus le championnat de France puisqu’il est constitué à 90% d’étrangers dans les effectifs. L'équipe de France paie les pots cassés. Il faut ouvrir les yeux. […] Je crois au potentiel du rugby français mais il faut faire jouer les joueurs français".

"C’est une connerie de mettre en doute la technique individuelle des joueurs français. Ils n’ont rien à envier à personne. Il faut arrêter de taper là-dessus. J’ai vu des grands joueurs internationaux à Bayonne incapables de réussir les mêmes passes que des jeunes joueurs du club. La technique, c’est un faux débat".

"Notre championnat s’est structuré autour du pognon. Effectivement, le Top 14 est beaucoup plus fermé que les autres championnats. C’est la première chose que je dis aux joueurs du Super Rugby. Il est nécessaire de réduire les voiles car chaque point est important. L’efficacité est plus importante que le spectacle. Il faut revoir la formule du championnat. Aujourd’hui, c’est juste un eldorado pour des joueurs qui veulent s’en mettre plein les poches".

"Des entraîneurs comme Laporte et Galthié sont aujourd’hui dans de grosses structures et ferment les yeux. Pourtant, Laporte doit savoir comme personne ce que ressent le staff actuel de l’équipe de France. D’autres ne disent rien car ils pensent avoir le potentiel pour arriver un jour au poste de sélectionneur. Mais il ne faut pas qu’ils croient qu’ils pourront changer quelque chose quand ils seront en place. Ils rencontreront les mêmes problèmes et s’apercevront de nos lacunes".

"Où sont les présidents de la FFR et de la LNR ? Quand vont-ils taper du poing sur la table pour dire que maintenant il n’est plus possible d’avoir autant d’étrangers dans nos clubs ? Ils doivent revoir notre championnat ou alors il faut définitivement passer à autre chose avec des provinces. Aujourd’hui, l’équipe de France ne peut pas être championne du monde. Les présidents de Top 14 doivent nous donner les moyens de réussir, de faire quelque chose de grand et que l’on en soit fier. C’est un appel pour que tout le monde travaille ensemble. Sinon, nous allons dans le mur. Et nous allons passer pour des clowns aux yeux du monde".

"Je ne vais pas dégueuler sur les arbitres. Je ne suis pas là pour donner des leçons mais qu’ils prennent conscience qu’ils font partie de la problématique. Je pense qu’ils ont aussi un rôle à jouer. Nos matchs de championnat sont très hachés, manquent de vitesse, avec peu de prises de risques. […] Quand on regarde un des matchs étrangers, on peut noter une plus grande cohérence dans l’arbitrage anglo-saxon ou sudiste. Je ne dis pas qu’ils sont meilleurs que les arbitres français mais par exemple, dans les zones de ruck, ils privilégient toujours les gars qui veulent récupérer le ballon et non pas celui qui cherche à étouffer le jeu. Ils laissent la priorité à la continuité du jeu en laissant le temps matériel au soutien de s’organiser".

Christophe Deylaud n'est pas tendre envers les présidents de la FFR et de la LNR
Christophe Deylaud n'est pas tendre envers les présidents de la FFR et de la LNR

Son regard sur Mourad Boudjellal

Mourad Boudjellal, le président de Toulon, est un des précurseurs de cette arrivée massive de joueurs étrangers dans le Top 14. Une méthode qui a porté ses fruits puisqu’il vient de réaliser le doublé H Cup-Championnat avec le RCT. Un homme pour lequel ne tarit pas d’éloges Deylaud. "Il a fait avancer les choses. Je dis respect. Il a reconstruit le rugby à Toulon. Et on ne peut rien dire sauf bravo. […] Je suis admiratif de son parcours". Toutefois, l’ancien entraîneur de Bayonne constate que Boudjellal, "par sa façon de faire, a creusé un écart avec les autres clubs". Il pense que l’homme fort du RCT pourrait changer ses objectifs futurs et pourquoi pas "bâtir une équipe avec les meilleurs jeunes français".

Où lire cet entretien ?

En pages 4 et 5 de l’édition de ce lundi de Midi Olympique.

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