La chronique de Villepreux

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique de l'ancien entraineur du XV de France, Pierre Villepreux. Cette semaine, il se penche sur l'éventuelle introduction du rugby à 7 aux Jeux Olympiques vendredi et sur les spécificités de ce sport.

Le verdict concernant le retour du rugby aux Jeux Olympiques tombera cette semaine. On ne peut, bien sûr, qu'espérer ce retour au Bresil en 2016. Le rugby à XV avait été présent dans quatre olympiades. Les vainqueurs successifs ont été la France (1900), l'Australie (1908), les Etats-Unis (1920 et 1924). En 1924, leur dauphins, l'Allemagne et Roumanie (la 3° place n'avait pas été attribuée) se retrouvèrent à ce niveau par défaut de concurrence puisque les meilleures nations rugbystiques de l'époque n'avaient pas participé.

La visibilité du rugby à XV dans le monde est de plus en plus importante. Le nombre de nations où ce jeu est pratiqué en fait un sport mondial (116 pays pratiquent ce sport). Le spectacle aujourd'hui proposé à XV au plus haut niveau et le succès populaire qui est le sien font de ce jeu en conséquence un sport "olympiquement" vendable. On pourrait de fait regretter que ce retour ne consacre pas le 15 mais bien le rugby à 7 qui fait appel à d'autres qualités, à d'autres types d'athlètes, à un autre spectacle.

Je pense pourtant que ce choix est pertinent. Le rugby à 7 est un jeu plus facilement compréhensible pour un public de non initié. La seule connaissance des règles fondamentales du jeu est suffisante pour donner du sens au spectacle qui est toujours assuré par le continuel mouvement des joueurs et du ballon et par l'utilisation maximale de la règle de l'avantage. Le succès, n'en doutons pas, sera éclatant et la publicité faite au rugby "world wide", comme on dit à l'IRB, sera bénéfique pour son développement. Les objectifs seront atteints et peut-être comme on l'espère, verra-t-on l'émergence de nouvelles nations. Elles seront plus à même, dans ce jeu, de devenir par ce biais compétitives, afin de rivaliser avec les pays les plus représentatifs à XV. C'est déjà d'ailleurs en partie le cas et les résultats de la dernière Coupe du monde à 7 sont significatifs puisque le Kenya avait, à la surprise de tous, atteint les demi-finales.

Les JO de Rio vont créer une dynamique majeure pour certains pays qui verront les Etats leur apporter économiquement les moyens de se préparer. Pour ceux comme les Etats-Unis ou la Russie qui sont habitués dans les autres disciplines à rafler les médailles, la question est de savoir si leurs gouvernants veulent donner à leurs fédérations les moyens d'accéder dans la discipline rugby à un podium.

En 1920 et 1924, même si les nations les plus fortes n'étaient pas représentées, la victoire des Américains ne fut pas anecdotique et encore moins le fruit du hasard. Avec des joueurs sans expérience, sans réelle connaissance du jeu et avec des gestes techniques rudimentaires, en tout cas inférieurs en qualité à ceux de leurs adversaires, ils remportèrent la compétition en exploitant la dimension physique largement supérieure à celles deleurs athlètes. Leurs joueurs issus du football américain surent exploiter, plus individuellement que collectivement, ce potentiel physique qui est un facteur essentiel de performance dans leur sport national. En conjuguant force et vitesse, les Etats-Unis, même si ce fut sans génie, devinrent champion Olympique .

Bien sûr maintenant, la réalité est différente, les enjeux actuels d'une compétition olympique sont sans commune mesure avec l'intérêt limité suscité à l'époque. Le rugby a pris une autre dimension et les joueurs des meilleures nations seraient, si la compétition olympique se jouait à XV, physiquement compétitifs. Aujourd'hui, avec un potentiel physique à peu près équivalent, leur supériorité tactique et technique finirait par faire la différence. L'espace au mètre carré disponible pour chaque joueur dans l'opposition 15 contre 15 favoriserait la défense collective, plus à même de répondre aux initiatives individuelles. Mais avec 7 joueurs dans le même espace de jeu, la donne change. Si à Rio en 2016, une nation comme les Etats-Unis choisit d'investir, elle pourra compter sur des joueurs importés du football physiquement supérieurs, surtout dans la dimension vitesse. Ils ne manqueront pas d'acquérir des principes offensifs comme défensifs simples, plus faciles à mettre en place à 7 qu'à 15. Il en est de même pour les habiletés techniques qui ne sont pas si différentes de celles développées avec le ballon de taille inférieure qu'ils utilisent dans leur discipline (donc facilement transférables). L'espace calculé en mètre carré disponible par joueur est au 7 multiplié largement par deux. Lâchés dans de grands espaces, il ne sera pas commode de défendre face à ces spécimens de joueurs qui imposeront leur vitesse individuelle. Ils auront, avant Rio, suffisamment de temps disponible pour s'approprier en nombre et en variété la panoplie de gestes techniques, les basiques de notre jeu mais aussi d'y greffer l'utilisation des passes javelotées des "quarter backs". Tous y sont initiés et vu la précision et la longueur de ce type de passe, il sera difficile de s'opposer efficacement à la mise sur orbite des sprinters.

On est certes loin du coup d'envoi. Mais si le rugby entre aux JO, aucune nation ne fera l'impasse d'un projet ambitieux pour y participer et y performer. Du moins, c'est ce que j'espère pour la France qui dans cette discipline présente à ce jour un déficit qu'il sera difficile de combler. En urgence, il va maintenant s'agir pour la FFR de mettre en place et en oeuvre un véritable projet JO pour le 7. Mais d'abord, attendons la sentence.

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