Clerc obscur

Il était au sommet. Comme dans un rêve. La nouvelle star, c'était lui. Joueur pure classe, ailier supersonique, gendre idéal, Vincent Clerc surfait sur la vague du succès depuis plus d'une année. Depuis cet essai de Croke Park, qui l'avait propulsé au rang des héros du XV de France., même si son arrivée au sommet est en réalité plus ancienne. Sa trajectoire continuellement ascendante depuis deux ans s'est brisée avec une brutalité sordide samedi. Un débordement sur son aile, comme il en a réalisé tant dans sa carrière. Puis le genou qui lâche, l'idole qui s'effondre.

A cet instant, Clerc sait sans doute déjà que le tunnel dans lequel il s'engouffre est de ceux dont on ne sort qu'au terme d'un long combat. Le reste relève dès lors de l'anecdote. L'essai en contre de Rougerie, froidement opportuniste. La défaite du Stade. La première place. Le Top 14, la Coupe d'Europe et tout le reste. Non, tout ça paraît bien dérisoire comparé au désarroi, immense, du pauvre Clerc. En larmes, affalé sur une civière, entend-il seulement l'immense ovation du Stadium? Il y a deux mois, c'est son pote Clément Poitrenaud, sur cette même pelouse, qui s'était gravement blessé. Un peu comme lui, tout seul. Un peu bêtement, quoi. Vincent s'était penché sur son copain, pour lui parler, le consoler. Voilà que c'est son tour. Sale(s) histoire(s).

Rougerie: Ca fait froid dans le dos"

Rapidement, les premières nouvelles ne sentent pas bon du tout. "On pense que c'est les croisés", soupire Guy Novès dès la fin du match. Pronostic pessimiste, et rapidement confirmé par les premiers examens: rupture du ligament croisé antérieur interne du genou gauche. Conséquence, neuf mois d'indisponibilité. Neuf mois... En gros, Clerc va manquer la fin de saison, la tournée d'été, les tests de l'automne. Le voilà même presque incertain pour le prochain Tournoi des 6 Nations. Surréaliste.

Comment ne pas être consterné par un tel gâchis? Aurélien Rougerie, aux premières loges sur l'action, confie son désarroi. "Au-delà d'être un adversaire redoutable, Vincent est un partenaire en équipe de France et un ami, ça fait froid dans le dos de le voir se faire mal comme cela alors qu'il est en pleine bourre." Forcément, on ne peut s'empêcher de voir autre chose qu'un malheureux hasard dans cet enchaînement de catastrophes, de Florian Fritz à Vincent Clerc en passant par Clément Poitrenaud. Pour Novès, on le sait, la poisse a bon dos.

Dans quelle mesure la répétition des efforts fournis par les internationaux est-elle à l'origine de ces graves blessures? C'est difficilement quantifiable. Mais elle joue, incontestablement. Bien sûr, la blessure fait partie du sport, mais les joueurs sont tout de même terriblement exposés aujourd'hui. Car au-delà du Stade Toulousain, c'est tout le rugby français qui vient de perdre un de ses joyaux. "J'espère qu'il reviendra vite et plus fort ", souffle Rougerie. Vite, malheureusement, il paraît acquis que non. Fort? C'est tout le mal que l'on peut souhaiter à un garçon attachant et à un joueur magnifique qui nous manquent déjà.