Harinordoquy : "Il manque en France un Beauden Barrett"

Toute cette semaine, on a parlé d’un nouveau souffle de ce XV de France. Le ressentez-vous ?

Imanol HARINORDOQUY : Oui, au moins, ça fait plaisir de les regarder. On voit qu’ils se donnent… Ces dernières années, on va dire que c’était assez laborieux. Aujourd’hui, l’équipe de France montre un nouveau visage.

Votre explication ?

I.H : Il y a de nouveaux joueurs, un nouveau coach qui prend ses marques ! Ils sont sur le bon chemin, même si tout n’est pas encore parfait.

Que voulez-vous dire ?

I.H : Offensivement, on a vu de très bonnes choses, mais le haut niveau, c’est de l’ordre du détail, donc il faut que les joueurs bossent encore plus, parce que parfois c’est encore un peu brouillon.

Ce qui est sûr, c’est qu’avec Guy, l’équipe de France mouillera toujours le maillot

Êtes-vous étonné par le style de jeu prôné par Guy Novès ?

I.H : Ce qui ne me surprend pas, c’est de voir l’équipe de France avec cet état d’esprit. Je connais bien Guy, c’est lui qui m’a fait venir au Stade toulousain pour finir ma carrière. Donc je ne suis pas étonné par ce que je vois.

C’est-à-dire ?

I.H : Guy attend de ses joueurs qu’il donne le meilleur d’eux-mêmes. Qu’ils soient bons ou mauvais… En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’avec Guy, l’équipe de France mouillera toujours le maillot.

N’est-il pas un peu frustré par rapport à certains aspects du métier de sélection ?

I.H : Je connais Guy, il aimerait avoir son groupe toute l’année, parce que c’est quelqu’un qui aime être au contact de ses joueurs pour les cerner, les analyser. Donc quelque part, oui, il doit être parfois comme un lion en cage. Ça doit le démanger.

Que pensez-vous de son début de mandat ?

I.H : Il essaie beaucoup de joueurs, mais ce n’est pas quelqu’un qui fait de cadeau. A mon avis, tout le monde est au courant. Le message est bien passé. Avec Guy, quand tu as une chance, tu n’en as pas deux ou trois … Il ne veut pas que le maillot de l’équipe de France soit quelque chose d’acquis.

Les All Blacks ? C’est peut-être le bon moment de les jouer, parce qu’on les a vu se faire malmener contre l’Irlande

Comment aborder ce match contre la Nouvelle-Zélande ?

I.H : Comme un test ! Tout simplement… Les All Blacks ? C’est peut-être le bon moment de les jouer, parce qu’on les a vu se faire malmener contre l’Irlande. On les voit rarement à la peine comme ça. On les sent aussi un peu émoussés. Mais leur réservoir de joueurs est tellement riche… Mais ça va être intéressant ! J’ai hâté d’être à ce samedi soir pour voir ce qu’on peut faire contre ces All Blacks.

D’autant que le dernier affrontement contre la Nouvelle-Zélande, ce n’était pas glorieux (défaite 62-13 en Coupe du monde NDLR)…

I.H : C’est clair, ça reste un très mauvais souvenir, parce que clairement, on n’était pas invité. Ça m’a même fait de la peine. C’est triste de voir l’équipe de France à ce niveau-là. C’était une catastrophe ! Sur ce match, il n’y avait rien. Absolument rien. Quand on a connu ce que j’ai connu avec les Bleus, ça fait mal.

Peut-il y avoir un sentiment de revanche ?

I.H : En prendre 60 sur un match de Coupe du Monde, forcément, on se sent ridiculisés. En plus, il y a certains joueurs qui ont participé à ce match, et c’est le genre de défaite qu’on n'oublie pas. Donc pour ce samedi soir, ça va compter aussi.

On n’arrive pas à se dire, ok on a une charnière et on va l’installer

Chez les Bleus, il reste le souci du numéro 10…

I.H : C’est la grande problématique du rugby français depuis plusieurs années déjà. On n’arrive pas à se dire, ok on a une charnière et on va l’installer. Si c’était le cas, on ne se poserait pas toutes ces questions, et là on s’en pose. D’autant que sur cette tournée, ça fait déjà le troisième à ce poste.

Votre avis sur Lopez ?

I.H : Camille ? Il fait de très bonnes choses avec Clermont, mais en équipe de France, il n’a pas encore réussi à s’imposer en prenant les commandes du jeu tricolore. Maintenant, j’attends de voir comment il va réagir ce samedi, parce qu’il a loupé le drop de la gagne contre l’Australie. C’est toujours difficile à digérer.

Peut-il être un révélateur ?

I.H : Ah oui, connaissant un peu Guy Novès, c’est clairement un test pour Camille Lopez. Il a envie de voir comment il va réagir. Il veut tester le caractère de son joueur.

Je pense que cette adrénaline va me manquer

En face, il y aura Beauden Barrett. Sera-t-il la future star du rugby mondial ?

I.H : Mais il l’est déjà… D’ailleurs, il n’a pas du tout souffert de l’ombre de Dan Carter. Il est très fort.

Pour quelles raisons ?

I.H : Il m’impressionne par rapport à sa vitesse de pointe, ce qui est assez rare pour un numéro 10. J’ai l’impression même qu’il court plus vite que ses ailiers. Il joue juste, propre, il fait les bons choix. Le seul petit bémol ? Sa faculté à prendre les tirs au but, son pourcentage n’est pas énorme, mais le problème c’est qu’il compense ce manque par le nombre d’essais qu’il inscrit. C’est assez impressionnant. Mais les All Blacks ont toujours un numéro dix d’exception, c’est forcément ce qui fait la différence par rapport à nous.

Le rugby vous manque-t-il ?

I.H : Non, pour l’instant ça ne manque pas parce que je suis très occupé, mais à un moment donné, forcément je pense que cette adrénaline va me manquer. Surtout le fait de se défouler sur un terrain tous les week-ends. Ensuite, cela me manquera encore plus quand les échéances importantes vont arriver. Le Tournoi des 6 Nations ou les phases finales du Top 14, parce qu’on a vécu ces moments, et dans la vie de tous les jours, ce ne sont pas des émotions qu’on retrouve au quotidien.

Florian FIESCHI