Sella: "Il va falloir que les Bleus montent le curseur"

  • Philippe Sella, ancien centre du XV de France (111 sélections)
    Philippe Sella, ancien centre du XV de France (111 sélections)
  • Philippe Sella, en 1994, lors du Tournoi des 5 nations face à l'Angleterre
    Philippe Sella, en 1994, lors du Tournoi des 5 nations face à l'Angleterre
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L'ancien centre international, Philippe Sella (111 sélections), estime que les Bleus, revanchards après les tests de juin perdus face aux Wallabies, doivent encore hausser leur niveau pour rivaliser. D'autant que pour lui, l'Australie dispose de "joueurs exceptionnels".

Philippe, quel regard portez-vous sur ce début de tournée du XV de France et sur ce groupe ?

Philippe SELLA: Un bon début de tournée puisque l'équipe de France a dominé son sujet face aux Fidjiens. Ils ont été plutôt entreprenants avec une victoire construite avec de la patience face à une formation qui a été privée de ballons mais surtout d'espaces. Les Fidjiens n'ont pas pu s'exprimer malgré leurs excellentes qualités individuelles que nous voyons dans les championnats européens chaque week-end. C'est un début qui permet d'avoir de la bonne humeur, de la confiance avec deux gros événements à suivre (Australie puis Argentine). Il est toujours bon de gagner, de marquer des essais et de voir une équipe qui a débuté la tournée avec de l'enthousiasme.

Il y a toujours des gens qui tendent à minimiser cette victoire des Français du fait que ce ne sont que les "Fidjiens" et que le vrai test sera face à l'Australie. Partagez vous cette vision ?

P.S: Chaque rencontre a sa spécificité. Avant la rencontre, les Fidjiens avaient aussi des espérances. Les Bleus ont été efficaces sur les fondamentaux. Sans être vraiment dominatrice en mêlée, la France a globalement dominé son adversaire. Ensuite, il fallait que l'équipe de France puisse gagner, se rassurer et reprendre un peu de confiance et de folie pour bien continuer l'aventure automnale. Il faut savourer ce qui a été fait par notre équipe tout en gardant les pieds sur terre car évidemment, l'Australie est une grosse cylindrée qui a gagné ses trois tests face à la France en juin dernier. Les Bleus vont donc avoir l'esprit revanchard avec une montée d'adrénaline supplémentaire. Le défi pour remporter une victoire doit passer par la conquête, la défense, la discipline et la vitesse. Les matchs sont aboutis quand ces ingrédients sont de qualité. Il va donc falloir que nos joueurs montent le curseur dans tous les compartiments du jeu mais aussi dans la tête et le combat physique.

Quel est votre point de vue sur les Wallabies ?

P.S.: C'est une équipe en forme déjà puisqu'elle est allée s'imposer au Millenium face aux Gallois (28-33 NDLR), ce qui est toujours très difficile et une performance en soi. Ensuite, elle a une grande capacité à tenir le ballon et à mettre énormément de temps de jeu en place. L'équipe d'Australie dispose de talents exceptionnels à l'image de Folau, Ashley-Cooper, Kuridrani, Foley, Hooper... Ces joueurs possèdent de très belles qualités: ils sont physiques, rapides, techniques, intelligents et savent s'adapter à l'adversaire. Et tout cela mis au service d'un collectif en fait une équipe très compétitive et difficile à manœuvrer.

Le rugby à XV n'est que le quatrième sport en Australie et pourtant, depuis des décennies avec les Farr-Jones, Lynagh, Campese puis les Horan, Little, Eales, Gregan, Larkham - pour ne citer qu'eux - ils sortent à chaque cycle de fabuleux joueurs. Comment l'expliquez-vous ?

P.S: C'est vrai qu'il y a toujours eu des individualités qui sortent du lot. C'est une nation très sportive où il y a beaucoup de joueurs dont certains sont originaires des îles du Pacifique et ont des capacités athlétiques exceptionnelles. Il y a aussi une culture dans ce coin du monde où la performance et la technique individuelle permettent d'apporter une plus-value. Ensuite, ils ont une certaine capacité à mettre leurs qualités individuelles à la disposition du collectif. Cette force collective vient de leurs capacités à exercer une pression sur l'adversaire que ce soit dans les duels notamment en un contre un, défensivement, par du jeu au pied.

Il faut aussi regarder les forces vives que nous avons sur place. Il ne faut pas faire du copier-coller

Si les Français devaient prendre quelque chose chez eux afin d'être plus compétitifs, vous penseriez à... ?

P.S: (Silence)... Je pense qu'il est bien d'observer ce qu'il se fait ailleurs mais aussi de regarder ce qu'il se fait chez soi ! C'est bien de voir ce qui fonctionne chez les autres et ce qui peut être amélioré chez soi. Mais il faut aussi regarder les forces vives que nous avons sur place. Il ne faut pas faire du copier-coller. On remarque aujourd'hui qu'il y a une uniformisation du rugby dans le monde de part les différents échanges qui existent. Certaines choses peuvent se ressembler mais il ne faut pas oublier qu'il existe différentes spécificités dans chaque pays.

Il est vrai que nous avons souvent tendance à nous comparer et à vouloir copier les nations modèles de l'hémisphère sud mais c'est un peu antinomique dans le sens où leurs compétitions, leur préparation et leur plage de repos sont complètement différentes aux nôtres...

P.S: Oui le fonctionnement est différent et ce n'est pas seulement lié au professionnalisme mais dès le milieu scolaire. Chez eux, le rugby est très impliqué dans le système scolaire et un suivi est fait en conséquence avec toutes les contraintes de la vie d'un jeune (études, familiales, sportives...). Tous ces paramètres sont pris en considération dans le développement de l'enfant mais aussi du sportif car cela amène des contraintes supplémentaires. Et ce dernier ne doit pas être perturbé et au contraire, être davantage compétitif et épanoui.

Vous connaissez bien l'homme qu'est Serge Blanco. Il est probablement trop tôt pour avoir un avis objectif mais pensez-vous que son apport est une plus-value ?

P.S: Je pense que oui. Dans la volonté de partage notamment. Pour vous dire franchement, je ne connais pas les rôles des uns et des autres dans le comité de suivi mais j'ai compris qu'ils étaient tous au chevet de l'équipe de France. La partie terrain reste aux hommes de terrain (les entraîneurs et le manager). Qu'il y ait un complément dans l'organisation du staff des Bleus, c'est positif. Blanco avait besoin d'apporter de la sérénité par rapport à toutes les missions extra-sportives de Saint André et notamment des charges qu'il ne pouvait pas assumer. L'important, c'est qu'il y ait une bonne identification dans le rôle de chacun et que ces derniers puissent œuvrer pour les joueurs, pour l'équipe. Et je crois sincèrement que la  volonté des uns et des autres, c'est d'amener rapidement du calme, de la confiance et de la performance au sein du XV de France.

Philippe Sella, en 1994, lors du Tournoi des 5 nations face à l'Angleterre
Philippe Sella, en 1994, lors du Tournoi des 5 nations face à l'Angleterre
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