Elissalde: "Les cartes vont être redistribuées au moins deux fois avant le Mondial"

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  • Jean-Pierre Elissalde - bayonne - décembre 2011
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Avant le dernier test-match des Bleus face à l’Argentine samedi, l’ancien demi de mêlée, Jean-Pierre Elissalde (3 sélections avec le XV de France) juge le niveau de performance de l’équipe de France et préfère relativiser. A un an de la Coupe du monde, il ne faut pas s’emballer après seulement deux victoires selon lui.

Qu’avez-vous pensé de ces deux victoires des Bleus face aux îles Fidji et à l’Australie ?

Jean-Pierre ELISSALDE: Il faut prendre un peu de recul. Samedi, avant l’Australie j’ai lu que c’était l’instant de vérité, mais c’était la vérité de l’instant. On aurait pu avoir une équipe différente (il donne une liste de joueurs à retrouver ci-dessous*), et peut-être qu’elle aurait aussi battu les Australiens. Cette victoire, elle fait du bien à l’instant mais est-ce qu’elle aura une influence sur la Coupe du monde ? Je réponds non. Les cartes vont être redistribuées encore au moins deux fois avant la sélection. Si on se projette, tout sera à refaire ou encore à faire. Paradoxalement, quand on a eu des résultats plutôt satisfaisants (2003 et 2012), on s’aperçoit que ce qui nous semblait être des certitudes, en fin de compte, est finalement passé de mode. C’est un premier bémol. Notre rugby est tellement basé sur l’homme en forme ou sur l’opportunité du moment comme avec Teddy Thomas... Et bien carpe diem ! Quand on a été sérieux dans notre préparation, comme en 2007, conquérant, c’est là que l’on a fait notre plus mauvaise Coupe du monde. Paradoxalement, c’est quand on a le plus de certitudes sur un effectif relativement stable et sur un jeu élaboré que l’on a été le plus instable à la Coupe du monde. En 2011, on est arrivé avec rien comme certitude, on a fait jouer des gens auxquels on ne pensait pas, et on est arrivé en finale et on a failli être champion du monde. On se plait et on se complait dans cette incertitude.

Mine de rien, ça fait du bien au moral ces deux victoires...

J-P.E.: Bien sûr, mais surtout au cœur, car pour la tête, on voit que tout est très subjectif et aléatoire sur le futur. Sur quoi sommes-nous sereins ? Face à l’Australie, en conquête nous ne sommes pas dominants et dans l’utilisation, on a un ballon sur trois. Les certitudes sont le fait que le groupe s’y est filé, on a avec Teddy Thomas un joueur instinctif mais qui a été mis en difficulté sur des jeux au pied de l’adversaire, c’est un "serial killer" que je compare à l’arrivée d’Antoine Griezmann en équipe de France de football. C’est vrai que notre paire de demis (Tillous-Borde / Lopez) a fait un bon match mais en 2012, on avait aussi des certitudes (Machenaud / Michalak)... Dans l’utilisation, on a été dans la réactivité sur les pertes de balles, on a su les mettre en difficulté sur des situations de tonicité. Cela satisfait notre égo, le travail du moment. Cela soulage car tout le monde était sous pression mais les critiques étaient justifiées. On domine pendant deux fois trente minutes, on a su utiliser nos temps forts, mais on a été dominés vingt minutes et on a pris 23 points ! On n’a pas été bons dans nos temps faibles ou bien on n’a pas su gérer les temps forts de l’Australie. On a fait encore trop de fautes inutiles. Il y a encore tellement de processus de certitudes à mettre en place dans la maitrise, comme descendre systématiquement -comme au temps de Berbizier ou Laporte- à moins de 10 fautes par match. C’est plus du baume au cœur, mérité, qu’une structuration de jeu et une ossature d’effectif. On aurait très bien pu faire une deuxième équipe pour ce match (il rappelle sa liste de joueurs). On aura toujours ces problèmes de choix à un certain moment. On est sur la construction, on est encore dans la recherche et la prospection.

Jean-Pierre Elissalde - bayonne - décembre 2011
Jean-Pierre Elissalde - bayonne - décembre 2011
Vivons le présent, analysons le présent, mais ne pensons pas que nous avons trouvé la solution

En France, on s’emballe vite dans un sens comme dans l’autre...

J-P.E.: C’était avec Bernard Laporte que l’on avait le plus de certitudes. En 2007, on avait notre équipe, que l’on a gardée pendant trois ou quatre ans, et pourtant on a pris une taule contre les Argentins dès le début de la Coupe du monde. Même avec des certitudes, cela ne nous a pas réussi. En 2011, on est arrivé avec des incertitudes, toute la colonne vertébrale avait été changée et pourtant on a failli être champions du monde. Si on se projette sur la Coupe du monde dans un an, tout cela ne sert à rien, c’est la vérité de l’instant ! On a une équipe qui s’est comportée en équipe. Vivons le présent, analysons le présent, mais ne pensons pas que nous avons trouvé la solution.

Un mot sur cette équipe d’Argentine, c’est un nouveau gros test que de défier les Pumas ?

J-P.E.: On aurait pu dire la même chose d’autres nations... Aujourd’hui, on doit véritablement se concentrer sur notre potentiel, nos qualités et nos défauts. L’Argentine, c’était pas mal contre l’Ecosse mais elle a eu des maladresses, beaucoup de pertes de balles. Contre l’Italie, ils ont gagné laborieusement dans des conditions très difficiles. Les Argentins ont fait un bon Four Nations mais on ne sait pas ce qu’ils peuvent nous faire. En 2011, personne ne s’attendait à ce qu’ils nous mettent une "branlée" au premier et au dernier match ! Ce sont des professionnels, ils se sont structurés, c’est une équipe à prendre en considération mais il faut plus rester sur notre performance. Il faut trouver de l’énergie pour faire un troisième bon match et il faut analyser nos contre-performances.

*La liste : Slimani, Szarsewski, Chiocci, Botha, Marais, Harinordoquy, Picamoles, Nyanga, Bruni, Parra, Machenaud, Trinh-Duc, Michalak, Plisson, Tales, Médard, Bastareaud, Mermoz, Fickou, Bonneval, Dulin.

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