Le jeu au pied, nouveau casse-tête ?

  • Maxime Machenaud tape un coup de pied entre Gareth Davies et Dan Biggar lors de Galles-France
    Maxime Machenaud tape un coup de pied entre Gareth Davies et Dan Biggar lors de Galles-France
  • Dan Biggar (Galles) tape une chandelle
    Dan Biggar (Galles) tape une chandelle
  • Conor Murray, demi de mêlée irlandais
    Conor Murray, demi de mêlée irlandais
  • Stuart Hogg, l'arrière écossais
    Stuart Hogg, l'arrière écossais
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TECHNIQUE - Avec plus de 60 coups de pieds par matchs (63,7), le Tournoi des 6 nations s’impose comme une compétition où la tactique est au cœur de la réflexion des différentes équipes. Qu’il soit d’occupation ou de pression, le jeu au pied est essentiel. Pourquoi ? Explications.

La recette du succès est parfois simple. En rugby, elle peut même être simpliste. Un gros pack, une grosse défense et un bon jeu au pied… Et si les deux premiers éléments sont faciles à mesurer, comment évaluer la qualité de pied dans le jeu ? Déjà, en ne commettant pas une première erreur: il ne faut pas parler du jeu au pied mais des jeux au pied.

Pression ou occupation ?

Deux grandes familles de jeu au pied coexistent sans s’opposer. D’un côté, le jeu au pied de pression, où l’équipe qui tape cherche le duel, en l’air ou à la course. L’exemple le plus courant est la chandelle. Mais le coup de pied rasant dans le dos d'un ailier distrait ou d’un centre trop agressif entre parfaitement dans cette catégorie. Dans l’idéal, il permet à l’équipe qui botte de rester agressive, en position de conserver la balle. Le jeu au pied de pression permet parfois aussi d’isoler un joueur (de préférence l’ailier) et de rendre la conservation de la balle presque impossible.

Dan Biggar (Galles) tape une chandelle
Dan Biggar (Galles) tape une chandelle

Autre grande famille: le jeu au pied d’occupation. Ici, il s’agit de forcer la défense à reculer. Un immense jeu de gagne-terrain qui peut donner d’affreuses séquences de "ping-pong rugby". Un échange de grands coups de pompe, jusqu’à ce que l’un des joueurs du fond de court ne commette une erreur. Le but de ce bras de fer ? Faire craquer l’adversaire. Soit en le forçant à trouver une touche courte dans son propre camp, soit en le poussant à jouer trop court mais dans les limites du terrain. Ce qui permet à l’adversaire de prendre le ballon en avançant. Et donc à gagner des mètres "gratuits".

Une arme étouffante...

Le jeu au pied n’est pas qu’un accessoire. Il est aujourd’hui une composante obligatoire de l’arsenal ovale dans toutes les formations. Illustration avec les coups de pied dans la boite ("Box-kicks") qui sont de nouveau très à la mode. Ils sont même l’arme principale de certaines formations. Exemple avec Conor Murray pour l’Irlande ou Will Genia pour l’Australie. Peu importe l’endroit du terrain, si l’équipe est sous pression, le 9 va taper très haut sur l’ailier. Seul dans le couloir des 5 mètres, il a deux duels à gagner. D’abord en l’air, en un contre un. Puis au sol, face à un groupe de joueur qui monte vite et qui cherche à le pousser en touche. Élémentaire mais redoutable pour inverser la fameuse "pression".

Conor Murray, demi de mêlée irlandais
Conor Murray, demi de mêlée irlandais

Autre exemple avec le dernier match du XV de France face au pays de Galles. Les Bleus ont été étouffés, impuissants pendant 30 minutes. Probablement à cause de leur incapacité à trouver de la longueur dans leur jeu au pied. Sans taper très loin, impossible de desserrer l’étreinte des Dragons qui ont campé dans les 22 mètres tricolores. A l’inverse, le XV du Poireau a su parfaitement utiliser le jeu au pied de pression en maintenant le ballon dans le terrain. Quelques tentatives bien senties qui ont poussé les Français à quelques sauvetages: Lauret (27e), Guirado (6e)… Idem avec les nombreuses chandelles qui ont mis à mal le troisième rideau et notamment Vakatawa.

… à double tranchant

Seulement, cette arme peut très vite se retourner contre celui qui s’en sert mal. Le jeu au pied de pression peut être un vulgaire ballon rendu s’il n’y a pas… de pression suffisante. Une chandelle trop longue ou un coup de pied à suivre mal dosé n’a aucune incidence sur le jeu. Il va juste conduire à se débarrasser de la balle. Et il y a peu de chose d’aussi catastrophique qu’un ballon rendu à un joueur qui avance. Le terrain devient comme par magie gigantesque et les solutions évidentes. L’offrande dramatique de deux ressources capitales dans le rugby: le temps et l’espace...

Il en va de même avec le jeu au pied d’occupation raté. Dans le pire des cas: le jeu est direct en touche et rend la balle à l’adversaire à l'endroit du coup de pied. Dans le meilleur ? Le jeu au pied est court, permet à la défense de se muer en attaque et de jouer dans l’avancée. Là encore: mètres gratuits et défense désorganisée.

Stuart Hogg, l'arrière écossais
Stuart Hogg, l'arrière écossais

Le jeu au pied n’est pas une révolution, il a toujours existé. Et le 6 Nations n’a pas attendu cette année pour donner lieu à de longs et épuisants rallyes de fond de terrain. Mais il faut prendre conscience que l’efficacité et l’importance du jeu au pied de pression est capitale dans cette compétition. Illustration avec l’Irlande, dominatrice dans ce secteur lors des deux dernières saisons et double tenante du titre. Et si le jeu au pied est une arme redoutable, nécessaire et dangereuse, il n’est finalement que le reflet du rugby de l’hémisphère nord : parfois pénible, mais tactiquement très riche.

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