Le "spacing", kezaco ?

  • Beauden Barrett (Nouvelle-Zélande) en finale de la Coupe du monde 2015
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  • Juan Martin Hernandez (Argentine) - Coupe du monde 2015
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  • Jonathan Joseph (Angleterre)
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  • Brodie Retallick - deuxième ligne des All Blacks - 20 septembre 2015
    Brodie Retallick - deuxième ligne des All Blacks - 20 septembre 2015
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TECHNIQUE - Nouvel anglicisme qui va ravir les amoureux de la langue française, le "spacing" est une notion simple à comprendre mais difficile à traduire avec justesse. Alors, au fond, qu’est-ce que c’est, le "spacing" ?

Le "spacing" ou littéralement "comment créer de l’espace". Un thème rarement abordé de manière technique mais qui englobe à lui seul l'importance de fixer, de donner dans le bon tempo et d’opter pour la bonne course au bon moment. L’art et la manière, en somme, de faire le geste juste au bon moment. Cela dans un seul but : créer des intervalles, des trous. Parce que libérer de l’espace, c’est créer du temps et que le temps est une arme.

Créer de l’espace avec le ballon

Notre point de départ est simple et concernera l’équipe attaquante. Car le "spacing" peut aussi s’appliquer dans le cadre d’un système défensif. Mais intéressons-nous au porteur de la balle. De son attitude découle celle de ses coéquipiers. La course et la vitesse du porteur de la balle vont avoir une influence sur celle des autres. De manière très schématique, quand le joueur va se rapprocher de la défense, ses partenaires vont se rapprocher de lui. Ce système de course convergente des soutiens n’est pas nouveau et il est même l’un des premiers principes que l’on enseigne dans les écoles de rugby.

Idem, quand un joueur change son axe de course, il influence celui des coéquipiers. Illustration avec une croisée ou une redoublée. Elles ne sont possibles dans le jeu courant qu’à la condition que le porteur de la balle ait une course suffisamment marquée pour solliciter un changement de course de son partenaire. Faire un travers n’offre pas de solution. En revanche, "surjouer" son changement d’axe, si.

Juan Martin Hernandez (Argentine) - Coupe du monde 2015
Juan Martin Hernandez (Argentine) - Coupe du monde 2015

Le porteur de la balle peut donc créer de l’espace de deux manières différentes : par son déplacement et par son jeu de passe. Les joueurs de talent sont ainsi capables de créer des intervalles de manière très simple et en utilisant presque uniquement leur vitesse. Le meilleur exemple étant le poste de centre : au cœur du jeu et souvent mis sous pression par une défense agressive, les centres talentueux sont capables de trouver de l’espace et donner du temps à leurs partenaires. Exemple avec Matt Giteau ou Juan Martin Hernandez, vrais maitres en la matière.

Créer de l’espace sans le ballon

Le plus intéressant est de loin l’attitude des joueurs sans ballon. Car le comportement collectif dépend - par essence - bien plus des 14 joueurs sans ballon que du seul porteur de balle. Ici, c’est avant tout la faculté de replacement et de lecture du jeu qui va importer. Si nous avons vu que le porteur de balle influence le comportement de son soutien, la réciproque est aussi vraie. Une course convergente va entrainer la passe main à main. A l’inverse une course fuyante va soit pousser la défense à s’adapter, laissant un espace se dessiner pour le porteur de la balle, soit offrir au passeur une solution sur l’extérieur. L’éternel jeu du chat et de la souris avec les défenseurs.

Jonathan Joseph (Angleterre)
Jonathan Joseph (Angleterre)

Reste que cette culture du replacement, cette volonté farouche de participer au jeu même loin du ballon est souvent délaissée au profit d’un jeu constitué autour du défi. Le triomphe du muscle sur l’instinct ? Une victoire progressive remise en question par de nouveaux joueurs : Moroni, Joseph ou Milner-Skudder incarnent, au moins un peu, cette tendance à réutiliser le muscle le plus important : celui qui se situe entre les deux oreilles.

L’exemple néo-zélandais

En guise de référence, et une nouvelle fois sans surprise, la Nouvelle-Zélande s’impose comme la grande maitresse du "spacing". Pour mieux comprendre comment fonctionne le système offensif de la Nouvelle-Zélande, il suffit d’observer le replacement des joueurs. Ici, pas de circulation des joueurs dans la largeur. Les avants ne suivent pas aveuglement la balle, les arrières ne prennent pas systématiquement l’espace. Les joueurs se déplacent au maximum dans le sens de la profondeur.

Cette utilisation de l’espace est possible car les joueurs possèdent une technique individuelle monstrueuse (il n’est pas rare de trouver un avant dans le rôle du premier attaquant, un talonneur ou un troisième ligne dans le couloir des 15 m, etc.), que la communication et l’intelligence de jeu sont au-dessus de la moyenne et que les All Blacks jouent souvent dans l’avancée.

Brodie Retallick - deuxième ligne des All Blacks - 20 septembre 2015
Brodie Retallick - deuxième ligne des All Blacks - 20 septembre 2015

Bilan

Difficile à traduire, pas spécialement compliqué à comprendre, le "spacing" repose sur quelques mécanismes de base. Replacement, investissement, compréhension du jeu et communication. C’est à la fois une des bases du rugby, enseignée dans les écoles, et une arme redoutable même à haut niveau. Si un tel concept semble un peu suranné, inutile et surtout pourrait paraitre comme acquis pour tous, il faut noter que la grande différence avec les pays étrangers résulte en ce qu’elle fait partie de la réflexion des rugbys d’ailleurs.

La recherche de l’espace y constitue une base de réflexion et un outil pour trouver des solutions. En France, la faute peut-être à quelques résurgences du "French-flair" et du sacro-saint jeu à la main, l’espace apparait comme une évidence. A tel point qu’en parler n’est pas de rigueur. De quoi, peut-être, un peu mieux comprendre la mutation du jeu français depuis près de 20 ans.

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