Elissalde : "Il faut redéfinir toute la politique du rugby français"

  • Jean-Pierre Elissalde estime que le rugby français a besoin de se réformier
    Jean-Pierre Elissalde estime que le rugby français a besoin de se réformier
  • Jean Pierre ELISSALDE - 10.12.2011 - Bayonne
    Jean Pierre ELISSALDE - 10.12.2011 - Bayonne
  • Jean-Pierre Elissalde - bayonne - décembre 2011
    Jean-Pierre Elissalde - bayonne - décembre 2011
Publié le Mis à jour
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Jean-Pierre Elissalde ne s'est pas montré tendre envers les dirigeants du rugby français et a notamment pointé du doigt la politique de formation des joueurs.

On vous voit chez "Les Spécialistes" sur Canal+ mais pas derrière un micro. Y aurait-il une envie de votre part ?

Jean-Pierre ELISSALDE: Oui... j'aime bien. Il faut repérer les espaces à jouer, les faiblesses à venir des uns et des autres, argumenter des décisions arbitrales... On est plus dans l'adaptabilité que dans le commentaire. Il faut anticiper les choses, les vivre, les analyser. C'est quelque chose de très intéressant. En plus, il y a le contact avec les acteurs avant et après le match. C'est un exercice qui me plairait.

A travers vos propos, on vous sent parfois déçu sur la fin de votre histoire avec Bayonne. Entrainer à nouveau un club professionnel est une idée qui vous trotte dans la tête ou êtes-vous passé à autre chose ?

J-P.E: Sincèrement, il ne faut jamais dire non ! On a trop vu de gens, entraineurs comme joueurs dirent non et puis qui sont revenus par la suite. Mais ce n'est pas une chose à laquelle je pense quand je me rase tous les matins, loin de là. Et puis je sais que le temps passe et mon temps avec. Après, le regret que l'on peut avoir quand on arrive à un certain âge comme le mien, c'est cette triste fin. Cela laisse un goût amer. Me concernant, je l'ai vécue comme une fin dégueulasse. Toujours inexpliquée et inexplicable pour moi. Cependant, je relativise quand je fais le bilan car j'ai passé trente ans de ma vie à entrainer à un bon niveau et je souhaite la même longévité à tous mes collègues entraineurs. La fin est triste et décevante mais le parcours reste intéressant... le Japon, Béziers, La Rochelle, Bayonne. Mais ce qui me désole le plus, comme tous les vieux dont je fais partie, c'est de ne pas pouvoir transmettre. Et notamment à travers les centres de formation. Je pense que, politiquement comme dans les contenus, j'aurais eu des choses à transmettre. Je m'occupe et transmets encore à des gosses amateurs mais dans le monde professionnel, ça m'aurait aussi plu.

Ce qui me désole le plus, comme tous les vieux dont je fais partie, c'est de ne pas pouvoir transmettre. Et notamment à travers les centres de formation

Vous avez connu plusieurs générations de rugby, de l'amateurisme total au professionnalisme dans son excès. Pensez-vous que la médiatisation du sportif et ces sommes importantes d'argent qui circulent ternissent les mentalités et dégradent les valeurs humaines ?

J-P.E: Déjà, nos valeurs étaient déjà discutables et n'étaient pas si parfaites que cela. La violence était une plaie dans notre sport et à ce jour, elle a disparu de notre rugby d'élite et c'est une très bonne chose. Je rappelle aussi qu'il existait des enveloppes, des embrouilles, des fausses licences... c'était moins public que maintenant où la moindre petite chose est exposée. On critique aussi l'arbitrage mais je vous assure qu'il est bien meilleur aujourd'hui qu'à notre époque. Avant, les gens avaient tendance à fermer les yeux sur certaines sanctions et je ne parle pas que des arbitres mais aussi de nos dirigeants. Nous avions aussi nos vices cachés. De nos jours, il est vrai que certaines choses disparaissent comme cette affiliation à "ton" club par exemple. Il existe une mutation, une transhumance même chez les hommes. Et on le voit avec tous les Néo-Zélandais et autres joueurs de l'hémisphère sud qui vont arriver dans notre championnat après la Coupe du monde.

Jean Pierre ELISSALDE - 10.12.2011 - Bayonne
Jean Pierre ELISSALDE - 10.12.2011 - Bayonne

Où voulez-vous en venir ?

J-P.E: Pour moi, la problématique de notre sport, c'est que les clubs forment des joueurs mais pas pour eux ! Je m'explique en prenant en exemple mes amis rochelais qui récupèrent des joueurs de Clermont formés à Clermont. Clermont les forme et n'en profitera même pas et c'est le cas pour quasiment tous les clubs. Il faut revaloriser la formation mais pour soi-même. Et cela ne peut passer que par une politique qui oblige les clubs à jouer avec un certain nombre de joueurs formés dans la structure. Il faut que cette obligation vienne de nos dirigeants qu'ils soient à la Fédé ou à la Ligue. Je ne dis pas qu'il faut la faire maintenant mais la mettre en place petit à petit d'ici la prochaine échéance mondiale par exemple (2019) et qui servira pour les années suivantes. Trois joueurs dans un premier temps puis cinq, sept sans tomber non plus dans l'excès. Cela amènera davantage de qualités, d'intérêts, de responsabilités et de voir un joueur avec un espoir de se voir faire partie de ces cinq, sept mecs formés au club. Ce dernier s'investira encore plus mais en ce moment, l'avenir est flou pour tous ces jeunes. Ils sont formés dans les clubs mais pour qui ? Pour quoi ? On ne sait pas !

Si on suit votre raisonnement, cela signifie qu'il faudrait fermer la vanne sur un exode massif de joueurs étrangers qui affluent dans le Top 14 ?

J-P.E: Je ne sais pas...

Il faut imposer à tous les clubs du rugby français entre cinq et dix joueurs formés au club, je dis bien formés au club c'est à dire en y étant depuis les Minimes voir Cadets

Mais il n'y aura pas de place pour tout le monde à moins d'avoir des effectifs à plus de cinquante joueurs ce qui semble difficilement concevable.

J-P.E: Mais il faut de la place pour les nôtres ! Il faut remettre la formation au centre du rugby français. Il faut trouver des moyens en interdisant ou en limitant excessivement l'arrivée des joueurs étrangers par exemple. Il faut imposer nos jeunes à ce qu'ils soient sur la feuille de match ou sur le terrain, point. Cela relancera tout une dynamique d'intérêts pour tous et pour chacun. J'en suis intiment persuadé. Je vous donne un petit exemple: La Rochelle a joué contre Clermont. Il y avait plus de joueurs de Clermont qui jouaient à La Rochelle que de Rochelais qui jouaient à La Rochelle. Et inversement, il y avait plus de Rochelais qui jouaient à Clermont (Julien Pierre et Vincent Debaty) que de Rochelais sur le terrain. Et on va même pousser le ridicule plus loin en disant qu'il y avait plus de Belges sur le terrain (Julien Berger côté rochelais et Vincent Debaty côté clermontois) que de Rochelais formés au Stade rochelais. On voit bien que tous ces mouvements de joueurs font perdre beaucoup d'intérêts au club. Le Président a besoin d'argent et pas d'un centre de formation et il le sait. Je me répète mais il n'y a qu'une seule solution politique: il faut imposer à tous les clubs du rugby français entre cinq et dix joueurs formés au club, je dis bien formés au club c'est à dire en y étant depuis les Minimes voire Cadets. Je ne dis pas qu'il faut interdire les joueurs étrangers mais il faut limiter en imposant cette nouvelle politique de formation dont je parle. Ce sera dans l'intérêt des clubs car il y aura une sorte de filiation du joueur pour son club mais aussi au niveau de la Fédération et évidemment de l'équipe de France.

On peut être amené à se poser la question de l'intérêt des centres de formation quand on voit le peu de jeunes émerger en équipe première ?

J-P.E: C'est exactement ce que je dis ! C'est pour cela qu'il faut redonner un intérêt à notre sport et à nos jeunes. Il ne faut pas critiquer, fermer mais dire aux clubs qu'ils auront besoin des cinq, sept, huit meilleurs joueurs formés dans leurs murs. Comment veut-on qu'un gosse puisse espérer en voyant tout ce qui se passe autour de lui et notamment l'arrivée importante de tous ces joueurs de l'hémisphère sud ? Quelle est sa place ? Il ne faut pas interdire mais réguler dans chaque club et ainsi redonner de l'intérêt pour ce dernier, pour son centre de formation et pour ces gamins qui sauront pourquoi ils s'investissent car une place les attendra. Il faut se servir de notre belle devise "liberté, égalité, fraternité" avec la liberté de donner un avenir à nos jeunes, l'égalité en étant au même niveau que les autres et de la fraternité car il en faut et encore plus dans notre sport.

Jean-Pierre Elissalde - bayonne - décembre 2011
Jean-Pierre Elissalde - bayonne - décembre 2011
Ce qui me désole, ce sont ces faux frères ennemis (FFR et LNR) qui se côtoient dans l'hypocrisie où ce n'est pas sain et où ça ne sent pas très bon

On vous connait pour votre franc parler... Alors pouvez-vous nous dire ce qui vous agace dans le rugby français ?

J-P.E: Ce qui m'agace, c'est que nos élus soient aussi pleutres. Que nos élus soient aussi timides et peu fraternels. Mais comment peut-on ne pas comprendre que le Top 14 a besoin de l'équipe de France et que l'équipe de France a besoin du Top 14 ? Ce qui me désole, ce sont ces faux frères ennemis (Fédération et Ligue NDLR) qui se côtoient dans l'hypocrisie où ce n'est pas sain et où ça ne sent pas très bon. Aujourd'hui, notre équipe de France ne va pas très bien mais rien n'y changera tant que les structures, les fondements seront ainsi. L'équipe de France appartient à toute la France, à tout le rugby français et elle est la résultante du rugby français. Et ce n'est ni Saint-André, ni Lièvremont ou autres qui changeront les choses. Il faut redéfinir toute la politique du rugby français. Qui peut me dire ce que sera le rugby français en 2020 ? On y arrive, c'est dans cinq ans ! On tourne en rond, on instaure la règle des JIFF qui est détournée, on ne nous dit rien. Qu'ils arrivent au moins à prendre des décisions de façon collégiale mais comme on sent aucune fraternité... Pour finir là dessus, j'en veux à nos politiques du rugby qui n'ont aucun projet commun et qui nous font croire que demain, tout ira mieux.

Transition toute trouvée pour aborder notre équipe nationale et sa compétitivité sur ce Tournoi des 6 Nations...

J-P.E: Je dis que l'on doit croire, espérer voire rêver. C'est toujours ce que j'ai pensé quand j'étais entraineur. Après, l'analyse sur le jeu de l'équipe de France, sur le projet de jeu, sur qui doit jouer et ne pas jouer, tout cela me semble dérisoire. On revient un peu à nos échanges en amont en disant que notre équipe subit les difficultés du Top 14 avec ce jeu sclérosé pratiqué par notre élite car il faut à tout prix gagner, il ne faut pas descendre, il faut se qualifier dans les six etc etc etc... Ce manque de liberté laissé aux joueurs dans notre championnat, et bien on le retrouve aussi avec les Bleus.

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