Amiel: "Les filles ont réussi une opération séduction"

Avec un peu de recul sur cette Coupe du monde, quel est le sentiment qui prédomine ?

Nathalie AMIEL : Malgré le résultat (élimination en demi-finale face au Canada, 16-18, ndlr), cette compétition restera une vraie réussite médiatique. C’est flatteur. J’étais convaincue que le stade du CNR de Linas-Marcoussis serait plein mais voir Jean-Bouin avec tous ces supporters, c’était impressionnant. Mais peut-être que cet engouement a fini par peser. Ce n’est pas évident de vivre un stade avec une telle ferveur. Les filles étaient un peu tétanisées.

Dans quelle mesure ce soutien fut une motivation pour vos joueuses ?

N.A. : Elles ont surtout réussi une opération séduction en créant du jeu et en surprenant le public. Les gens ont vraiment accroché. La motivation était avant tout basée sur la qualité de notre jeu pour conquérir ce public.

Au delà du résultat, avez vous été satisfaite par le jeu de votre équipe ?

N.A. : Le bilan en terme de projet collectif est positif. Mais avec Christian (Ramos), on savait qu’elles étaient capables d’assumer un jeu offensif. On a su assez rapidement, même si le contenu du premier match n’était pas abouti (victoire avec bonus contre le pays de Galles, 26-0, ndlr), que notre équipe avait le potentiel pour aller loin.

Sur le plan purement sportif, on manque notre Coupe du monde

Cette élimination en demi-finale n’est-elle pas malgré tout un échec ?

N.A. : Il faut le dire : sur le plan purement sportif, on manque notre Coupe du monde. Mais les filles ont gagné tellement de choses à côté… Le résultat passe au second plan. Par rapport aux attentes des médias et de l’engouement, on savait que l’on avait réussi notre Coupe du monde après le troisième match. Et dans quatre ans, tout sera possible…

Cette Coupe du monde vous a-t-elle surpris par la qualité du jeu proposé ?

N.A. : Par rapport au Mondial 2010, tout a changé ! Techniquement et physiquement, les filles ont une préparation très avancée. C’est une récompense de voir que ces efforts se traduisent sur le terrain. Je suis également persuadé que le 7 fait beaucoup de bien au 15. Cette saison, il est d’ailleurs possible que la priorité soit donnée au 7 pour viser une qualification aux Jeux Olympiques (2016).

Il y aura beaucoup moins d’hésitation à envoyer les filles au rugby

Le rugby féminin semble donc en bonne voie pour poursuivre son émancipation…

N.A. : J’en suis persuadée ! Le regard du grand public va complétement changer. Je sens déjà les sollicitations des plus jeunes qui s’interrogent sur notre pratique. Il y a beaucoup de curiosité et l’envie de partager notre approche du rugby. Il y aura beaucoup moins d’hésitation à envoyer les filles au rugby. Il faut s’en féliciter ! 

Est-il possible, dans les dix ans à venir, que les filles deviennent professionnelles en signant un contrat avec la Fédération comme en Angleterre ?

N.A. : Je ne suis pas certaine que les filles soient intéressées par un contrat pro. Elles ont toujours en tête leur avenir. Un contrat de semi-professionnelle, comme le propose le rugby à 7, leur conviendrait certainement mieux. Cela dégagerait du temps pour leur entraînement. Mais elles n’ont jamais revendiqué un statut de professionnelle. On n’est pas du tout dans le même état d’esprit que les Anglaises. La reconnaissance des joueuses françaises est portée par la passion du public.