La chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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Retrouvez chaque mercredi "Les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du FC Auch-Gers.

Jeudi 08 Mars 2007 :

La Route vers le Nord ; 12ème mort sur les voies du Gers ! Entre Auch et Lectoure, vous ne pouvez pas dépasser un camion sans risquer votre vie ! Pourtant, en haut de Sainte Mère, vous vous croyez au Paradis !

Rencontre avec le futur possible co-entraîneur. Il revient d'une réunion parents d'élèves/professeurs et quelques reproches lui ont été formulés sur le travail de son fils. Il ne pourra jamais connaître autant de difficultés que les miennes quand j'étais, à la fois, enseignant et père. P.B... avait des résultats scolaires convenables mais vous l'avez peut-être rencontré sur les stades, harcelant les arbitres, provoquant les adversaires, "branchant" le public et poussant à bout ses propres entraîneurs. Alors, imaginez-le, entre douze et quinze ans, dans une classe de quinze mètres de côté au Collège de Samatan. Je vous ai dit que j'aimais bien retrouver mes collègues dans la salle des professeurs lors de récréations. Avec ce mécréant, j'ai souvent du éviter ces rencontres car les reproches pleuvaient : "Ton fils... pénible...impossible... insupportable... à la porte... chez la patronne... chez la surgé...".

Sautons sur les conseils de classe où je me cachais sous la table, j'en souris (un peu) aujourd'hui en le voyant mari, père, entraîneur, presque enseignant !

Rendez-vous chez le Directeur Général du futur ? Club : discussions sur le stage de début de saison ; l'an passé, style de management moderne des employés Top des entreprises IN : varappe, rafting, opération survie ! Excellent paraît-il pour se frotter aux avants Albigeois et aux "up-and-under" de Montauban !

La saison prochaine il est question d'Argentine et d'Afrique du Sud : huit jours dans la Pampa ou dans le désert de Kalahari ! Ils ne me connaissent vraiment pas : qu'ils me parlent de Brouage et de Marie Mancini, de l'Aubrac et de ces pèlerins de St Jacques, de Marveloges et des Huguenots, des Templiers de la Couvertoirade, des Maquisards du Plateau des Glières, de Louison Bobet dans le Tourmalet... La France est si belle et ils sont si peu ceux qui la connaissent !

Vendredi 09 Mars :

Ultime entraînement avant la réception de l' US Dax ; nous craignons beaucoup les Landais et leur jeu de mouvement : les images du dernier match, à Béziers, nous incitent à l'extrême prudence. De notre côté, nous pansons les plaies toulonnaises ; là-aussi, la vidéo a démontré la belle générosité de mes joueurs face aux déferlantes du Club de Mayol. Cette saison, on pourra critiquer les restrictions de notre jeu mais personne ne pourra nous attaquer sur le plan du courage et de la solidarité. A mes joueurs, je tiens un discours qu'ils connaissent, certains, par coeur : le clan des Lombéziens est avec moi depuis plus de dix ans !

C'est lors d'un stage Premier Degré FFR, en 1970, qu'un psychologue (nous étions à la mode sans le savoir) nous avait expliqué sa conception de l'EQUIPE. Pour lui, c'est un groupe d'hommes, un groupe restreint qui se trouve devant un fleuve dangereux à traverser et infesté de crocodiles. Ce groupe décide de construire un pont pour gagner l'autre rive. Un entraîneur doit chercher à savoir quelle est la motivation de chacun des membres : l'un veut retrouver sa copine, l'autre c'est par goût de l'aventure, un tel est à la recherche d'un trésor, un autre c'est parce qu'il aime tout simplement bâtir c'est-à-dire jouer... j'ai demandé à mes joueurs de continuer la construction de notre PONT ; après, quand nous serons sur l'autre rive, certains décideront de poursuivre la route ensemble, d'autres prendront d'autres chemins mais tous auront participé à la confection de l'oeuvre.

Samedi 10 Mars :

Le Capitaine RB est incertain ; il est avec moi depuis 1994 ; je l'avais remarqué lors d'un lever de rideau entre deux équipes Cadettes de la banlieue Toulousaine et j'avais demandé à mon ami du LSC, AL, un excellent recruteur, de contacter ce numéro 12 solide et percutant. AL relève le nom sur la feuille de match, trouve l'adresse et rencontre, quelques jours plus tard, un malingre qui avait stoppé le rugby depuis plusieurs mois. Notre RB était licencié dans un autre club et avait joué sous fausse licence !

Avec moi, il a débuté à 16 ans et demi on avait le droit à l'époque en Equipe Première du LSC, en Fédérale II, contre Vic en Bigorre. De ce match, je m'en souviens comme s'il avait eu lieu hier ! Certains me reprochent les privilèges que je lui accorde ; j'ai une confiance absolue en lui !

RB, après l'échauffement, ne peut tenir sa place ; JS, lui aussi ex-LSC, avec moi depuis 1997, va porter le numéro 11 même s'il opèrera au centre : je lui avais reproché sa "tristesse" avant d'affronter Toulon le samedi précédent ; il m'avait répliqué qu'il s'agissait d'une façon de se concentrer mise en place avec l'accord de mon ami, YN, le psychologue actuel du Club ! Bien sûr je ne cautionne pas cette attitude : il faut être enthousiaste et communiquer cet enthousiasme autour de soi !

Après le match, les époux ST M, comme d'habitude, m'attendent pour faire le tour de la piste d'athlétisme avant de gagner "la cuisine de Momo". Si je pars, je mesure le chagrin que je vais leur causer !

Je les ai connus au printemps 2000, lors d'une victoire à Grenoble qui assurait le maintien ; ils étaient quatre supporters auscitains à s'être déplacés ; ils n'étaient que tous les deux à faire le voyage à Oyonnax, il y a trois semaines, alors que le match était télévisé sur France 3. Leur Ami, GB, avec un clin d'oeil, m'a soufflé : "Il fallait qu'ils y aillent... ils n'ont pas la télé chez eux !".

Dimanche 11 Mars

Je n'irai pas rejoindre les amis du "Dimanche matin" pour notre "toucher" hebdomadaire ; nous sommes une vingtaine, entre vingt et soixante-dix ans, à courir derrière l'ovale, Rive Droite, entre 10 et 12 heures ; un rendez-vous incontournable autour d'Elie, de Gégé, de Pépé, de Sébast... Parfois, des joueurs de la Première nous y rejoignent. Aujourd'hui, j'ai voulu aller à la rencontre d'un ami pour écouter son conseil. Depuis la colline qui domine la route de Pessan, vers le Nord, vous apercevez le village accroché à son promontoire jusqu'à Montaut les Créneaux et au-delà ; au Sud, les Pyrénées incontournables et, au Couchant, Auch qui paresse autour de sa Cathédrale, la plus belle du monde : j'aime cette Cathédrale, j'aime la contempler les soirs de victoire et, avant de rentrer chez moi, je ne manque jamais de passer devant Elle, avant de plonger dans les Pousterles. Chaque fois je songe au Pont que bâtit une équipe et je me dis que pour Elle, ça devait être une sacrée équipe.

Il y a un mois, cet ami était hostile à mon départ ; maintenant, il ne veut plus user de son influence qu'il sait pourtant déterminante. Il se contentera d'une citation : "Il ne voulait plus vivre sa vie, il voulait vivre ses rêves".

Lundi 12 Mars

Gruissan, son étang, ses flamants, ses cormorans... ce havre de paix... On peut donc être heureux ailleurs que dans le Gers ? J'aime la modeste plage du Grazel, celle plus vaste des Chalets et surtout le vieux Village groupé au pied de la Tour Barbe Rousse. Ma fête consiste à me rendre, en vélo, jusqu'à Port La Nouvelle, sur ce chemin de terre tracé entre les étangs de l'Aytolle et celui de Sigean. J'apprécie aussi la compagnie de ce vieux marin qui m'a déclamé, un soir d'été, l'Albatros, à la terrasse d'un café ; prolixe, il me raconte les mers de Chine et du Japon et j'ai plaisir à l'écouter, moi qui n'ai guère dépassé la Garonne... Parfois je le soupçonne de n'avoir navigué que sur sa barque de pêcheur, sur l'étang de Gruissan, mais ses histoires sont si belles et il y croit tellement !

Gruissan c'est aussi la Ville du Petit Prince, D. Codorniou, premier magistrat de la cité. Sa ville lui ressemble, douce, harmonieuse comme une passe sur un pas.

Sur MO, interview de Ph M, Président du Conseil Général du Gers : propos très durs, violents, insupportables... m'ont-ils fait basculer ? Cet homme avec qui j'ai partagé neuf ans de combat presque quotidien, l'ai-je à ce point déçu en passant de l'autre côté du miroir ?

Mardi 13 Mars

Toujours Gruissan et lecture du plus grand quotidien Gersois, "lynchage médiatique"...

Heureusement que nous sommes en 2007 ; en septembre 1944, j'aurais fini pendu par les pieds.

Heureusement, mes amis sont là, fidèles, solides, des rocs... je suis très fier de ne pas m'être trompé sur aucun d'entre eux ; jeudi, j'irais visiter l'Abbaye de Flaran !

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