La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique de Pierre Villepreux, ancien entraîneur de l'équipe de France. Il commente l'actualité rugbystique de ces derniers jours, marquée par le match qui aura lieu ce soir opposant la France à l'Afrique du Sud.

Très honnêtement, je ne sais pas si le résultat des français contre les champions du monde sera favorable ou pas. Mais se posait déjà la question, implique qu’il y a un peu de place pour le faire. Faut-il encore que tous les acteurs en soient conscients. De leur implication, de leur engagement naîtra une dynamique qui permettra de "booster" la performance collective de l’équipe dans cette première rencontre. Ce préalable ne doit pas se démentir, quelle que soit la stratégie de jeu choisie. Individuellement, chacun des Tricolores a un potentiel qui n’est pas à sous-estimer et n’a rien à envier à ses "champions d’adversaires", quelles que soient la forme ou les formes que sera amené à prendre le jeu pendant les quatre-vingt minutes toulousaines .

Parler de résultats dans ce premier match, me semble t-il, doit être recadré avec la performance globale que l’on est en droit d’attendre des Tricolores sur les trois matchs de novembre avec l’espoir que la plus accomplie sera mise en œuvre lors de la troisième rencontre contre les All Blacks. La progression d’un groupe doit logiquement être visible dans le cadre de la période de préparation permise aux Tricolores. La continuité entraînement-compétition-entraînement… permet et favorise cette évolution. La chronologie des matchs est en ce sens tout autant intéressante du fait de la diversité des rugby proposés et des forces et faiblesses présumées :

- Afrique du Sud, le plus lourd au départ.

- Samoa, le plus accessible pour conforter ses ambitions.

- All Blacks, le plus incitant.

Si tous les ingrédients sont présents, cette progression devrait être visible et je ne vois pas pourquoi il n’en serait pas ainsi. L’analyse de ce premier match et du premier résultat devrait consolider le travail entrepris vers le jeu souhaité et réinvestissable dans les matchs successifs et à terme dans les autres préparations et compétitions qui se dérouleront jusqu’à 2011, objectif final pour ce groupe France. Soit dit en passant, ce groupe ne devrait pas maintenant subir de modifications chaotiques qui seraient inadaptées pour maintenir motivation, confiance et plaisir.

Mais voilà dans ce contexte, ce premier match revêt un maximum d’importance, et il devient forcément un match à risque. Les joueurs quand le premier match se "passe bien", "sentent" ce climat favorable qui soude un groupe sur le jeu et qui cimente les relations entraîneurs – joueurs et joueurs – joueurs. Quand ils se passe mal, le système relationnel y perd en solidité. Ce climat constitue un préalable important pour construire les objectifs qui sont liés au jeu et aux valeurs utiles pour le mettre en œuvre.

L’interrogation dans ce match réside dans la manière que vont choisir les français pour se confronter au jeu rude, pragmatique, sans concession dans le combat des Boks. Ceux-ci savent si bien ne pas prendre le jeu à leur compte, laisser les opposants le faire pour mieux les faire déjouer, utiliser les opportunités accordées, pour développer des actions dans lesquelles s’exprime d’autant mieux leur puissance physique qu’elle est majorée par la confiance générée, grâce à ce type de jeu, par les succès antérieurs et non des moindres. Un jeu qui permet de placer leurs individualités et leur buteur en position de marquer, de prendre le score forçant ainsi l’opposition dans l’obligation de n’avoir plus d’autre alternance tactique possible que le jeu à la main.

Les Tricolores peuvent-ils faire le seul pari de choisir de les affronter sur les mêmes bases ?

Un échec avec cette option ne manquerait pas de créer des dissensions sur le jeu français, son identité, sur le projet de jeu du staff.

Est-ce un vrai risque que d’oser les provoquer, bien sûr, pas n’importe où, ni n’importe comment ? Je crois que ce serait une erreur de ne pas le faire. Il y a des failles dans la distribution défensive des Sud-Africains, les Lions lors de la tournée d’été les ont identifiées. Entre autres :

- la densité et l’organisation du premier rideau défensif quand ils rendent le ballon par du jeu au pied est loin d’être parfaite (répartition inégale et désordonnée entre joueurs censés intervenir dans le premier rideau et ceux plutôt nombreux dans le plan profond en attente du coup de pied d’occupation présumé des adversaires), le premier rideau est donc attaquable à condition de le faire sur le premier ballon botté et ne pas accepter le "ping-pong rugby" que ce type de situation en général génère. Celle-ci leur permet au premier rideau de se réorganiser plus efficacement.

- l’exploitation des situations "d’avancée" où il convient en cas de plaquage, de libérer rapidement le ballon avec enchaînement immédiat. L’intelligence nécessaire dans l’action de replacement n’est pas au top coté sud-africain . Il se crée des espaces où le jeu de main est particulièrement favorable surtout si les prises de balles des utilisateurs se font "à plat", intensifiant ainsi le processus de déséquilibre.

Je ne crois pas les champions du monde invincibles. Les Lions encore une fois les ont destabilisé quand ils ont choisi de les provoquer avec le choix d’un rugby où les joueurs ne manquaient pas de prendre des responsabilités dans le cadre d’une liberté d’initiative qu’il convient de donner aux joueurs. Mais il me semble bien que c’est cet état d’esprit qui est développé par le staff technique.

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