Voyage au coeur du Gers

Par Rugbyrama
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Dans sa chronique, le manager agenais Henry Broncan raconte avec émotion son retour au Moulias, qu'il n'avait pas retrouvé depuis son départ du FCAG il y a deux ans.

Paul au volant sans l'autoroute, c'est la crainte d'être forfait au Moulias pour cause de retard d'autant que les automobilistes gersois que le car bleu rattrape facilement sont rarement stressés et profitent du soleil de janvier pour lézarder sur la Nationale 21 où il est impossible de doubler sur toute la distance qui sépare Agen et Auch.

A Sainte-Mère, les gendarmes 32 accueillent les voitures 47. Heureusement pour nous, c'est le car des supporters parti devant qui fait l'objet d'un contrôle sinon l'ouvreur auscitain allait taper le coup d'envoi sans personne devant lui… Si nous avions dû jouer à Lombez, j'aurais soupçonné les forces de l'ordre d'une complicité avec les pitchouns de René Daubriac pour nous retarder volontairement avant la rencontre.

A Plieux, regard vain vers le gite de Pierre Gardeil dont je viens de lire, après "Le feu sans lieu", "Le levain du village", Kephas, décembre 2008. Un retour vers l'enfance, quelques petites années avant la mienne et, parmi les 28 chapitres, un bien beau récit du match amical joué à l'automne 45 entre le SUA et l'Aviron Bayonnais, vu par des yeux émerveillés de 13 ans. D'un côté, Ferrasse, Basquet et Pomathios, de l'autre, Alvarez, Junqua et Dauger ; un joli quiproquo sur l'identité de l'ouvreur basque formé comme tant d'autres à Tyrosse puis un retour musclé pour une absence injustifiée aux vêpres. Préface de Michel Serres avec qui, à Colombes, j'ai eu l'honneur de m'entretenir un instant dimanche dernier : Là aussi, des yeux lumineux d'enthousiasme sous un superbe béret rouge et un charisme incroyable. Pensée aussi pour le troisième ligne Michaël Eymar qui a dû quitter ce matin la ferme de Plieux pour rejoindre ses copains du FCAG afin de préparer le match de ce soir.

A Lectoure, en passant devant le stade, Michel Blancuzzi me souffle : "Je crois qu'ils n'ont pas gagné un match cette saison !" Souvenir de Robert Castaing, mon professeur d'histoire du lycée de Mirande, pour beaucoup dans ma vocation professionnelle, longtemps Maire de la cité au Bastion. Demain, Gimont et Gilles Taché seront les invités de l'U.S.L. Ce sera bien difficile pour elle.

Dans la seule longue ligne droite du voyage, Paul se montre incapable de doubler une voiture électrique provoquant l'ire de Gilou, le co-pilote. Si Caucau n'est pas plus dégourdi ce soir, adieu les essais !

A Fleurance, nous sommes à la ligne de démarcation entre les supporters d'Auch et d'Agen. D'un côté Jean Pallas, sang bleu depuis l'âge de 12 ans, ancien président de l'ASF, grand résistant, de l'autre, Jean-Claude Ravissat, coeur rouge, longtemps mon complice au FCAG et mon fournisseur de ces petits cartons dont je ne peux me passer.

A Montestruc, et son dos d'âne dévastateur, un clin d'oeil à l'équipe de rugby toujours en lice malgré la population restreinte.

A Casteljaloux – le notre, pas celui du Conseiller Général Guénin, père de notre ouvreur prometteur des Espoirs – attention aux 50 km/h et Paul en profite pour ralentir ce qui permet à un modeste joggeur de nous dépasser. Au coin de la rue, c'est là que Christophe Dalgalarrondo garait sa 2CV de collection, lorsque nous filions vers le Nord.

Le rond-point de Preignan est franchi après moult ralentissements. Arnaud Mignardi a fait ses premiers pas sur les hauteurs de la commune. Passage devant l'aérodrome de Lamothe ; des footballeurs s'agitent sur le terrain synthétique. Nous voilà enfin dans la capitale de la Gascogne ; la rue Albert Schweitzer avec l' immeuble où j'ai vécu pendant 8 ans, succédant à l'immense François de Forville : une partie d'Auch encore plus tranquille que la rue Lavoisier à Agen, avec le parc de Couloumé de l'autre côté de la route, mais sans ma voisine. Au rythme où Paul déplace le bus, j'ai le temps de revoir ma chère boulangère présenter ses baguettes et les clients du Mac Do avaler leur Chicken Mac Nuggets. Un salut à la demeure du Docteur Estingoy, un ami, mais surtout un attachement indéfectible au FCAG ; je rappelle à Christian le carton rouge lors du match retour disputé sur Armandie en 2005. L'arbitre s'appellait déjà Didier Mené et c'est lui que nous retrouvons ce soir. A la patte d'oie, Paul ne comprend pas qu'ici, c'est la droite qui est prioritaire. Le temps de lui expliquer, et nous perdons 5' supplémentaires. Belle foule, rue d'Alsace et du monde à la terrasse du Massena. On franchit le Gers bien calme, bien calibré : les marcheurs déambulent le long des Allées Claude Desbons. Passage devant l'ancien lycée des jeunes filles où j'ai subi mes deux bacs : je me souviens que lors de l'un d'entre eux, un rat avait circulé dans nos rangs provoquant quelques émois parmi la gent féminine. De nos jours, on annulerait l'épreuve ! L'escalier Monumental semble connaître les mêmes difficultés financières que le FCAG mais D'Artagnan toujours sur son 31 (ou 32 ?) garde fièrement l'étage supérieur. Au feu orange, Paul ne prend aucun risque : on attendra patiemment 2' de plus ! Nous voilà enfin route de Tarbes. Un salut au Bar Le 12, mon ancien quartier général ainsi que pour mon ex-marchand de journaux. Nous voilà enfin au Moulias ! Souhaitons mettre moins de temps pour nous rendre à Oyonnax !

Christophe et Alex partis en voiture un quart d'heure avant nous, nous ont précédés d'une poignée de secondes. Satisfaction chez Paul et questionnement de ma part :

- "Par où êtes-vous passés ?

- A l'entrée de la ville, nous avons pris Centre Historique !"

- Je comprends : direction le Leclerc embouteillé et cher au nouveau Président du FCAG, les "gendarmes couchés" de la rive gauche, la montée vers la cathédrale, les aléas de la circulation Place de l'Hôtel de Ville, l'âpre descente par les Pousterles etc... Réflexion pleine de bon sens d'Alex : "Mais il n'y a aucun panneau indiquant le Moulias !"

C'est vrai que Jacques-Fouroux a fait peau neuve même si le vestiaire des visiteurs n'a pas évolué. Les employés municipaux n'ont pas changé non plus et le service de sécurité est le même qu'au SUA. Petit tour sur la pelouse : la même ! Pas d'adversaire à l'horizon : ils sont déjà cloîtrés. J'adresse une réprimande à Didier Mené parce qu'il n'apparaît qu'une heure avant le coup d'envoi. Pour le futur responsable national ! Nous plaisantons allègrement. Avec lui, j'ai perdu plus souvent que je n'ai gagné mais un courant de sympathie a toujours existé entre nous deux. Christian m'apprend la défaite du Stade toulousain contre Glasgow. Il y a trois semaines, on les prenait pour "l'invincible armada". Eternel rugby, celui des faux rebonds, des chutes d'enthousiasme, des excès de confiance, des matchs gagnés avant de les jouer !

Au rendez-vous des capitaines, j'accompagne Adri Badenhorst. Stéphan St-Lary est en retard et j'en fais part à l'arbitre. Décidément, personne n'est à l'heure aujourd'hui : Paul, le car, le référée, le capitaine adverse.

Pendant l'échauffement, je LE repère, bronzé par son séjour cubain, encadré par sa garde rapprochée, les derniers fidèles. Le matin, un de ses amis m'avait confié : "J'espère qu'IL ne viendra pas au match ; ils vont l'agresser". Mais je savais qu'Il n'était pas du genre à se défiler. Nous allons nous donner l'accolade dans le coin le plus sombre de la piste d'athlétisme et j'ai revu dans un éclair les deux titres nationaux, le Bouclier européen, nos délires des bouts de la nuit, nos rêves de construire un club professionnel fort, craint, notre divorce parce qu'autour de nous, à part Philippe, il y avait trop d'immobilisme, de pessimisme, de pisse-vinaigre.

Le FCAG souffre dans les airs : prises impeccables des sauteurs agenais qui se multiplient contre le seul St-Lary. Idem sur les renvois. Pareil sur les up and under. Sur une chandelle de Cortes, Caucau, déjà à l'origine de nos neuf premiers points – plaqué en l'air, plaqué à retardement et plaqué trop haut – récupère un ballon chaud en hissant haut ses 115 kgs, retrouve ex-abrupto le sol et relance l'allure ; quatre "rouges" l'effleurent et quand le dernier l'arrête, le ballon est déjà dans les mains de Romain Edmond-Samuel. L'arrière connaît la pelouse du Moulias, feinte de passe devant Frédéric, son meilleur ami, et le voilà dans un en-but qui était le sien l'an dernier, à deux pas des supporters du SUA qui agitent leurs drapeaux.

Tout au long de la seconde mi-temps, les Auscitains vont courir après l'exploit de la vedette fidjienne. Des constructions intéressantes mais peut-être trop sur le large, copie de l'ASM, un peu loin de la culture de l'axe de l'entraîneur précédent ; l'absence aussi d'un franchisseur du niveau de Fonua et d'un pied long comme celui de Sola. Fred irréprochable leur manque le bonus défensif. J'ai apprécié la tenue de mes petits : Nathan Thierry généreux, Pierre Aguillon hargneux, Mickaël Eymard infatigable, Alexandre Barozzi niveau supérieur, Christophe Clarac ingénieux, Vincent Cortes offensif, Vincent Campo combatif, de vrais gersois de Marciac, Montréal, Plieux, Marciac, Cazaux d'Angles, Lombez et de la route de Pessan. Et les anciens Bortolussi, Menkarska, St-Lary, Couzier sont toujours là. Je n'ai pu supporter leur défaite et les cris de joie des miens. Quel qu'ait été le vainqueur, je savais que je serai dans le camp des vaincus. J'ai filé comme un voleur pour rentrer très vite sur Lavoisier.

Un texto de Philippe : "Je t'attends avec Denis Tillinac, au Darolles ; il aimerait te rencontrer. " Un autre de Laurent : "Fier d'être Agenais."

Au nord d'Astaffort, le brouillard recouvrait la Garonne. J'avais retrouvé ma ville.

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