Parce que Fadas

Par Rugbyrama
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Dans sa chronique, le Niçois Rodolphe Rolland rend hommage cette semaine aux supporters toulonnais, "les Fadas du RCT".

On voudrait nous faire croire que le monde est bipolaire, que le Bien lutte perpétuellement contre le Mal, que la gauche est la seule alternative possible à la droite, que l'on est soit pro-palestinien soit pro-israélien et que l'avenir est au choc culturel Islam-Chrétienté puisqu'entre autres inepties, "le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas". Vision simpliste bien commode, la réalité obéissant à un QCM à deux solutions ! Or nous maintenir dans l'état d'ignorance, c'est choisir à notre place. Il n'est certes pas facile dans la jungle des mass-média de se forger sa propre opinion, noyé qu'on est par tant de vérités, de contrevérités, de scoops hasardeux tissés dans cette toile complexe qu'est l'Internet. L'Internet où la moindre rumeur fait office de fait avéré, où certains colporteurs de ragots n'ont d'autre but malintentionné que de faire de l'audience au mépris de l'exactitude. Fabriquer l'information qu'on appelle ça !

L'anecdote de 'l'affaire des Roncero enc..." par exemple, relayée puis ultra médiatisée parce que retransmise sur Canal+ à une heure de grande écoute, aura suggéré aux téléspectateurs français que le public toulonnais était massivement égrillard et malséant. Et alors, n'avons-nous jamais été la cible, nous anciens joueurs agonis du bord de la touche, des bordées d'injures, des quolibets occultes, des sobriquets gaillards que les initiés du rugby de clocher – dont on vante nostalgiquement les vertus aujourd'hui – réservaient aux visiteurs ? C'était avant, avant que le rugby ne s'achète cette réputation infaillible du politiquement correct, avant la télé, avant le direct, dans "l'intimité primitive" des stades du siècle dernier, avec la complaisance de tous car sans témoin hertzien ! Attention, j'en conviens, le rugby doit rester exemplaire, un espace de respect et de tolérance, un terrain au service de la socialisation, néanmoins peut-on vilipender tel acte alors que parallèlement, les parents, la télé, déversent en discontinu grossièretés et injures, alors qu'au plus haut on s'autorise un stupéfiant "Casse-toi pauv'con !" ?

Ce faisant, devant l'ampleur de l'émotion provoquée par cette déflagration et la pression médiatique qui s'en suivit, l'association des Fadas du RC Toulon faisant amende honorable se sentit dans l'obligation, par voie de presse, de condamner publiquement insultes et injures histoire de conjurer l'amalgame crée ainsi de toutes pièces. Les Fadas, "ultras" coupables de débordements passionnés ? Les clichés ont la vie dure. Naviguant au-delà de l'image de neuneus décérébrés qui hélas foisonne, l'association des Fadas du RCT vient de fêter ses dix années d'existence et de soutien à son club à domicile comme à l'extérieur. Volontiers frondeuse quant les tarifs des abonnements augmentèrent anormalement en début de saison, l'association supportrice n'en demeure pas moins l'un des bastions principaux de l'âme toulonnaise avec comme soucis la volonté de "véhiculer une image festive du supporter toulonnais et également de tisser des liens avec les autres associations de France" comme me l'a confié son président Stephen Jadin :

"Une à deux semaines avant le match, on envoie un mail aux supporters de l'équipe adverse, puis le matin du match on les prend en charge à notre siège social La Banane, petit déjeuner, apéritif, repas et départ au stade. Après le match, place à la troisième mi-temps supporters des deux camps mêlés, avec échange d'écharpes aux couleurs des clubs."

Loin de la réputation sulfureuse qu'on aimerait leur coller, nos Fadas s'inscrivent confraternellement dans la tradition des copains d'abord de Brassens, celle qui "fluctuat nec mergitur" comme le chantait le troubadour gaulois. C'est d'ailleurs cet état d'esprit qu'on retrouve sur leur forum, lieu d'échanges où la divergence des points de vue n'exclut pas toutefois la courtoisie et le respect d'autrui.

Actuellement, Toulon pointe à la dernière place du Top14, cette position provisoire – le championnat n'étant pas encore achevé – synonyme de descente en Pro D2 pourrait les plonger dans l'amertume. Pourtant, il n'en est rien, ni les difficultés du club, ni les propos malveillants se multipliant ces derniers temps sur le forum de la Raille et qui ont contraint Stephen Jadin à une fermeture temporaire, n'ont réussi à ternir l'optimisme des Fadas du RCT. Le blues, ce n'est pas leur tasse de thé, pas question d'entendre le fado des Fadas et ce, même si d'après Stan Getz, l'extraordinaire saxophoniste de jazz, "il y a plus de beauté dans la mélancolie que dans la joie". Le 30 janvier prochain, c'est Mont-de-Marsan au Mayol, l'association est confiante. A Brive, le RCT leur a donné des raisons de croire en un avenir meilleur, et ma foi en bons fadas qu'ils sont, ils y croient.

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