La mêlée est-elle arbitrable?

Par Rugbyrama
Publié le
Partager :

Cette semaine, notre chroniqueur Pierre Villepreux expose des solutions pour que les phases de mêlées soient plus simples à arbitrer. Pour lui, il faut remplacer les arbitres de touche par des arbitres assistants.

Une discussion à bâtons rompus avec Michel Lamoulie (superviseur des arbitres à l"IRB), nous a amenés à discuter de l"arbitrage actuel. Michel en vient à évoquer les difficultés rencontrées par les arbitres pour régir la mêlée. Il connaît mon penchant pour le jeu de mouvement, mais il sait également que je ne néglige pas cette phase de jeu particulièrement intéressante pour lancer le jeu favorablement quand son déroulement est clair. Je lui rappelais justement que les membres de la commission des règles à l"IRB, dans toutes les expérimentations réalisées dans le monde, ont toujours été très attentifs pour préserver cette phase essentielle et toujours un peu mythique du jeu.

Il me fait remarquer que de nombreux matchs internationaux ont mis et mettent en évidence les difficultés qu'éprouvent les arbitres pour faire jouer les mêlées dans le respect des règles édictées pour cette phase. Ce constat peut facilement être illustré par quelques récentes rencontres: Australie-Nouvelle Zélande jouée à Hong Kong, France-Argentine, Ecosse-Nouvelle Zélande… mais aussi, dans notre championnat domestique.

En refaisant l'histoire, il y a un siècle, la mêlée était la raison d'être du jeu de rugby. A l'origine, c'était une immense machine collective qui visait à transporter le ballon vers le camp ennemi et donnait à l'équipe dominante l'opportunité de pouvoir tirer au but et marquer des points. Il s'agissait en fait d'un immense dribbling collectif qui permettait d'enfoncer la défense adverse et de conserver le ballon le plus longtemps possible. Les mêlées pouvaient durer jusqu'à 20 minutes. Le combat pour avancer dans cette seule forme de jeu collective générait des comportements violents qui se sont atténués en 1874 avec l'apparition de la règle du tenu et du hors-jeu. Le ballon va davantage circuler à la main vers l'arrière. Ce mouvement des joueurs et du ballon va entraîner une autre distribution des joueurs dans le champ de jeu. L'énorme mêlée compacte va perdre du volume puisque les joueurs seront obligés d'occuper plus les espaces latéraux pour faire face au jeu de passe et course qui se développait là où il y avait de la place.

En fait la mêlée évoquée qui ne réglementait pas le nombre de joueurs était une mêlée ouverte c'est aussi pour cela que ce nombre au fil du temps n'a jamais été limité. Ce n'est que par la suite que le législateur a introduit la mêlée fermée (appelée maintenant mêlée ordonnée) afin de reprendre le jeu quand l'arbitre l'arrête.

L'existence de la mêlée doit être défendue, elle est l'origine de notre jeu. Sur 10 m², elle regroupe 18 joueurs ouvrant ainsi des espaces pour autoriser le jeu et sa continuité. Elle est une formidable rampe de lancement de jeu. La règle actuelle des 5m, pour ceux qui ne participent pas à la mêlée, permet d'enrichir les options de jeu des attaquants et facilite la continuité.

Mais revenons au constat de Michel. Pourquoi tant de difficultés arbitrales?

- La mêlée est une machine légiférée pour gagner le ballon au talonnage et à la poussée. Pendant longtemps cette conquête était assurée par le talonnage, puis plus tard par le talonnage et la poussée. Aujourd"hui, le talonnage a été remplacé par l"introduction illicite et la poussée.

- Dans la règle, la mêlée commence quand le ballon quitte les mains du joueur introduisant le ballon. Les joueurs de première ligne accordent une importance majeure à l'engagement. Pour les "grands spécialistes", il n'y a pas de bonne mêlée sans bon engagement. Elle se gagne à l'engagement.

- La poussée est collective mais la majorité des tricheries sont individuelles.

La mêlée est devenue une phase de combat pour la conquête.

L"évaluation de la solidité d"une équipe en mêlée n"est plus jugée par la faculté de son collectif à gagner le ballon mais par la qualité de ses conquêtes et /ou par la capacité à rendre mauvaises les conquêtes adverses.

Que doit surveiller l"arbitre doté de deux yeux humains et non des yeux à facettes de la mouche (c"est dommage !)?

1. Les séquences d'engagement
2. Les liaisons de 16 joueurs
3. Les axes de poussée
4. L'introduction du ballon, puis après...
5. La liaison des troisièmes lignes
6. La non-utilisation des mains pour talonner
7. L'action des demis de mêlée
8. Le respect des lignes de hors-jeu par les lignes arrières qui cette saison ont été reculées de 5 mètres (amplifiant ainsi les distances entre les joueurs à surveiller...)

Les quatre dernières surveillances doivent être réalisées simultanément. Est-ce possible pour un HOMME?

Propositions pour améliorer la gestion arbitrale de la mêlée au haut niveau, avec des moyens de communications efficaces, en conservant la règle actuelle.

Les juges de touche n"existent plus (dans le vocabulaire non innocent...) on les appelle arbitres assistants. Ayant ci-dessus exposé l"impossibilité pour un seul homme d"arbitrer une phase aussi complexe, il serait judicieux d"élaborer un protocole afin de déterminer les rôles de l"arbitre et des arbitres assistants lors du déroulement d"une mêlée. Si les juges de touche sont devenus des arbitres assistants, cela signifie qu"ils peuvent avoir le rôle d"arbitre

=> Nécessité d'élaborer un protocole.

Protocole souhaitable en mêlée :

L"arbitre resterait dans la zone délimitée par les lignes des 15 mètres et se trouverait très souvent avec le joueur introduisant le ballon (ce qui n"est pas le cas actuellement où l"arbitre, dans certains matchs, se trouve à 98% positionné côté opposé au joueur introduisant le ballon)

Que fera l'assistant arbitre?

- En adoptant un positionnement dans la zone 15 m- ligne de touche, l'assistant arbitre, à l'aide du moyen de communication, signalera à l'arbitre toutes les fautes concernant la mêlée et ne relevant pas de la Règle 10 (Jeu déloyal).

- L'assistant le plus proche de la mêlée surveillera les ¾ attaquants et signalera le cas échéant leur positionnement illégal. L'assistant le plus loin de la mêlée gèrera les ¾ de l'équipe défendante et signalera le cas échéant leur positionnement illégal.

- A l'aide du drapeau, en le tendant, l'assistant arbitre signalera les fautes relevant de la Règle 10 : effondrement délibéré, soulevé délibérément ou faire sortir un adversaire de la mêlée ordonnée.

Pour tous les autres niveaux de la pratique

C"est surtout à ces niveaux que la dangerosité de la mêlée est malheureusement mise en évidence. Cette dangerosité est surtout réelle à l"engagement. A tous les niveaux, la force d"une mêlée est démontrée par la qualité de ses conquêtes, ainsi que par sa faculté à défendre en poussant sur conquête adverse. Il ne faut donc pas interdire à une équipe de pousser, il faut limiter les risques de l"engagement ainsi que les risques d"une poussée prolongée.

Que pourrions-nous faire :

- L'engagement se fait sur le mode de la mêlée simulée : on se pose.- Quand la mêlée est stable, l'arbitre ordonne l'introduction.- La mêlée commence quand le ballon touche le sol.- Au moment où le ballon touche le sol la poussée commence.- Limiter la poussée à 1m50.

La mêlée ne fait pas partie des règles fondamentales du rugby. Elle est cependant une des images forte du jeu. Elle le caractérise et en font sa spécificité. Il n"est donc pas question par ces propositions de la dénaturer.

Ces quatre modifications devraient permettre à un arbitre, même seul, de manager le mieux possible et dans les meilleures conditions cette phase. Créer ces bonnes conditions pour les arbitres participent non seulement à améliorer le spectacle mais visent aussi à assurer la sécurité des pratiquants.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?