La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Dans sa chronique hebdomadaire, Pierre Villepreux revient sur la victoire de Clermont à Toulouse dimanche pour la 18e journée du Top 14. Technicien amoureux du jeu, l'ancien entraîneur du XV de France a beaucoup apprécié la copie rendue par les deux équipes.

Il faisait froid au stadium de Toulouse, le terrain pas terrible, le ballon glissant, la victoire importante même si à des degrés divers selon que l’on était de Toulouse ou Montferrand. Tous les ingrédients pour jouer sécuritaire et cadenassé étaient présents. Rien de tout cela, nous avons eu un excellent match de rugby comme on aimerait en voir plus souvent, celui de deux équipes qui ne refusent pas le jeu, au contraire le provoquent, avec des joueurs qui prennent des initiatives quand elles se présentent et osent en prendre même quand le risque est présent. Le jeu de l’un devient, pourrait–on dire par mimétisme en terme d’intentions, le jeu de l’autre.

Dire que tout fut parfait, non. C’est tellement logique quand deux équipes osent et entreprennent que le volume de jeu produit entraîne des erreurs qui viennent nourrir mutuellement le jeu des antagonistes.

Cette envie de produire, on l’a trouvée dans les phases de lancement mais encore et plus significativement dans les nombreux turn over qui ont tous été (ou presque) utilisés pour des relances.

On eut le plaisir d’apprécier en particulier quelques séquence type échange ping-pong- pas celle que l’on a habituellement l’habitude de voir quand le deux équipes se renvoient et se rendent la balle au pied pour n’avoir pas à provoquer l’autre - mais bien celle qui permit la mise en œuvre réciproque d’actions collectives en utilisant immédiatement le contexte de jeu créé par son adversaire pour le transformer de situation favorable en défavorable. Exploiter en transformant l’avantage momentané acquis par les utilisateurs du ballon en désavantage immédiat relève de la part des heureux récupérateurs certes de savoir faire mais d’abord d’un état d’esprit celui qu’il faut pour profiter de l’aubaine quand surgit l’improbable. Exemple la balle récupérée sur la longue percée de David qui aurait dû envoyer Poitrenaud derrière la ligne et qui permit à Clermont de relancer le jeu pour un enchainement générant un gain de terrain de 50m.

Faut-il encore, pour les récupérateurs, pour que l’efficacité successive soit au rendez-vous, que le défi soit commun, ce qui implique compréhension et disponibilité immédiate pour tous et d’abord pour ceux qui sont dans la zone proche de la récupération.

Pour les deux équipes, cette volonté d’exploitation immédiate, intelligente, adaptée à la situation momentanée née des turn-over ne s’est jamais démentie. Et justement parce le momentané de la situation impose de jouer avant que la situation ne se transforme, ce que les deux équipes ont parfaitement réalisé. Dans la continuité des séquences jeu des uns puis des autres, et le défi livré on a pu apprécier combien ces moments de spectacles étaient mobilisateurs d’émotion pour les supporters qui passaient de l’espoir d’une concrétisation possible au désespoir de voir les adversaires renverser la situation en se créant les mêmes opportunités.

Sans avoir fait d’analyse précise, on peut sans trop de risques de se tromper accepter que le nombres de balles que se sont rendues directement ou indirectement les deux équipes ont été les mêmes et que les intentions de jeu ont tout autant été identiques.

Guy Novès interviewé à la mi-temps n’a pas masqué son inquiétude malgré un score favorable de deux essais à rien. Il stigmatisa la seule qualité de l’adversaire sans dire pour autant le pourquoi de cette crainte. Mais en fin stratège, il sentait bien que les initiatives ne venaient pas que de Toulouse et qu’à ce jeu Clermont avait des atouts et de l’ambition. On peut dire sans rien enlever aux vainqueurs que les capacités dans l’avancée des Toulousains étaient quand même plus grandes que celles des Auvergnats. Ces derniers malgré leurs intentions piétinaient sur la ligne d’avantage alors que Toulouse la franchissait plus souvent. Certainement que la percée de David aurait mérité une meilleure conclusion. Son choix de jeu dans une situation aussi limpide et à ce moment du match est déterminante sur le résultat. Poitrenaud serait allé dans l’en-but et aurait mis Toulouse à l’abri d’un retour toujours possible des Clermontois vu leur forte volonté de jouer et la qualité de leur jeu.

Quant à l’essai de la gagne pour l’ASM, la décision de Lavea d’attaquer la ligne par une course rentrante dans une zone habituellement de forte concentration défensive révèle une bonne lecture du jeu, puisqu'il s’agissait pour lui de prendre en compte simultanément le jeu d’avancée-fixation près du regroupement de Parra et la réaction des défenseurs toulousains relativement à son action de fixation . En tout cas l’intelligence de ce jeu à deux fut parfaite puisque l’appel de balle de Lavea fut entendu par le demi de mêlée. La défense toulousaine n’eut pas le temps de se refermer.

Que dire, que Toulouse pouvait gagner ce match. Certainement ! Même avant de bénéficier d’une dernière pénalité qui si elle était passée l’aurait conforté dans le jeu choisi. En la ratant, la défaite peut faire générer quelques doutes. Ce serait dommage. Quand on choisit un rugby d’envie, d’audace, le jeu à la main devient prioritaire, la relation intime qui unit jeu pénétrant et jeu déployé prend tout son sens et ne peut se maîtriser que si on prend l’habitude de l’impulser en toute circonstances en acceptant les risques que cela impose. Les réglages tactiques et techniques se feront progressivement de même que quelques fautes facilement évitables. Clermont et Toulouse nous ont gratifié d’une bonne production rugbystique . J’espère qu’ils feront des émules.

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