La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert Pierre Villepreux revient cette semaine sur les premières journées du Top 14 pauvres en essai. Il apporte une réponse à ce phénomène et note notamment la volonté des équipes de prendre rapidement des points par du jeu au pied.

Il est plutôt décevant de voir que le jeu actuel dans le Top 14 ne génère que peu d'essais. Les scores sont réalisés par les buteurs. Le nombre d'essais n'est pas un critère suffisant pour justifier un bon match et des petits scores sans essais peuvent être porteur d'un jeu qualitativement intéressant, mais les essais créent un rythme, une cadence, une ambition, qui galvanise joueurs et public. Ce manque d'essai est lié en partie au nombre excessif des pénalités qui stoppent non seulement le non jeu mais aussi les meilleurs mouvements collectifs.

Je me suis exprimé la semaine dernière sur le regret de ne pas voir certaines fautes converties en coups francs. Cela aurait, minimisé le pouvoir des botteurs, créé la dynamique de jeu qui est aussi nécessaire si l'on veut assurer un minimum de spectacle et aurait éviter de donner aux arbitres mauvaise conscience sur certaines fautes qui manifestement ne méritent pas 3 points. Le deuxième regret est la conséquence de l'inefficacité constatée dans le jeu offensif. On tend à rechercher les points par les drops. Les tentatives sont de plus en plus nombreuses et l'efficacité des "dropeurs" devient impressionnante. On peut accepter que ce choix pour prendre des points récompense quelquefois le bien joué en attaque d'une équipe ou que stratégiquement à cet instant dans un match, le drop soit la meilleure opportunité. Mais de plus en plus le choix du drop se fait par défaut et vient au secours d'une attaque défaillante ou peu entreprenante. Il s'agit bien alors pour les avants de placer le dropeur dans la meilleure position pour assurer la réussite, un peu comme le matador place le taureau pour la séance de pique. Sont utilisés les inévitables pick and go et au moment opportun, les utilisateurs du ballon organisent un véritable barrage pour encombrer, "on est bien obligé de dire légalement", l'espace proche du ballon. De fait, on "embarrasse" la montée défensive des adversaires. J'ai bien peur que la conjoncture du jeu actuel, dès que le besoin de prendre des points s'imposent et vu la réussite des "dropeurs", l'on ne se dirige vers une utilisation excessive de ce type de séquences contre laquelle il est impossible de défendre compte tenu de la facilité avec laquelle on peut conserver la balle sans réellement encourir l'intervention arbitrale contre les utilisateurs. La réussite dans ce art des meilleurs joueurs ne manquera pas d'accélérer le processus. Pire , le "copié- collé" qui en sera fait dans les compétitions de niveau inférieur et jeunes se fera forcément au détriment d'un jeu plus ambitieux.

Dans le même état d'esprit, le jeu de contre attaque suite aux coup de pied d'occupation est aujourd'hui grandement négligé. Il est devenu insignifiant .Le choix préférentiel, c'est de regagner du terrain par le court chemin en portant le ballon et de le renvoyer à l'adversaire par up and under ou coup de pied, instaurant du même coup la "pandémie" du jeu de ping pong.

Pourtant quand les moins frileux provoquent le jeu ils trouvent des espaces et les utilisent, mieux, ils les créent collectivement. Agen lors de son dernier match contre Dax à parfaitement su exploiter collectivement le jeu au pied des ballons rendus dans l'espace profond par les Dacquois. Le jeu de contre attaque est d'autant plus efficace s'il implique plusieurs partenaires. L'exploitation collective prend forme dans une cellule autour du porteur de balle avec un rapport de force logiquement défavorable au départ et qu'il va falloir collectivement transformer en favorable. Les quelques joueurs concernés articulent leur courses en fonction des repères que va donner le porteur de balle ce qui va amener chacun à prendre la bonne décision en fonction de la disposition de la défense à la fois sur la profondeur et la largeur. En l'occurrence, en orientant sa course vers le centre du terrain, il laissait croire qu'il allait jouer là où se trouvait le plus grand nombre de défenseurs. Il déclenchait donc une fausse information pour la défense et grâce à un jeu croisé avec le premier partenaire proche, le mouvement partiel collectif prenait à contre-pied la défense pour aller jouer sur sa partie faible ce qui permis en deux passes de transformer et renverser le rapport de force. Un essai a été marqué et deux autres avec la même conception auraient dû aboutir.

Il faut féliciter le duo Lanta-Deylaud de rechercher des solutions collectives dans ce type de contexte et non de laisser au seul porteur de balle le soin de remonter le ballon sans qu'il se crée de dynamique collective autour de celui-ci.

La contre attaque dans le plan profond est un état d'esprit. Dans le jeu actuel, elle est considérée à juste titre à risque puisque jouée essentiellement individuellement, la relation avec le reste du collectif ne se fait pas. C'est dommage car c'est une arme intéressante qui mérite de la part des entraîneurs un peu plus d'attention et de recherche.

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