La chronique de Villepreux

Par Rugbyrama
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Suite aux pronostics d'avant-saison qui donnent le Stade toulousain favori du Top 14, Pierre Villepreux revient dans sa chronique sur les raisons de cette reconnaissance pour Toulouse. Après avoir observé la première journée de Top 14, il analyse les caractéristiques du jeu toulousain.

Les techniciens du jeu ont dernièrement accordé au Stade toulousain version 2009-2010 les meilleures chances d'accéder au titre de champion. Les raisons sont variables mais la majorité accorde aux Stadistes de savoir mieux que les autres proposer un jeu de mouvement, concept référentiel du jeu "à la toulousaine". Cette reconnaissance devrait logiquement développer chez tous les entraîneurs une croyance dans un jeu où il s'agit d'oser entreprendre en s'appuyant d'abord sur l'intelligence des joueurs, en donnant la priorité au jeu à la main. Cette reconnaissance du jeu stadiste tient au fait que les techniciens interviewés, mais aussi ceux qui les ont précédés et bien sûr les medias, ont analysé dans le temps l'apport positif de ce style pour le rugby. Ce même apport au fil du temps n'aurait pu perdurer si dans ce club, la formation du joueur et du collectif ne s'appuyait pas sur une démarche et des formes de travail qui ne sont pas négociables si on a vraiment l'intention de vivre le rugby dans sa logique et sa totalité.

C'est grâce à cette démarche de formation, réalisée depuis les débutants, qu'autant de jeunes joueurs talentueux côtoient le plus haut niveau dans leur club ou ailleurs. C'est bien cette démarche qui transforme des joueurs recrutés, quelle que soit leur origine et leur profil technico-tactique, les tirant vers un jeu plus adaptatif tout en élevant conjointement leur degré de créativité collective et individuelle. C'est bien cette démarche qui rend ce jeu accessible à tous en s'appuyant sur les principes fondamentaux éternels du rugby. Avancer-Soutenir dans le cadre de la compréhension du rapport d'opposition, toujours mouvant, créé et exploité avec pertinence. Ceci pour dire qu'il ne suffit pas d'avoir le plus gros budget et les meilleurs joueurs pour fabriquer un jeu qui gagne et qui assure le spectacle. Quand Toulouse produit ce rugby, ce club se démarque effectivement des autres productions et le résultat suit. Quand il rentre dans le jeu des autres, les résultats ne sont plus forcement au rendez vous.

Dans la pratique, cette façon de voir les choses n'est pas sans conséquences sur le travail d'entraînement et les priorités à mettre en place et en oeuvre. Quand Guy Novès dit vouloir modifier le travail, donc les formes et contenus d'entraînement, pour retrouver le jeu stadiste, c'est bien qu'il a pris conscience que le jeu produit la saison passée s'altérait et ne devenait que trop épisodique. Il appartenait, me semble-t-il, de moins en moins aux joueurs. A ce titre, le choix plus souvent de formes d'entraînement en opposition et en collectif total va dans le bon sens si l'on veut que le jeu de l'un devienne le jeu de tous et vice versa. Mais tout en même temps, ce travail va davantage responsabiliser les joueurs. Le processus de travail et les contenus ne peuvent devenir réellement opérant que s'il y a un réel désir de la part des joueurs de le mettre en oeuvre, non seulement dans le entraînements mais dans la compétition quelles qu'en soient les conséquences. Ce désir reste indiscutablement premier dans le choix de cette évolution.

Si on accepte le slogan "le jeu appartient aux joueurs", il leur faudra aussi accepter les contraintes et conséquences qu'un tel travail n'a de sens que dans la continuité et ne peut être remis en cause au premier accroc. Toulouse, avec son effectif et la qualité de celui-ci, ne prend pas de risques majeurs pour réaliser son objectif, retrouver son identité et s'y tenir. Mais on le sait, chaque action d'un processus à long terme est suivi ponctuellement de rétroaction immédiate quand les résultats ne suivent pas. Il s'agit d'avancer coûte que coûte, de ne pas rêver à la maîtrise totale du jeu mais bien d'être collectivement fidèle a son engagement, d'aller vers un investissement qui transformera peu à peu la peur de l'échec que ce jeu génère en général, en confiance. Toulouse, je l'ai dit, peut se permettre ce défi. D'autres n'y pensent même pas et certains matchs de la première journée du Top 14 sont significatifs

Si Toulouse réussit, la dynamique générée pourrait prendre le contre-pied du jeu sans ambition mais aujourd'hui gagnant "made in South Africa". Ce rugby ne doit pas devenir référentiel. Il faut lui opposer un autre modèle qui s'inscrive dans des pratiques d'entraînement différentes. Mais ce n'est pas certains matchs de la première journée du Top 14 qui nous ont rassurés. Pourtant, avant le début de la compétition, il y avait, semblait-il, une vraie volonté de la part des entraineurs du Top 14 d'aller vers le choix d'un rugby plus entreprenant et plus entraînant. Ce n'est que le premier tour de chauffe, alors on attendra un peu avant de juger.

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