La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert Pierre Villepreux revient cette semaine sur la défaite des Bleus en Angleterre et sur la performance du XV de la Rose.

On attendait les Anglais dans le combat, ils nous ont confondus dans le jeu. On avait une équipe - entendait-on dire - "alourdie" pour y faire face, ils nous ont déplacés dans les espaces de jeu de faible concentration défensive. On craignait le jeu au pied pour sauter la défense française qui avait mis à mal les Gallois, ils ont utilisé le jeu au pied presque avec avarice. Ce choix de jeu, cette option ont été - n'en doutons pas - une exigence de la part de l'entraîneur Martin Johnson. Choisir de le faire devant des Français qui justement avaient été particulièrement performants dans le domaine défensif contre les Gallois relève du défi. Pratiquer ce rugby d'entrée de jeu demande que l"entraîneur et son staff aient su, dans les préliminaires de la préparation des joueurs et du match, tout en même temps, créer une tension vers un but, développer une atmosphère d'émulation collective, inclure les motifs qui autoriseront la performance, donc le succès.

Psychologiquement, avant ce match, il n'était pas très bien Martin Johnson. Le succès était impératif. De là à favoriser ce rugby relève d'une ambition qui m'a surpris et qui l'honore. Le premier essai lui a donné raison et la forte coloration émotionnelle que celui-ci a provoquée sur le collectif anglais a généré une dynamique qui ne s'est jamais démentie tout au long du match. Il a fallu toute la détermination des Français pour contrarier les efforts et l'ambition déployés en fin de match pour marquer un ultime essai. Voir les anglais jouer les dernières pénalités à la main est rare même si le score le leur permettait. Comble d'ironie, ce sont les Français qui choisirent en bottant intentionnellement en touche, d'en finir avec un match qui pouvait, comme il avait commencé, s'achever par un essai anglais.

En démystifiant la qualité de la défense française par ce premier essai, les Anglais renforcèrent leur envie de jouer et purent aussi orienter leur motivation en direction d'un rugby qualitativement bien supérieur à celui produit lors de leurs matchs précédents. Brian Ashton, le "former Coach", a dû apprécier cette "perf", lui qui rêvait de placer ses joueurs sur des bases plus dynamiques et moins structurées. L'implication dans l'affrontement et le combat n'a pas pour autant été absente. Quand la production se réalise dans cette dialectique jeu/combat et qu'elle est sous tendue par une motivation adéquate, alors les joueurs sont forcement incités à agir réellement. Ils n'attendent pas de le faire plus tard dans le match quand ils y sont obligés et que le résultat l'impose. On s'est "vidé" mais on s'est "bien amusé" peut rendre compte de la satisfaction atteinte. C'est cette satisfaction par rapport au jeu réalisé que j'ai ressentie dans le comportement des joueurs de la rose en fin de match. Elle dépassait de très loin le seul cadre du résultat et permettra de travailler dans les meilleures conditions.

On ne refait pas l'histoire d'un Tournoi qui devient rude pour les français avec un dernier match compliqué contre l'Italie. Cependant, il est bien fâcheux que le premier match contre l'Irlande ne se soit pas soldé par un succès. Malgré la défaite, la qualité du jeu réalisé par les tricolores pendant certaines périodes se devait d'être beaucoup plus valorisée. Certes, il a manqué aux Bleus un peu d'efficacité dans la finition par un manque de soutien. Ce succès dans certains temps forts de ces périodes aurait pu permettre au staff de diriger la réflexion des joueurs vers une évolution de leurs compétences dans le jeu souhaité.

Ce partage avec les entraîneurs sur le positif réalisé aurait certainement été reçu très favorablement par les joueurs. Mais la défaite et l'analyse faite ici et là, a créé plus de doute que de confiance pour continuer à avancer vers le jeu recherché, tout autant d'ailleurs sur le collectif que sur le staff. La tendance qui tend de manière toujours contradictoire à opposer un jeu ambitieux et l'implication dans le combat, a refait surface, ce qui est un faux problème.

Il faut toujours laisser ouvertes les voies permettant prioritairement de continuer à progresser sur ce qui a été positif. Résultat des courses, un match pénible sans envergure devant les Ecossais, une réaction d'orgueil contre des Gallois pris à la gorge face à une défense qui ne céda qu'une fois mais à 13 -3 juste avant la mi-temps, les tricolores n'étaient pas si loin d'être emportés par le doute comme contre les Anglais. Même si seule la victoire est belle, le jeu d'attaque produit par la France manquait par trop de volume pour se rassurer et pour aller provoquer les Anglais autrement que dans le défi physique et en faisant confiance à une forme de défense forcément détectée par les adversaires et sur laquelle ils surent parfaitement s'adapter.

Dans ce Tournoi, l'objectif résultat n'a pas été atteint, celui du jeu, en partie pour les raisons évoquées, pas davantage. L'ampleur de la défaite ne doit pas remettre en cause cet objectif jeu après lequel le staff court.

Le match contre l'Italie ne prend du sens qu'a cette condition.

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