La chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique d'Henry Broncan, le manager du SU Agen.

Vendredi 1er mai 09
Le SUA ne chôme pas ; plusieurs de ses dirigeants ont participé ce matin au défilé certes traditionnel mais peut-être cette année, davantage empreint d'inquiétude. A midi, Nelly et quelques mamans Crabos ont préparé dans la salle Pierre Cler la table de leurs enfants : les coachs ont décidé de regrouper tout leur effectif avant le 8ème de finale qui les opposera, dimanche, à l'ASM, sur le terrain de Souillac. J'ai l'énorme plaisir d'être invité parmi eux : la convivialité, les rires, les conversations à bâtons rompus, les longues tables de "battage", les aliments simples mais succulents me rappellent les après entraînements des vendredis soirs du LSC, quand la "famille" entière, depuis les cadets jusqu'à l'équipe I, était réunie à l'En-but, devant les bons plats de la famille Limouzin, de Mme Saint-Jean ou de Nathalie Carsalade devenue d'ailleurs par la grâce de ses sauces, l'épouse de notre plus solide seconde ligne, Philippe, celui dont l'estomac réclamait tout le temps. C'était l'occasion pour chacun d'entre nous d'évoquer les soucis qui étaient nôtres avant les "chocs" du dimanche.

Chez mes coachs des moins de 19 ans, les mêmes inquiétudes affleurent : la cheville d'Ounzari va-t-elle tenir ? Qui va buter ? Girou ? Dulin ? Qui aux ailes ? Celui-ci est plus rapide mais moins adroit etc… Par l'intermédiaire de Manu, mon ami niçois, nous avons obtenu la vidéo des Clermontois lors de la dernière rencontre : la vitalité de leur troisième ligne, la masse de leur attelage, le pied de leur ouvreur suscitent le surplus d'angoisse. Mais, ce qui soucie le plus Pat et Laurent, c'est le choix du quinze de départ puis celui des remplaçants et enfin la mise à l'écart d'une dizaine de leurs protégés : "Tu sais, ils ont toujours été là quand on avait besoin d'eux !" Et c'est vrai que dans les soirées froides de décembre, quand les annexes d'Armandie étaient gelées ou bien, en février, quand la boue recouvre complètement les crampons, ces enfants étaient là et maintenant que le soleil brille et que l'herbe est tendre et que le rugby devient fête, il va falloir se contenter –impossible de s'en contenter – d'une place dans les tribunes. Désarroi des mis à l'écart et désarroi... de leurs parents qui ont encore plus de mal à comprendre. Pour détendre l'atmosphère, je leur raconte mes malheurs de coach quand j'ai débuté ma carrière : je cacherai le nom des intéressés, de la ville, et du club mais mes amis vont trouver rapidement. A cette époque, j'avais 4 ailiers en concurrence pour bien sûr deux postes : le fils du boucher, le fils du pharmacien, le fils du marchand de journaux et le fils du bistrot et les 4 vitrines collaboraient sur la coquette place de la Fontaine. A l'intérieur de ces demeures, 8 parents idolâtraient leur progéniture : "Mon fils, le plus grand, le plus beau, le meilleur…" J'exagère à peine ! Les roulements lors des matchs de poule satisfaisaient tout ce beau monde mais, quand le printemps arrivait, que les voitures se paraient de rouge et de blanc, que tout le bourg se vidait pour gagner le terrain neutre, c'était la fin des amitiés de... façade :

- "Ton fils, c'est une charrette !

- Et le tien, un tombereau !"

Et moi, jeune entraîneur, le coeur encore sensible, il me fallait choisir un 11 et un 14 entre ces 4 petits génies, par ailleurs bons joueurs et surtout, heureusement, copains entre eux, et… corrects avec moi. Ainsi, vous comprendrez pourquoi, au mois de mai, je devais me résoudre soit à trouver un autre boucher – pourtant la viande du papa était la meilleure de la cité – soit à ne pas tomber malade, soit à ne pas lire le journal, soit à ne plus prendre le petit café du matin que j'adorais consommer avant de partir en classe.

Au mois de septembre, à la reprise de la saison nouvelle, les courroux parentaux s'estompaient, les espérances de la suprématie du fils prodige renaissaient et je pouvais pénétrer de nouveau sur des lieux délaissés pendant l'été… J'étais tranquille pour l'automne et l'hiver, j'avais droit au steak le plus tendre, aux médicaments les plus efficaces, aux sourires de la marchande de journaux et à l'attention de la patronne du café des Sports presque aussi belle que ma voisine actuelle de la rue Lavoisier ! Le coq en pâte que j'étais pendant les rigueurs climatiques, profitait de ces situations privilégiées mais je savais bien qu'avec le retour des jours les plus longs, tous ces bonheurs allaient se réduire de moitié !

Samedi 2 mai

Le Stadium municipal d'Albi a beaucoup changé ; mon dernier rendez-vous dans cet endroit, avait eu lieu en automne 2005. Entre le Sporting et le FCAG, nous avions quelques saisons communes en Pro D2 et, comme à l'époque, le club du Tarn ne disposait pas de l'éclairage, il jouait ses matchs le dimanche après-midi. C'est pourquoi j'avais l'habitude – Auch opérait le samedi soir – de me rendre, le lendemain de nos rencontres, dans la préfecture tarnaise pour voir le SCA mais aussi les autres équipes de la poule, préférant le visu à la vidéo. Je prenais mes quartiers au bout de la tribune populaire, contre le terrain d'échauffement de la bande à Béchu-Blach. Le cul sur le ciment, la casquette sous le soleil d'hiver, l'estomac digérant la bonne table de midi, je passais de belles après-midi au milieu de quelques fanatiques des "jaune et noir" aux propos souvent désopilants. A cette époque-là, le Stadium avait beaucoup de mal à faire le plein et je me souviens d'entretiens guère enthousiastes avec mes amis, M. Chamayou et M. Molinié – ces fidèles sont toujours à bord – qui regrettaient le manque d'engouement du public albigeois. C'est vrai que nous avions l'impression d'évoluer sur terrain neutre, la largeur de la piste d'athlétisme renforçant cette sensation.

Aujourd'hui, mon vieil abri aux trois rangées de béton a laissé place à une vaste tribune de plus de 4000 places assises, élégants sièges baquets jaunes et noirs et aux 2 à 3000 spectateurs, bon chic bon genre, compassés comme des "préfectoraux", ont succédé 13 000 supporters fiers de leur club, enthousiastes, poussant bruyamment derrière le pack de Clément... A la 50', ils ont l'occasion de s'enflammer quand Sébastien Pagès, coiffure originale, remplace à la mêlée Kevin Boulogne plus sage dans le jeu, plus sobre dans le look. Coquin, le nouveau neuf sait faire pénaliser un repli agenais un peu tardif et surtout il sait utiliser un mauvais replacement arbitral pour jouer un coup franc à la main dans le dos de notre pack. Un superbe jeu à trois : Gelez-Tiatia-Huget et la course dingue de ce dernier relancent la partie ainsi que les inquiétudes du Kop. Le coup de sifflet de M. Bessot rend couleurs et souffle à la collectivité tarnaise ; une heure après, impossible de pouvoir partager la bière avec mon ami Dédé de Lamazère : tous les fûts des buvettes albigeoises sont vides ! Faute de ruée sur l'or, l'Albigeois s'est jeté sur le houblon pour fêter le succès.

A bientôt… peut-être !

Nos Reichels ont gagné leur huitième de finale face à Pau 27-12 certes mais après… prolongations ! Chaloubard sourit.

Dimanche 3 mai

Le car Pascal – sans Paul : "Monsieur" ne conduit que l'équipe I ! – trouve difficilement le stade d'Auterive. Le guide – c'est moi en l'occurrence – tout fier de démontrer son savoir a fait louper la rive gauche de l'Ariège. L'accueil local n'en est que plus chaleureux. Le Président nous parle avec fierté de son école de rugby, de son équipe handisport, de sa formation féminine ainsi que du groupe senior constitué par des joueurs du pays prêts à participer aux phases finales du championnat Honneur.

Sur un terrain impeccable, les Espoirs de l'ASBH et du SUA se livrent un duel à suspense. Le fils d'Alex Desjardin mène le bal côté biterrois et Stef Guénin retrouve son pied côté agenais. Max Carabignac nous traverse le terrain mais son vis-à-vis Anthony Poujol lui rend la monnaie de la pièce. A la dernière seconde, l'arbitre accorde la pénalité de la gagne au buteur adverse ; ballon sur le montant ; joie d'un côté et larmes de l'autre. A quoi tient un match ?

Discussion avec Christian Portes, le Président de l'Association. Il me confie ses espoirs de remontée dès la saison prochaine, sa confiance en Didier Minarro et Jean-François Beltran, sa volonté de reconstruire un grand club avec la plupart des espoirs qui ont évolué cet après-midi.

Nous apprenons la victoire des Crabos face à Montferrand : le SUA a donc placé ses 3 équipes de jeunes pour le tour suivant, difficilement chaque fois, mais Dame Chance ce week-end était avec nous. Jusqu'à quand ?

Lundi 4 mai

Journée gersoise et rendez-vous sous le Marathon du Moulias pour récupérer la vidéo du Stade Français-FCAG, match disputé la veille, à Saint-Yrieix. Philippe Seigneuré et Gérard Lacrampe travaillent sur la rencontre d'Aurillac. Avec l'aval du maître des lieux, l'inamovible Momo, mes deux anciens complices me font visiter les installations. Impossible de reconnaître la vieille cuisine qui n'était sans doute pas aux normes, de retrouver la modeste salle qui sentait la frite et me servait de bureau : il n'y a plus que des salons ! Si le vestiaire des visiteurs n'a pas changé – je l'avais retrouvé lors de notre venue avec le SUA – c'est surtout en pénétrant dans la résidence des locaux que la surprise est la plus forte : de l'espace, du fonctionnel, des couleurs, des sièges confortables ont, dans les tribunes, remplacé les planches aux pointes apparentes. Trop beau ? Trop confortable ?

Mardi 5 mai

Me voilà donc, pour une soirée, coach de l'équipe Midi Olympique qui affronte, ce soir, un groupe constitué par les autres Médias toulousains. Nous sommes au stade du TOEC, rue Ernest-Dufer. Toulouse est bien la capitale du rugby : accueil d'abord au club-house par Christian Viviès renforcé par son frère Bernard. Sur le terrain annexe, une trentaine de vieilles gloires amendée par quelques jambes juvéniles dispute le toucher hebdomadaire du mardi. L'occasion de retrouver des visages amis, de raconter des joies d'avant, de souffrir aussi. Accolade à Pierre.

- "Et ton frère Michel ? dis-je

- Tu ne sais pas ?

- Non. Quoi ?

- Il a mis fin à ses jours, il y a un mois !"

Le silence… Les deux équipes s'échauffent : des plaisanteries, de l'allégresse, des batifoleries… Michel, le joyeux drille, si gai luron, si cadrage-débord, si pimpant… La pudeur m'interdit de demander à Pierre le pourquoi : pas la force et des images du passé commun qui vous assaillent.

Midi Olympique et la Presse Toulousaine ne se ménagent pas et ceux qui attendaient une rencontre débridée, disputée toute à la main, en sont pour leurs sous. Même là, dans l'amical sans pression, sans public, - j'allais ajouter sans presse – le ruck préside les débats et le jeu au pied, négligé dans les premiers instants, refait surface dès que les deux formations se rendent compte qu'elles sont là pour l'emporter ! Chez nos adversaires, Lauga de la Dépêche arbore un casque superbe et Miedougé de Sud Radio, le souffle court, reste enfin muet. Chez nous, Jean-Luc Gonzalez est parfait en porteur d'eau, Bruno Fabioux impeccable… sur le banc de touche, Jean-Marc Piquemal ne reste pas jusqu'à la fin parce que sa femme n'aime pas qu'il arrive en retard pour la soupe, Marc Duzan pas toujours efficace sur le pré est pertinent en tant que juge de touche. Les chaussettes de mes journalistes trahissent certaines préférences : Philippe Kallenbrunn qui se prend pour Konieck ne dira jamais du mal de l'Usap et Massicard qui joue les Pages défendra toujours les excès de Béchu ; je me rends compte que Nicolas Zanardi n'apprécie guère le SUA car, en mauvais capitaine, il refuse d'adresser le moindre ballon à Grégory Letort, fan d'Agen –sa ville – surnommé… le Caucaunibuca blanc. Cet ostracisme rend le score incertain jusqu'au coup de sifflet final ! Heureusement, mon préféré, l'auscitain Nicolas Augot - le Saint-Lary jaune - monopolise le ballon dans l'alignement. Quelques beignes sur la fatigue, finissent par agrémenter le jeu au sol : Pierre-Laurent Gou en profite pour solliciter son remplacement ! Au final, victoire pour les miens mais il m'a fallu le secours sur le banc de Philippe Rougé-Tomas pour driver la fin du match : plus personne ne m'écoutait ! Le calme revenu, je me suis demandé longuement la raison de notre succès et je l'ai finalement trouvée : chez nos rivaux, personne n'a été capable de faire sortir Pascale Lagorce de sa cuisine tandis que chez nous, Jacques Verdier a dégagé Emilie Dudon de ses obligations à Rugbyrama pour accueillir l'arbitre : A quoi tient l'issue d'un match ?

Mercredi 6 mai

Airlines à 6 heures du matin mais 50 minutes de retard au décollage. Me voilà Parisien pour la journée et pour défendre les intérêts du SUA devant la commission de discipline de la LNR après la bagarre contre le LOU. L'occasion de découvrir, rue de Liège, à deux immeubles du siège de la FFR – difficile de ne pas se faire la gueule entre voisins – les locaux de la Ligue. Argumentation préparée minutieusement avec Christian mais on m'objecte la récidive et le spectacle télévisuel. L'amende pleut sur la bourse de Stéphane qui en perd ses derniers cheveux ! A midi, côtes d'un agneau de la capitale, courses dans Paris, sprint sur Orly-Sud. Si vous saviez mon bonheur quand j'ai entraperçu par le hublot, Monflanquin puis Saint-Romain, la Garonne, et le Canal. Il m'a semblé même que ma voisine avait hissé un drap blanc sur le toit de l'immeuble pour m'indiquer qu'elle était toujours là !

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