La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique d'Henry Broncan, le responsable de la formation au SUA. Cette semaine il revient entre autre sur la victoire de Toulouse face à Albi ainsi que sur le film Invictus qu'il a vu pour la deuxième fois, et enfin sur la première journée du Tournoi des 6 Nations

Jeudi 28 janvier

Je croyais bien qu’avec l’évolution du rugby Pro, nous ne verrions plus jamais un tel don de soi : dans la boue et la nuit du Stadium Municipal d’Albi, le Stade toulousain bafouille son rugby contre les partenaires de Vincent Clément qui, pendant vingt minutes, croient l’exploit possible…et puis Yannick Jauzion lance son quintal dans la ligne jaune et noire, la traverse comme à toucher, arrive, seul, sous les poteaux, ralentit sa course et offre précautionneusement…le ballon d’essai à son seconde ligne Patricio Albacete, le seul ayant suivi la course du trois quarts centre international ! Nul n’a besoin qu’on rappelle les qualités morales de ce joueur formé à Graulhet ; un de mes amis, le lendemain, lors de notre rendez-vous cycliste, n’hésitera pas à lancer tout haut : "Normal, il est né à Réalmont… à quelques kilomètres de chez Jaurès !" J’espère que les commentateurs de Canal + n’oublieront pas de placer ce geste en tête du Top 10 des plus beaux essais de l’année !

Samedi 30 janvier

Auch vient finir janvier sur Armandie. Vers 10 heures, sur la gadoue de l’annexe 1, l’équipe du dimanche matin commandée par l’éternel Elie, entouré par les copains de toujours, Philippe le toréador de Vic-Fezensac, Eric, des courses de jouvenceau, Jacques l’esquiveur qui évite de cadrer et de déborder, Yves, le psychologue aux percées plus folles que les idées, Gilles, des ailes à chaque crampon, Jief, des redoublements dans le commentaire…et les autres m’ont fait l’honneur de participer au toucher contre les partenaires du SUA. Malgré leurs superbes maillots rayés de bleu et blanc, les élèves de Gilles Lafitte ne pèsent guère devant la fougue gersoise. Beaucoup de plaisir : l’Armagnac conserve mieux que le pruneau !

En soirée, le FCAG, handicapé par quelques blessures et mises au repos, inquiète longuement les coéquipiers de Badenhorst. A l’heure de jeu, les visiteurs mènent même 6 à 5 avant que les bottes enfin utilisées de Romain puis de François ne fassent l’écart. A l’approche de la sirène, un groupé pénétrant du meilleur aloi creuse un score trop conséquent au vu de la générosité auscitaine.

Beaucoup de plaisir en revoyant des supporters d’un autre temps. Elle a regardé le match depuis la lucarne arrière du car des supporters que Monique – le meilleur chauffeur de France (après Paul) – avait judicieusement rangé le long des vestiaires, lui permettant d’assister, sans avoir froid, à l’ensemble de la rencontre. Depuis, une victoire de la survie, au printemps 2000, sur Lesdiguières en colère, parce qu’Elle faisait partie des 4 supporters qui avaient cru en nous jusqu’en Isère, j’ai lié une grande amitié avec cette petite dame brune, si fidèle supportrice du FCAG. C’est avec une grande émotion que je suis allé l’embrasser. L’éternel sourire, les fossettes coquines, un long châle rouge sur la tête.

Dimanche 31 janvier

Armandie en fête et la tribune Ferrasse arrosée de soleil ; les Espoirs du quatuor Jeannot, François, Mathieu et Loulou étouffent par leur rythme, le Stade toulousain des D’Aram, Boukerou, Ledevedec, Bezy, Thuery, Doussaint, Lamera, Ahotaeloa. Mêlée solide, touche efficace, lancements de jeu variés, défense incontournable : tout y passe. Impossible de citer un nom dans le groupe des 22 copains car tous ont joué à l’unisson. N’oublions pas l’arbitre, M.Philippe Bonhoure, vif, tolérant, pédagogue, taille et jambes comme à la grande époque de l’A.S.B. Un pur régal pour les supporters fidèles du SUA, récompensé de leur assiduité.

Mardi 2 février

Soirée "Les Spécialistes" avec Guy Novès pour invité d’honneur. Le manager du Stade toulousain est incontestablement le meilleur de tous les coachs de l’Hexagone : ses titres et sa longévité prouvent sa compétence. Dans son œuvre, il ne faut pas oublier – il en a parlé avec une fierté bien légitime – sa longue implication auprès des jeunes rugbymen du collège de Pibrac à l’époque où Guy pouvait concilier son métier de professeur d’éducation physique et sa fonction dans le grand club de la Ville Rose. J’ai donc une sincère admiration pour lui, même si ses attaques pourtant souvent justifiées, contre les gestions des différentes équipes de France, m’agacent parfois. Pourtant, ce soir, alors que, justement, ses volées de bois vert paraissent bien tempérées, je n’ai pas apprécié le ton péjoratif exprimé contre l’entraîneur de l’équipe de France dont il avait claqué la porte alors qu’il était encore joueur : "un charcutier" !… Jacques Fouroux aurait immédiatement répliqué :  "Il n’y a pas de sot métier !" Dans le ton ironique, j’ai cru reconnaître la suffisance de beaucoup de professeurs d’E.P.S – ils sont pour beaucoup (Deleplace, Bru, Villepreux, Conquet…) dans l’évolution du rugby – à l’égard des entraîneurs extérieurs à cette si noble profession. On peut quand même être un bon coach sans être issu d’un STAPS ou d’un CREPS ! Le vigneron de Courrensan, coach de l’Usap championne de France, consacré comme le meilleur de tous, en 2009, en est une preuve éclatante. Deuxième déception lorsqu’il fut question de la passe de Jauzion à Albacete, passe évoquée ci-dessus. D’après ce que j’ai compris, Guy Novès n’a pas eu le temps de tirer les oreilles de son joueur car ce dernier avait rejoint le lendemain les rangs des Bleus mais, au retour, le sujet devrait être évoqué, en tête-à-tête, et ce ne serait pas pour louanger le geste de générosité accompli par le trois-quarts centre !

Mercredi 3 février

La générosité ! "Invictus" revu pour un deuxième tour, au cinéma Le Plazza de Marmande ; salle pleine et même si ma voisine a refusé de m’accompagner cette fois-ci, je vais apprécier encore plus le film de Clint Eastwood. Si j’étais encore professeur d’histoire et…entraîneur de rugby, mes élèves et mes joueurs seraient dans l’obligation d’assister à une des représentations. Extraordinaire Mandela –Freeman impérial – et extraordinaire rugby qui auront permis à deux peuples aux si nombreux extrémistes de se rapprocher en évitant les terribles bains de sang qui ont affecté la majorité des pays sur les chemins de la décolonisation. Un ami gersois, ovalophile bien que Picard, ancien du Ciné 32 et gérant de la salle, m’avait convié pour un débat public en compagnie de Pascal Fauthoux, professeur d’E.P.S et entraîneur de l’U.R.M.C ainsi que Henri Cazaubon qu’on ne présente plus. Ce pic d’euphorie collective qu’a connue l’Afrique du Sud, le 24 juin 1995, n’a logiquement pas duré : les hommes ne peuvent vivre éternellement sur les sommets ; il faut bien retrouver crocs en jambe, bassesses, querelles et même la haine. En évoquant notre "arc-en-ciel" à nous, la fête en black-blanc-beur de notre titre mondial de 1998, Henri Cazaubon n’a pas oublié de rappeler la présence – 4 ans plus tard – au second tour des élections présidentielles, du représentant de la xénophobie.

Jeudi 4 février

Retrouvailles avec un ex- de la vallée de la Save devenu enseignant garonnais, défenseur inconditionnel de la langue occitane –quel mérite dans cette France qui s’enlise dans l’anglicisme ! – Roger Gaston qui m’offre son petit recueil "500 proverbes du Marmandais et de toute la Gascogne" éditions Lacour, février 2009. Au hasard, relevons "Bòiverd, hemnajoens et pan caud son la ruina de l’ostau" : "Bois vert, femme jeune et pain chaud sont la ruine de la maison". "La rivera, locloquèr, locastèth, maishantsvesins", "la rivière, le clocher, le château, mauvais voisins". "Quan de crum se capreraSòs, Mézin se va trempa los òs". "Quand le brouillard couvre Sos, Mézin va se tremper les os". Enfin : "Lomaridatge : on s’aima un jorn, boca a boca ; un mes, nas a nas ; un an, bras a bras". Et après : "cops de punhs e cops de pès". Je laisse les misogynes traduire !

Vendredi 5 février

A l’invitation de Jean-Claude Massart, un éducateur que j’avais connu et apprécié au Football Club Auscitain, me voilà dans le bourbier du terrain d’entraînement de Mirande, près des vestiaires qui me sont chers car c’est là que j’ai eu mes premières expériences d’entraîneur de juniors – 1964 – puis de seniors – 1972 - Ils sont une petite vingtaine de Balandrade à s’efforcer de capter une olive qui leur file démoniaquement entre les mains : des gascons de Pouylebon, l’Isle de Noë, Coubersan et même un de Miramont d’Astarac…des villages qui servaient d’étapes dans les Tours de France de nos courses de vélos d’antan…trois boucliers, quatre ballons bien usés et donc bien glissants. Je regrette de ne pas avoir emmené quelques-uns des entraîneurs du SUA qui se plaignent souvent de leurs conditions de travail, il est vrai pas toujours idéales sur les annexes 2 et 3 ou bien sur Pistre. Vivement le terrain synthétique promis par la Municipalité avec le soutien de la FFR et du Comité Périgord-Agenais. En attendant, ce soir, je pense à tous les milliers d’éducateurs, pour la plupart entièrement bénévoles, qui, sur des terrains semblables, s’efforcent de faire progresser leurs ouailles, bravant l’hiver, le froid, le vent, la pluie, la boue. Au bout d’une heure et demie de barbotements et après le mince filet d’une des quatre douches, nous voilà regroupés dans la Maison du Rugby, à la sortie de la ville. Les vieilles photos de l’USAM ont disparu, remplacées par celles de l’E.A.B, entente oblige, mais la récompense de la soirée est là grâce au talent d’un trio de cuisinières, sur le fourneau chaque vendredi soir, pour le grand bonheur d’une quarantaine de palais. Un bon moment de convivialité entre cadets, juniors, éducateurs, et dirigeants respectifs et pour terminer en beauté, les meilleures crêpes du monde…gersoises, bien sûr !

Samedi 6 février

Premiers pas à XV pour les minimes du SUA et ce, sur le terrain d’honneur d’Armandie. A partir du 1er trimestre 2010, la FFR, à l’instigation de ses instances de la formation, a décidé, après une bonne dizaine d’années de jeu à effectif réduit, de relancer le rugby à quinze chez les moins de quinze ans. On sait que les Néo-Zélandais sont restés toujours fidèles à cette formule même chez les moins de treize ans. Pendant le mois de janvier, des tests plus ou moins subtils ont décidé de la participation au sein du pack d’avants d’un certain nombre de gamins. Cette précaution ne semble pas inutile même si la poussée en mêlée reste limitée au gain de balle et si le lifting n’est pas autorisé en touche. Les rencontres sont arbitrées par deux jeunes appartenant à l’équipe qui ne joue pas. Déjà difficile de diriger à 12, encore plus dur maintenant. Heureusement un arbitre officiel, pour l’occasion Mathieu Tovo du Périgord-Agenais, les tutorise. Sur la pelouse l’Aviron bayonnais, le Biarritz olympique et notre SUA. Des matchs très intéressants démontrant la qualité du travail effectué dans les différents clubs. Le SUA l’emporte et j’en suis heureux même si l’on m’affirme que le résultat n’a aucune importance…Comme si les gamins jouaient au rugby sans éprouver le besoin de gagner !

Sur les terrains annexes, bien habitués à la boue par les entraînements de la semaine, Reichel et Crabos s’appuyant sur leurs "gros", s’imposent contre des Dacquois peu à l’aise sur des terrains non sablonneux et pourtant la cité d’Albaladejo est bien la reine des bains de…boue !

A Grenoble, le SUA obtient le nul. C’est un bon résultat chez un prétendant à la montée. Christian Lanta annonce justement que le verre est à moitié plein. Le 14 février, mise à jour du calendrier avec la venue de Dax : le plaisir de revoir Anthony Lagardère, l’ancien artilleur du FCAG, formé à Argelès-Gazost.

Dimanche 7 février

J’apprends ce matin la nouvelle de la mort de Claude Peyrègne. Nous étions juniors ensemble, au Football Club Auscitain pendant la saison 1961-62. Il était alors un élève brillant de l’Ecole Normale d’Auch. Par la suite, il fit carrière dans l’entraînement à la tête du FCA, du Stado, de Lannemezan, de Fleurance, de Condom…C’était un remarquable éducateur et depuis 2007, il m’avait succédé à la tête de la commission technique du Comité Armagnac-Bigorre. Pour lui aussi, il s’est agi de la "longue maladie".

A peine le dernier coup de sifflet d’Oyonnax-LOU a t-il retenti qu’un journaliste du "Progrès de Lyon" m’appelle pour m’annoncer que l’USO vient d’égaler le record d’invincibilité à domicile du FCAG : 29 matchs sans défaite au Moulias entre 2002 et 2004. Cette série fut interrompue à la sirène du premier match de TOP 16 lors de la réception de Narbonne : un plaquage anticipé idiot d’un trois-quarts centre fut sanctionné logiquement par M. Didier Mené et la botte de Rosalen fit le reste…à notre grand dam. Si une équipe mérite bien de battre ce record c’est bien Oyonnax car dans cette ville, il y a une osmose totale entre les joueurs, les entraîneurs, les dirigeants et les…supporters. Même si, parmi les premiers, beaucoup viennent d’horizons plus ou moins lointains, on sent que tous épousent rapidement l’identité de la cité : la rigueur du climat, l’activité laborieuse de ses habitants, la rusticité de Charles-Mathon, le souvenir de Romans-Petit peut-être… Petite objection car un Gersois ne lâche jamais : nous comptions 29 victoires consécutives alors que je crois bien que nos amis de l’Ain ont un match nul (contre Lyon ? ) parmi leurs succès ; nous restons donc les recordmen du nombre de victoires !

Nos coqs s’imposent à Murrayfield : mêlée et touche souveraines. A partir de là, il semble bien qu’on pouvait faire beaucoup mieux mais peut-être a t-on pensé au rendez-vous irlandais : GESTION ! ! !

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