La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
Publié le
Partager :

Comme chaque semaine, retrouvez la chronique d'Henry Broncan, le responsable de la formation au SUA. Aujourd'hui il revient, entre autres, sur la disparition de René Deleplace, qui nous a quittés la semaine dernière.

Avec les futurs éducateurs du Lot-et-Garonne

Un vendredi bien de janvier : du froid, du brouillard et de la neige qui s’en va en boue. Ils sont une vingtaine, resserrés comme un pack de Sud’Afs dans la grande salle du Périgord Agenais, tous en formation pour l’obtention du Brevet Fédéral 1er cycle. A l’invitation du maître à jouer du rugby lot-et-garonnais, Henri Cazaubon, me voilà confronté aux futurs éducateurs des écoles de rugby du 47. Ils sont de Marmande, de Duras, de Pont-du-Casse, de Port-ste-Marie, de Colayrac…motivés pour aller passer mercredi et samedi après-midi auprès d’enfants qui ne sont pas encore les leurs mais qui vont, forcément le devenir.

Avec Henri Cazaubon, au-delà de nos prénoms, le sien plus royaliste, le mien, bien américain, nous avons, passion du rugby oblige, tissé des liens que renforcent un engouement commun pour l’Histoire et un penchant vers la même pente politique. De plus, comme personne ne connaît mieux que lui les heures lumineuses accompagnées de quelques zones d’ombre du SUA depuis sa création en 1908 et, comme je raffole des anecdotes qu’il veut bien, de temps en temps, me dispenser, je ne peux résister au plaisir de citer aujourd’hui, deux d’entre elles, en souhaitant qu’elles ne provoquent pas l’ire de mon "camarade" qui déteste que l’on parle de lui –surtout, évitez d’aborder le drop légendaire (je pèse le mot) de 1976 contre l’AS Béziers autorisant la prolongation et au-delà un Brennus supplémentaire.

Henri porte une admiration sans borne au père du "jeu à l’Agenaise", Charles Calbet, l’ancien instituteur de St-Jean de Thurac, une institution dans notre cité. Au printemps 39, malgré le bruit des bottes qui s’amplifie, le SU Agen dispute une demi-finale du Championnat de France, au Parc des Princes, et mène 6-0. C’est alors que, peu avant la mi-temps, le Catalan Noël Brazes, frappe un drop monumental : 50 mètres, ballon de cuir, crampons d’époque et…arbitre sur la ligne médiane et en …plein doute ! Bon ? Trop court ? Le trois quart centre agenais va tirer d’affaire l’indécis, suppléant la vidéo chère à nos Pros : "Le drop y est, Monsieur l’arbitre…" Ce jour-là, les prolongations furent fatales au SUA mais Charles y gagna le surnom de "Connétable" ; en 1945, les fées d’Ovalie n’oublièrent pas de le récompenser de son fair-play, en lui attribuant, le 7 avril 1945, le deuxième Bouclier de la "maison bleue". Auprès de lui, Ferrasse, Basquet, Mathieu, etc…Si vous connaissez et si vous rencontrez Thierry Henry et Raymond Domenech, contez leur donc cette histoire.

René Deleplace nous a quittés la semaine dernière et je comprends toute la peine de ses nombreux inconditionnels, Pierre Villepreux, son "fils" en tête. Il a profondément marqué toute une génération de professeurs d’EPS, provoquant, autour des années 80, quelques turbulences entre sa méthode "révolutionnaire" privilégiant le mouvement général et les tenants de la Formation Fédérale de l’époque, insistant plutôt sur l’importance des phases "statiques". D’un côté aussi, l’intelligence "situationnelle" et de l’autre des lancements de jeu bien définis ; le débat existe encore ! Nous autres Gersois, marqués sans doute par les mêlées de Mathalin, les touches de Le Droff, les pieds de Monsarrat et de Poudessan et surtout la "pensée unique" de Jacques Fouroux, n’avons nous pas toujours apprécié la richesse de l’enseignement de l’auteur du "Rugby de mouvement, Rugby total". Je me souviens d’un stage à Matemale où le savoir, la facilité d’expression et l’humilité de cet homme m’avaient impressionné. En mai dernier, ayant eu l’honneur d’être invité par l’Ecole Centrale, à Paris, avec Pierre Villepreux et Pierre Berbizier je l’avais retrouvé, toujours aussi lucide, et toujours aussi passionné par l’évolution stratégique et technique du rugby professionnel.

J’en reviens aux anecdotes de mon historien régional : 1979, le principal ouvrage de René Deleplace vient de paraître et de nombreux adeptes se dévoilent. Parmi eux, notre Henri, son ami Guy Délléa et quelques autres – sans doute, parmi eux, le jeune 3ème ligne du SUA, Christian Lanta, bientôt professeur d’E.P.S –. Le groupe décide de convier leur inspirateur pour un stage d’une semaine sur Armandie. On mobilise non seulement les éducateurs du club et de l’Agglo mais aussi tous les enseignants es Sports de la région. Au petit matin du jour d’ouverture, l’oukase tombe, brutal, insurmontable : interdiction fédérale doublée d’une interdiction de la Direction du club; un communiste porteur d’un savoir hérétique en rugby ne pouvait venir dispenser son savoir dans un haut fief de la Maison FFR. Avec le temps, on peut en sourire mais que les détracteurs du rugby professionnel se souviennent qu’au temps de l’Amateurisme, tout ne sentait pas forcément la Rose.

A propos de l’histoire du Sporting, bon coup de règle sur les doigts par Jean-Louis, le vététiste de La Clape : René Bénésis n’a pas été champion de France, sur le terrain, avec le Racing Club Narbonnais mais en 76…avec le SUA !

Ce soir, l’Equipe TV poursuit son reportage sur Naffaroa. Le match a lieu sur le terrain de Saint-Etienne de Baïgorry que j’adore avec ses arbres, spectateurs inamovibles côtoyant la main courante. D’ailleurs j’adore tout – sauf peut-être les maillots et les shorts – chez ces Basques : leur accent d’abord, leurs chants, leurs larmes, leur engagement sur et en dehors du terrain, le chapeau d’un de leurs coaches et surtout la philosophie de son complice Xabi Etcheverry dont les mots sonnent si juste. Le problème c’est qu’ils sont confrontés cette fois, au Lombez Samatan Club de Patrick Miquel et de Bertrand Molé, maillots blancs mais cœurs toujours aussi rouges. Diable que les "petits rouges" de la Save jouent bien, bien mieux que lorsque je les entraînais ! Au hasard des images, je reconnais quelques anciens élèves : Jérôme Suderie et sa botte précise – en plus, il plaque maintenant ! – le bouillant Christophe Lafforgue, l’autre Christophe… Saint-Lary, frère de Stéphane et papa du pack, Mathieu Roumiguié et Renaud Péres, issus comme beaucoup d’autres de la classe-Promo chère à Claude Bélard, mon petit Idrac devenu si grand mais qui me fait un bel en-avant, etc…Dans les dernières minutes, Naffaroa assiège le L.S.C mais les enfants de Daubriac restent solides et gardent la victoire et la tête de la poule. J’ai de la peine pour Xabi et les siens si valeureux mais la victoire des anciens miens me réjouit.

Egaré par les deux récits de "Nouste Henric" et par les images de la victoire du L.S.C, j’en perds le fil de mes éducateurs en formation mais j’y reviendrai la prochaine fois. En attendant, jeudi soir, je conduis ma voisine au cinéma pour voir "Invictus". Le film dure deux heures, rien que du bonheur puisque la plus belle fille d’Agen sera à mes côtés. Ne vous étonnez pas si, à la sortie, je me prends pour Mandela !

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?