La chronique de Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique d'Henry Broncan, le responsable de la formation au SUA. En vacances à Gruissan, il n'a pas manqué la venue du Stade français à Montpellier...

Dimanche 27 décembre 2009

Ils sont tous là, à Gruissan : les étangs, les flamants, les cormorans, les goélands et le vent, éternel omniprésent ; seuls absents, les estivants. La plage des Chalets s’étale, immensément vide : les autochtones se sont repliés sur le vieux village aux pieds de leur si chère Tour Barberousse ; le Café de la Paix et le Joffre abritent les joueurs de PMU et de la coinchée. Gentil " branchage " sur la victoire du RC Narbonne Méditerranée contre le SU Agen : " C’est nous qui avons fait tout le jeu…tu as vu comme le petit " Griffoul t’a plaqué " ton " Caucaunibuca sur la dernière action ! " Le quotidien local fait le point sur la première partie de la saison et vante donc avec une pincée de chauvinisme les exploits des " oranges " : qualité de recrutement, qualité de jeu, qualité de l’esprit. Lors du match amical disputé en août, contre Montauban, j’avais ressenti ce frémissement de renouveau après une saison 2008-2009 plutôt galère. Le management du trio Ferrero, Arlettaz, Crespy, la qualité des locaux Chevtchenko, Ruiz, Beaux, Griffoul, Sanchez, le métier des étrangers, Strauss, Myburgh, Tawaka, et du maître de maison Buada (la classe de Madaule et de Martial), permettent d’espérer la qualification, au soir du 8 mai. Auront-ils le banc suffisant pour passer solidement l’hiver ? Les quatre essais encaissés avant la Noël, à Colomiers, me paraissent quand même inquiétants.

Dans le chemin caillouteux qui grimpe vers le domaine de l’Evêque cher au " grand blond avec une chaussure noire " - encore un inconditionnel de Gruissan- les mollets de Jean-Louis mènent un train d’enfer contesté par le beauf Christian. A mes côtés, visage et taille d’adolescent, René Bénésis, 65 ans, trente sélections nationales, un titre sur le terrain en 86 avec Narbonne, un autre sur le banc avec le SUA en 82. Pour lui aussi, Gruissan où il vit une retraite sportive, est un paradis ! Si nous rivalisons dans l’ascension, dans la descente vers l’étang de l’Ayrolle, c’est un fada que nous sommes trop prudents pour oser le talonner : le même engagement qu’il mettait dans ses entrées en mêlée et dans ses plaquages. Nous ne le retrouverons que plus tard, conversant avec un de ses amis vignerons qui prépare son champ ; décidément le vent de Gruissan vous rend hors du temps.

Lundi 28 décembre

Le rugby est certainement le sport le plus interactif car perméables aux jugements les plus " fous " de n’importe quel néophyte. A Lombez, j’ai toujours en mémoire le souvenir d’un supporter fidèle qui n’avait jamais pratiqué mais qui ne manquait aucun de nos rendez-vous du dimanche après-midi ; dans sa bouche, un seul et récurrent leit-motiv : " ouvrez…ouvrez… ! " A l’ouverture, mon ami Pierre Sudérie – depuis plus de 60 ans, il y a toujours un Sudérie dans l’équipe 1 du L.S.C – n’était pas un grand fan de l’attaque préférant abuser de son jeu au pied ; il daignait cependant écarter cinq à six ballons par match et cette générosité n’était guère récompensée : beaucoup d’en-avant –heureusement, Bernard Duval et Néné Dupoux assuraient sur les mêlées suivantes – et pire, quelques interceptions récompensaient mal cette volonté offensive. Pourtant, à peu près deux à trois fois par saison, nos ailiers finissaient par goûter la Terre Promise et là, je vous laisse deviner la joie de notre brillant conseiller : " Je leur avais dit d’ouvrir…depuis le temps que je leur dis ! "

Dans le même domaine, la vieille dame qui n’a entr’aperçu dans sa vie qu’un quart d’heure de rugby en vrai, le temps de voir son fils se faire casser la clavicule et qui, par la suite, n’a plus voulu entendre parler de ce " sport de brutes et de voyous ", s’est, depuis moins d’un an, par écran plat et satellite interposés et avec l’intrusion dans son univers de Canal +, Canal + Sport, Sports +, Eurosport, l’Equipe TV, accessoirement France 2, France 3, France 4 et maintenant Rugby +…elle se permet donc maintenant de porter jugement sur la qualité de jeu de nos différentes équipes professionnelles. La voilà même s’autorisant à composer notre équipe nationale ! Tout dernièrement, au téléphone, pardon, au portable puisque là aussi il y a eu passage à la modernité, elle m’interpelle : "Tu vois, je mettrais le père Ellisalde comme entraîneur –elle admire ses cheveux blancs et…sa verve chaque mardi soir, dans les Spécialistes –et en demis, je placerais à la mêlée Fred Michalak et à l’ouverture, Jean-Baptiste Ellisalde. Lui, on le dit trop vieux, est-ce qu’on est vieux à 32 ans ? "  La vieille dame a fêté ses 90 ans, le 3 janvier ! " Elle poursuit : " D’ailleurs, Ginou est du même avis que moi !  " Et son amie Ginou n’a vu un ballon ovale qu’à la télévision ! Le problème, c’est que les deux – comme mon supporter ci-dessus – ont, peut-être raison !

Tous ces détours pour en arriver au sujet du jour : l’interview par Emmanuel Massicard, dans M.O d’Alain Afflelou, le principal partenaire –1,5 million d’euros ! – de l’Aviron Bayonnais. C’est certainement un très grand chef d’entreprise et d’ailleurs, je porte fièrement, depuis plusieurs années, une paire de lunettes qui vient de sa succursale auscitaine. Dans ses propos, on relève d’abord une humilité de bon aloi : "Je ne suis pas un spécialiste du rugby…il faut un mec du coin (pour présider le club)…, je ne cours pas après les honneurs…, je suis au service…(de Francis Salagoïty). " Par la suite, je trouve insupportable les jugements qu’il porte sur Richard Dourthe. Certes, le Dacquois est connu, en tant que joueur, ensuite comme manager, pour ses éclats, ses colères, ses emportements, ses trépignements…mais, lui, il a le mérite de montrer ses sentiments au milieu du syndrome de la " langue de bois " qui affecte la très grande majorité de ses collègues. De là, à l’accuser d’avoir " éteint les entraîneurs, tétanisé les joueurs, DE PARLER APRES LE PRESIDENT DANS LE VESTIAIRE ! ! !, d’handicaper le club et le groupe de joueurs par son omniprésence ! " Alors, c’est que les entraîneurs et les joueurs de l’A.B ont de bien faibles personnalités et que leurs défaites –avec ou sans Richard Dourthe – ne m’étonnent plus. Nous en revenons toujours à la chasse au bouc émissaire si chère à notre pays et je suis surpris qu’une personne aussi importante qu’Alain Afflelou, si loin de la vie quotidienne de son club, puisse se livrer à ce genre de sport.

Mardi 29 décembre

Les filles de Gruissan sont en émoi et la serveuse du Joffre m’annonce : " Vous avez vu, le Stade Français vient réveillonner au Château de l’Hospitalet ! " Le Château de l’Hospitalet, je le connais surtout à cause de la rudesse de la côte dont la difficile ascension me permet ensuite de descendre, à la Bénésis, sur Armissan. J’apprends que ce grand domaine viticole appartient à Gérard Bertrand, ancien brillant troisième ligne du R.C Narbonne avant de devenir par la suite, un temps, sociétaire du club parisien. D’ailleurs, le journal local, montre le propriétaire en photo, aux côtés de Max Guazzini, de Sylvain Marconnet et d’Arnaud Marchois lors d’une présentation d’une cuvée spéciale " Stade Français ". L’article relate le programme de fin d’année des " Dieux du Stade " : Arrivée à l’Hospitalet le matin du 31 décembre, plongeon dans le grand bain de l’Espace Liberté à Narbonne, promenade dans le domaine puis participation à une " petite " séance de dégustation. En soirée, réveillon dans le patio du château, sous un chapiteau de 200 m2 " recouvrant même les platanes " ! Discothèque, " Bar Lounge " ( ?) espaces restauration, orchestre de variétéqs, DJ " international ", plat d’honneur : des chapons du pays cathare rôtis aux truffes. 250 personnes sont attendues dont plusieurs personalités du sport et de la politique " régionale ". Et ma serveuse d’ajouter : "  vous avez vu, il reste quelques places pour le réveillon mais 145 euros par personne, c’est un peu cher pour moi… " et moi de la consoler : " Demain soir, au Stade Yves du Manoir, contre Montpellier, ce sera moins cher et je vous emmène ! "

Mercredi 30 décembre

Coup de fil de la Vieille Dame : " Dis-moi, pourquoi disent-ils " Boxing Day " à propos des matches de ce soir ? "  Elevée dans le culte de la langue occitane et dans le respect de la langue française, là voilà, maintenant, sur le point de verser dans le shakespirien ! Et je suis dans l’incapacité de lui donner une réponse satisfaisante " ce n’est quand même pas le jour de la boxe ? " ose t-elle avancer. Pourtant, vers 19h30, l’accrochage Pape-Gorgodze pourrait lui donner raison. En attendant, le Stade Français de Jacques Delmas, toujours aussi anxieux, et de Didier Faugeron, superbe d’élégance, se fait secouer par les vaillants guerriers de Didier Bes : Trinh-Duc passe sur le corps de Lionel Beauxis, Matadigo oublie Kuzbick, Gorgodze – le meilleur seconde ligne évoluant en France ? – avance constamment mais Paris défend bien. Les enjeux imprévus de la soirée m’imposent le repli sur le Port et sur Sud-Radio. Je ne vais pas le regretter car c’est avec un énorme plaisir que je vais retrouver la voix de Coluquio . Le suspense de la rencontre et l’envie montpelliéraine vont déchaîner le chantre du sport languedocien. Peu d’impartialité et beaucoup de parti pris certes dans les propos du speaker méridional mais quelle magie pour nous transformer en supporters inconditionnels des bleus et blancs. S’il devait rester une place au réveillon de l’Hospitalet, c’est lui que Gérard Bertrand aurait pu inviter car il a participé autant que Todeschini au succès des régionaux.

Jeudi 31 décembre

Dernière lecture de 2009, le livre écrit par Didier Codorniou " Lenfant de Gruissan ", décembre 2009, éditions Altal, collection Da Principatibus, un ouvrage en 3 grandes parties : Gruissan, Terre de vent, Terre de cœur, puis l’Ovalie, la carrière sportive, enfin Res Publica, la nouvelle vie politique de l’actuel maire de la cité.

C’est d’abord un grand cri d’amour pour le village d’accueil d’une famille d’origine espagnole : la Circulade, la Tour Barberousse, la Plage des Chalets, Notre Dame des Auzils ; les grands événements : la fête de la Saint-Pierre, la fête des Vendanges, les Médiévales, les Festéjades, le Défi…La partie rugby est approchée avec beaucoup de simplicité ; des mots pudiques et feutrés s’évadent seulement la grande admiration portée à Jean-Pierre Rives et la blessure profonde causée par Jacques Fouroux. Dans la longue 3ème partie, on ressent que le petit Prince a abandonné l’ovale ; il s’est lancé dans un autre combat qui occupe, totalement, sa vie actuelle : devenu difficilement maire en 2001, réélu brillamment (83 % des suffrages) en 2007, Conseiller régional, le voilà lancé totalement dans la politique. En le lisant, certains comprendront son ralliement à Georges Frêche, choix que tout le monde n’est pas obligé de partager. Souhaitons au Petit Prince de nous laisser en politique la même image que celle du rugby.

Vendredi 1er janvier 2010

Meilleurs vœux à tous, santé avant tout. Avec le reste, l’amour, la famille l’argent, la vie apprend que l’on peut toujours s’arranger.

Samedi 2 janvier

Samatan quitté depuis si longtemps et revu ce matin sous la neige. Des amis retrouvés dans les deux bars, celui des Sports d’abord, celui de la Fontaine, ensuite. Le LSC cavale en tête de la Fédérale 2, la Réserve est invaincue, deux équipes juniors, deux équipes cadettes, une école de rugby de plus de 200 gamins encadrés par 30 éducateurs dans deux cités qui ne dépassent pas, réunies, les 3500 habitants. A la tête du club, d’anciens joueurs comme dirigeants, d’anciens joueurs comme entraîneurs. Sur le terrain, que des enfants du pays. A la question : " Que vous manque t-il ?" Réponse : " Un gros partenaire ". Surtout pas. Qu’ils vivent leur histoire en totale indépendance : pauvres mais libres et riches en fait.

Dimanche 3 janvier

Magnifique rugby, magnifique Bourgoin ! Tomber le Racing-Metro euphorique depuis plus de deux mois et ce, à Colombes, vaincre le Paris de Nallet et Chabal, ce duo révélé en Berjallie, s’accrocher en infériorité numérique, quelle magnifique récompense pour ce merveilleux duo d’entraîneurs : Eric Catinot et Xavier Péméja, deux hommes si proches, deux hommes que l’on sait dotés d’un cœur énorme et d’une grande compétence. A propos le second n’était-il pas coach de l’Aviron ? Inconsciemment, les Parisiens n’avaient-ils pas mésestimé leurs adversaires du jour ?

Un Stade Français besogneux mais solidaire – la conséquence du stage de vendredi après-midi dans le camp des légionnaires de Castelnaudary ? – est sorti de Sapiac tout heureux du bain de boue et du match nul. Autre surprise : l’écart du score entre Brive et un Perpignan surprenant de passivité ; Maître Jacques ne doit pas être content et va remettre de l’ordre dans le cabanon. A propos d’Auch, saluons le grand renouveau d’Arnaud Mignardi qui retrouve les jambes et l’efficacité qui faisaient lever les tribunes du Moulias. " Pourvu que ça dure " doit dire son grand-père. Johnny Wilkinson a fait dégringoler son pourcentage de réussite avec un zéro pointé sur 4 tentatives : 1 drop et 3 pénalités, il est vrai difficiles. Comme quoi, tous les publics du monde y compris dans les plus petits stades doivent être indulgents envers le buteur. Excellente résistance de Bayonne, beaucoup d’envie mais le Stade Toulousain et un Ellisalde au niveau du jugement de la " Vieille Dame " étaient trop forts ; les Basques, s’ils rééditent leur prestation feront peur aux Berjalliens.

Demain matin, le rugby repart sur Armandie pour la plus grande joie des fidèles spectateurs des entraînements du SUA et ce n’est pas la fraîcheur des températures du Lot-et-Garonne qui va les empêcher de supporter leurs joueurs favoris.

De mon côté, il me tarde de retrouver ma voisine, quittée depuis près de dix jours : une éternité !

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