La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique d'Henry Broncan, le responsable de la formation au SUA. Il commente l'actualité rugbystique de ces derniers jours, marquée par les matchs de Top 14 et l'évènement de plusieurs jeunes joueurs.

Jeudi 28 octobre

C’est toujours l’été indien sur Garonne ; le trio de pédaleurs… sans charme profite de la clémence de cette fin d’octobre pour accomplir une de ses dernières sorties à vélo sans pull ni Kway, ni gants : sur les bords du canal jusqu’au clocher hélicoïdal de Sérignac, aucun record de vitesse ne sera battu mais, à l’arrivée, le monde aura été refait… une nouvelle fois en attendant la prochaine mouture. Même Alain Finkielkraut et son "cœur intelligent" ont droit à un chapitre de la promenade. A propos des régimes totalitaires, le philosophe écrit : "En voulant réduire, jusqu’à la faire disparaître, la part de l’immaîtrisable et de l’incalculable, on bâtit une société d’esclaves" et l’un d’entre nous de transposer la citation au monde du rugby en affirmant que l’entraîneur qui s’efforce de rationaliser toutes les actions de ses protégés en réduisant leurs initiatives et donc, leurs facultés d’adaptation, transformera ses joueurs en asservis. Eternel curseur si difficile à déplacer entre l’entraîneur qui laisse jouer et celui qui empêche de jouer !

Découverte du groupe des trente français désignés pour les tests de novembre. Quand des nouveaux apparaissent, j’aime bien me souvenir à quel moment j’ai, pour la première fois, repéré le sélectionné. Pour Benjamin Fall, c’était pendant la saison 2006-2007 : les Crabos de Bègles étaient venus défier mes Auscitains sur notre terrain mascotte du Bourrec et l’équipe 1 aimait beaucoup, avant de gagner les vestiaires pour le match de 18h30, soutenir les jeunes à la tunique rouge. Pris par mes préoccupations de coach, je n’avais pu assister qu’à une dizaine de minutes de la rencontre mais j’avais immédiatement repéré ce magnifique athlète alors trois-quart centre, qui, à chaque ballon touché, semait la panique parmi les nôtres. Le lundi, comme d’habitude, j’avais consulté les feuilles de match du week-end et noté le nom de ce junior 1ère année. Trois mois plus tard, devenu Agenais, j’avais signalé ce nom au chargé de recrutement jeunes au SUA. Originaire de Langon, fils d’un basketteur de haut niveau, Benjamin était déjà sur les tablettes mais son père avait voulu lui épargner les déplacements depuis le Pôle Espoirs de Talence jusqu’à Armandie et c’est pour cela que les Béglais avaient hérité du jeune prodige.

Vendredi 30 octobre

L’Usap a eu beaucoup de mal à trouver ses marques devant des Castrais dont l’organisation générale fait honneur au couple Labit-Travers. Mis longtemps à mal par les charges de Tekori et le pied de Teulet, les Catalans ont su trouver dans leur "sanquette" héréditaire, le pouvoir de renverser une situation pourtant bien compromise aux citrons que l’on a supposé plutôt amers, dans les vestiaires d’Aimé-Giral. Rentrée déterminante de Guilhem Guirado, récompensée immédiatement par l’essai victorieux – superbe transformation de Jérôme Porical – et par… une sélection largement méritée en Equipe de France. Découverte, à gauche, de Jérôme Schuster dont le patronyme me laissait croire qu’il nous venait comme tant d’autres, des antipodes alors qu’il est bien natif de Perpignan et que ses premiers pas, derrière l’ovale ont eu lieu dans le club au nom magique pour ceux de ma génération de Côte-Vermeille. Bon point aussi au seconde ligne de Villeréal – pas encore 20 ans ! – Yohan Vivalda dont les 2 mètres et les 110 kilos n’ont pas été retenus il y a trois ans, par le SUA. Le trio Jacques Brunel, Franck Azema, Bernard Goutta fait vraiment un excellent travail, travail qui doit être donné en exemple à tous les clubs professionnels.

Samedi 31 octobre

Toujours du côté des jeunes, cet après-midi, pour la seconde fois dans le mois, c’est la fête de Jonathan Wisniewski. Enfant de Gaillac mais formé à la belle école toulousaine aux côtés des Médard, Mermoz, etc… Jonathan a quelque peu erré entre Colomiers, Castres et Aix-en-Provence, plus ou moins discuté comme tout ouvreur de l’Hexagone. Récupéré par le Métro-Racing, on se souvient de la transformation manquée, face aux poteaux, contre le Stade Montois, lors de la demi-finale de Pro D2. Il a fallu des mois et même des soins pour retrouver l’équilibre d’autant que la concurrence d’Andrew Mehrtens ne laissait guère de temps de jeu. Réinstallé par Pierre Berbizier aux commandes des ciels et blancs, Jonathan a crevé l’écran de ses…anciens coéquipiers par un pied parfait et une feinte de passe digne de Grand-père "Cassou" dont j’ai deviné les yeux humides d’émotion, du côté de Gaillac.

Autre ouvreur à la lumière après beaucoup d’ombres : Benjamin Feilles dont mon ami, Jean-Claude Tardieu, le dynamique et volubile Président du Comité départemental du Lot, m’avait enseigné le potentiel, lors de l'été 2006. Formé à Villefranche du Queyran, sous la houlette de Jean-Marc Garin, "Benji" avait suivi ses parents lors de la délocalisation de la SEITA de Tonneins à Strasbourg. Rien ne vaut les poteaux du Sud-Ouest et les douceurs de Garonne. C’est à deux enjambées de chez lui, sur les rives du Gers, que le gamin a troqué les saucisses d’Alsace contre un bloc de foie gras. Champion de France avec les Espoirs du FCAG en 2007, gravement blessé au genou pendant la saison 2007-2008, convalescent l’an dernier, le voilà enfin revenu en pleine possession de ses moyens : le Stade Aurillacois s’en est aperçu à ses dépends !

Dimanche 1er novembre

Depuis hier au soir, nous sommes à Toulon, comme d’ordinaire le lit à l’hôtel Dauphiné et la table, à la Brasserie "Le Chantilly". Comme d’habitude, le soleil inonde la rade et c’est en t-shirt, short et tongues, que je prends le petit noir et l’air marin devant les bateaux de plaisance. Autour du banc le plus proche, des supporters du RCT – une bonne vingtaine – se sont rassemblés pour commenter la rencontre de la veille. N’ayant pas manqué le début du regroupement, je comprends que deux d’entre eux étaient à Bayonne, qu’une dizaine ont vu le match sur Rugby + et que le reste s’est contenté de la lecture de Var-Matin. Si je n’avais pas été là si tôt, au bout d’une heure de conversations fortes, colorées et animées, j’aurais pu penser que tous étaient à Jean-Dauger la veille. Euphorie générale même si quelques-uns d’entre eux actionnent la dent dure sur certains joueurs. En effet, chaque prestation individuelle est décortiquée, pesée, jugée, alternant dithyrambe et sarcasmes. Van Niekerk, même s’il ne jouait pas mais qui a accompagné l’équipe et qui a accompli sur la Côte Basque, une séance de physique, reste le "chouchou" de tous les cœurs. Quant aux Catalans de l’Usap, chez qui le RCT se rend jeudi prochain : "On va les fracasser…" A deux pas de là, j’ai cru voir un sourire de béatitude sur la statue de Raimu.

C’est à Ange-Siccardi que les Espoirs du SUA drivés remarquablement par le trio international Crenca-Gelez-Barrau s’imposent, largement, 33-12 (4 essais à 2), sur de jeunes Toulonnais trop fébriles et manquant d’humilité. Au milieu de la seconde période, une bagarre générale d’un autre temps occupe idiotement l’ensemble des acteurs et fort logiquement, l’arbitre du Comité du Roussillon, M. Zitouni distribue deux cartons rouges. Ce sera le seul bémol dans un beau week-end qui m’a permis de retrouver Paul et le car de l’équipe 1 (Paul est comme cette dernière : il n’arrête pas de progresser !) et de constater que le SUA dispose d’un bien beau réservoir de jeunes de qualité et surtout passionnés par le rugby.

Lundi 2 novembre

Une pluie fine et permanente sur le Gers et même le froid : sur les rives de Baïse, 15 degrés de moins que la veille, au Mourillon. Dans la soirée, un coup de fil inattendu : le Président de la Fédération du Kirghizistan, Askalary Naraliev, "branché" par mes amis géorgiens me sollicite pour donner un coup de main à son pays : mon interlocuteur, dans un très bon français, m’explique que son pays dispose de "sérieux atouts" en matière de rugby avec même une équipe féminine, phénomène inédit en Terre d’Islam, et que parmi les trois clubs masculins du pays, l’un se trouve dans la ville d’Och – 240 000 habitants ! - ce qui l’a poussé à appeler également le maire de notre Auch, M.Montaugé, pour un éventuel jumelage sportif. L’équipe nationale participe à des tournois avec l’Ouzbekistan, le Kazakhstan, et l’Iran dans le cadre du Championnat d’Asie. Des heures d’enseignement de rugby sont dispensées régulièrement à l’Académie des Sports de Bichkek et, toujours pour mon interlocuteur, "le rugby est le meilleur sport pour former les meilleurs djiguiles" c’est-à-dire les héros kirkhiz.

Sur le "Bruher", le livre de géographie de mon enfance au lycée de Mirande, je revois une photo en noir et blanc de cavaliers Kirghiz. Ils me faisaient rêver. J’ai proposé à ma voisine que nous partions dans cette longue marche vers l’Est. Elle m’a dit qu’elle préférait son deux pièces de la rue Lavoisier aux yourtes du Lac Yssik Koul. J’ai sagement rangé mes rêves et j’ai repris ma bicyclette pour me rendre dans les bureaux d’Armandie.

Jeudi 5 novembre

Rugby + et Canal + Sport diffusent largement les évolutions de la journée de Top 14. Sans doute les traces du week-end précédent trop proche ajoutées au poids des nombreux matchs disputés précédemment, peut-être aussi les premières froidures, mais il m’a semblé que l’ensemble des équipes manquaient d’enthousiasme et semblaient pressées d’expédier les affaires courantes avant de partir en vacances. L’inconvénient, c’est que nos internationaux ont du pain sur la planche et qu’il ne faudra pas se manquer samedi prochain contre les voraces springboks qui, eux, ne sont jamais fatigués. Par ailleurs, les résultats ont été conformes à la logique puisque chacun est resté maître sur son territoire, les visiteurs, y compris l’Aviron bayonnais, n’étant pas dans des dispositions d’esprit autorisant un quelconque exploit. A ce jeu, plutôt décevant pour le téléspectateur, seuls les Albigeois ont été conformes à leur caractère luttant jusqu’au bout à l’image de leurs ancêtres cathares. Au fait, il y a longtemps qu’il n’y a plus de Cathares !

Bon retour de Benoit Bourrust face aux Toulonnais : ni Taumoepeau, ni Emmanuelli, n’ont fait reculer le jeune colosse de Lasseran. Quant à Pascal Idieder, je le devine, tout sourire, buvant du petit lait.

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