La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
Publié le
Partager :

Dans sa chronique hebdomadaire, le coach agenais Henry Broncan revient notamment sur le championnat d'Europe des Moins de 18 ans mais aussi sur la belle prestation du pilier biarrot Fabien Barcella contre Perpignan vendredi.

Vendredi 10 avril

Gilles au volant, l'autre Henri au GPS et moi sur la banquette... pour dormir, nous voilà tous les trois sur l'autoroute du soleil –pas une seule apparition- pour rejoindre Toulon où se déroulent les phases finales du Championnat d'Europe des moins de 18 ans. A La Seyne, lieu de notre hébergement, nous avons la chance de nous retrouver au milieu de l'équipe anglaise qui est opposée à nos coqs, le lendemain, en finale. Les joueurs, après le repas, déambulent en toute décontraction dans les couloirs de l'hôtel : des rires, des taquineries, des enfants ; une colonie de vacances... Au bar, les coachs et intendants occupent les lieux... De vrais British à la Ashton, joues plus rouges que la rose, cheveux plus blancs que le maillot ; ce dernier a du mal à cacher les ventres rebondis d'autant que les grandes chopes de bière s'accumulent... Trois dames, deux kinés et la responsable de la préparation physique, visages au couteau, tailles fines, sèches : l'anglaise éternelle ; je suis rassuré : ma voisine ne risque pas d'être recrutée par le XV de la Rose. Rien ne laisse présager qu'un grand match sera disputé le lendemain.

Samedi 11 avril

Deux matchs sur le stade de La Seyne plutôt coquet s'il n'était pas grillagé. A 10 heures, l'Arménie affronte Israël ; dans les tribunes 10 spectateurs et... 10 policiers en tenue de combat. Rencontre peut-être pas de haut niveau mais disputée avec acharnement, chaque équipe donnant le meilleur d'elle-même. J'apprends que les Arméniens sont presque tous des Français ; d'ailleurs leur coach, Bos, ancien de Montluçon ne connaît, comme moi, que notre langue et s'en sert abondamment. Ils remportent leur premier succès du tournoi, ce qui leur donne l'avant-dernière place mais leur joie fait plaisir à voir. Côté Israël, il y a de la déception mais deux essais inscrits sur le final, permettent d'espérer pour le futur.

Après les vestiaires, le numéro 9 victorieux m'accoste : "Vous êtes bien H.B ? Je vous reconnais à la casquette... Je suis de Condom et je suis le demi de mêlée des Crabos du FCAG." Petit sourire de ma part : "Nous risquons de nous rencontrer lors des phases finales !" Dents serrées, éclairs dans les yeux : "J'espère bien !" Voilà un Arménien qui est devenu un véritable Gersois !

A 11h30, les policiers ont disparu mais je ne risque rien avec ma garde de fer : il y a Zedginidze, ancien Auscitain et capitaine de l'équipe nationale de Géorgie, Grégory Labadze ancien capitaine de Toulon, David Kubriashvili pilier droit du RCT et Giorgi Mchedlishvili, un jeune espoir de l'USM, à la recherche d'un club et dont on entendra parler. Avec eux, je me sens plus en sécurité que lors de l'exercice précédent. L'occasion de rencontrer de nouveau Tim Lane, l'Australien passé par Bègles, Brive, Montferrand et Toulon, devenu le patron du rugby caucasien. Pour la 7eme et 8eme place, mes "petits" géorgiens bien marris par leur échec de mercredi contre le Russes 17-18 –après avoir mené 17-3 ! - affrontent les Italiens.

Toujours des piliers, un beau seconde ligne, un numéro 9 actif, du pied derrière mais toujours les mêmes difficultés dans la circulation des hommes et du ballon. Victoire relativement large mais la sélection italienne est faible : défaite devant la Belgique au tour précédent. Après le match, accompagné de mes hommes de main et surtout de langue – je n'ai jamais pu retenir le mot "bonjour" en géorgien –je vais à la rencontre d'un joueur qui m'a tapé dans l'oeil.

Dès le début de notre entretien, nous sommes entourés de tous ses camarades qui veulent également se rendre en France. Oeil bienveillant de leurs coachs y compris Tim Lane qui nous explique que c'est dans notre pays qu'ils vont progresser et donc pouvoir rivaliser avec les puissances de l'Ovale.

A 14 heures, rendez-vous à Mayol ; le public a répondu présent et les grands de notre rugby sont bien là dans les tribunes relativement garnies : le Président de la FFR, M. Pierre Camou, le Président de la FIRA, M. Jean-Claude Baqué accompagnés par M. Falco, Maire de Toulon ; les locaux sont sur place : M. Mourad Boudjellal habillé sans ostentation accompagné par son futur manager général, Philippe Saint-André, chemisette, short et pas de chaussettes sans correspondance avec la fraîcheur du temps, M. Eric Champ, M. Jean-Claude Ballatore, M. Aubin Hueber...Tous unis dans les bises et les accolades. C'est fou ce qu'on peut s'embrasser sur la Rade !

Pour la troisième place, une superbe équipe d'Irlande atomise des Roumains solides, courageux mais dépassés par le rythme imposé. Les verts nous offrent un récital, ¾ et avants mélangés dans un feu d'artifice de relances.

A 16 heures, une équipe de France, bien préparée, solidaire, organisée en touche mais défaillante en mêlée, pas toujours fluide derrière l'emporte au forceps devant une Angleterre solide à l'impact : un pilier gauche et un talonneur de combat, deux secondes lignes à la Britannique, un centre sosie de Robinson... Chez nous, la paire de demis sait faire la décision : Doussaint, le même cul bas que son père (grand ouvreur par le talent, de St-Girons) fait marquer Girard – encore un Massycois ! – et Lesgourgues de Biarritz s'enfile seul pour la réalisation victorieuse. Des fils d'anciens adversaires savent s'illustrer : Galan de Montauban, Palis de Gaillac, Borderie de Valence d'Agen...

Mon petit pilier de Casteljaloux, Jérémy Ounzari, en qui je crois beaucoup, prend une bonne séance en mêlée ; il mesure ainsi le travail qu'il doit accomplir pour devenir un joueur de haut niveau.

Retour sous la pluie mais le stade de la Méditerranée chante : l'ASBH est en train de battre La Rochelle alors que le Parc de l'Amitié pleure : le RCNM plie devant le Lou ! Défaite du Stade toulousain à cause de la femme galloise de M.White : "Depuis Adam, il n'y a guère de méfait en ce monde où une femme ne soit pour quelque chose !" William Makepeace Thackeray.

Dimanche 12 avril

Le Sélery devenu Michel-Bendichou en l'honneur d'un homme qui a su conduire l'U.S.Colomiers depuis la 4ème série jusqu'à une finale du Championnat de France de l'Elite. Avec le Lombez Samatan Club puis le Football Club Auscitain, je les ai vus passer et ils sont encore là : les Berges, Guibert, Julien, Flouresse... défenseurs des valeurs authentiques de notre sport. Dans un recoin, le Président Alain Carré vient presque s'excuser d'avoir recruté 5 Auscitains. "On leur a dit de partir" et il me cite Matadigo, Menkarska, Couzier, Bortolucci et le petit Nathan Thierry, la dernière perle gersoise.

Ca fait mal de voir partir Greg et Fred, deux vrais, de chez nous, le maillot rouge au coeur mais le long de la Nationale, l'émigration vers les lumières de l'USC a toujours fonctionné : Brunel, Milhas, Graou, les Fleurantins Lorenzi et Moro... de nos jours, Busato, Smara, Bortolaso, Carriat, Tidjini, Denechaud, Sallecanne, Bohn, Cholley, Friand, Pujo père et fils sont tous passés par Auch avant de rejoindre la Colombe mais le meilleur des locaux sera leur numéro 8 Pascal Vignard qui a circulé de Gimont à Lombez puis à Fleurance sans s'être arrêté au Moulias. Carton pour l'entraîneur du FCAG de l'époque !

Bien que mené à la mi-temps, le SUALG ne s'affole pas d'autant que les jambes du triangle Vaka, Edmond-Samuel, Huget et les percussions de Fonua troublent la défense banlieusarde. Victoire relativement facile. A noter les progrès dans la discipline : une seule pénalité encaissée en seconde période et le cadeau de Fonua à Caucaunibuca – beau geste dans un milieu où un semblable présent s'est perdu.

Deux de mes jeunes sont partis avec l'Equipe de France Universitaire à 7 disputer un Tournoi à Nancy. J'avais averti leurs coachs : le premier sera très bon sur le terrain et impeccable tout au long du séjour ; le second sera bien sur le pré mais exceptionnel dans la 3ème mi-temps. Texto nocturne de Xavier Pujos, émigré vicquois vers le Racing, responsable de l'équipe en compagnie de Laurent Violle : "B. est au niveau que tu avais annoncé !", ça détend.

Mercredi 15 avril

Un "historien" du rugby agenais me promène le long des photos d'équipes qui ornent la salle Pierre Clerc ; les titres et les internationaux se multiplient. Il connaît l'aventure de chacun. Devant la photo des champions de 1962, il lâche : "Tu vois, cette photo est truquée. Le Président de l'époque a fait enlever les portraits de l'entraîneur M. et du soigneur G. Regarde bien, le trucage est facile à déceler... On a même descendu M. qui était debout pour l'installer sur le banc !"

Jeudi 16 avril

Coup de fil auscitain : Serge Kampf vient d'envoyer un chèque de 100 000 euros accompagné d'une lettre pleine de tact. Je l'embrasserais si je pouvais ! Depuis là-haut, Jacques doit lui aussi verser une petite larme. La solidarité témoignée entre le Maire d'Auch et le Président du Conseil Général du Gers autour du Club et de son Président m'émeut fortement.

Vendredi 17 avril

Billeterie débordée ; Armandie se remplit : plus de 10000 spectateurs sont attendus pour la venue du Lou ! Les supporters demandent déjà la possibilité de réserver pour la ½ finale à domicile ! Christian Lanta, Christophe Deylaud et les joueurs refusent de tomber dans ces excès. Le mot d'ordre reste "H UMILITE" mais on peut comprendre l'impatience de ce public amoureux du rugby sevré de phases finales.

L'heure de jeu entre un B.O à la peine et l'USAP en tête au score 10 à 9. On se demande comment les Basques vont se sortir du guêpier jaune et rouge et puis vient l'exploit qui me fait lever du fauteuil où la somnolence me gagnait : Fabien Barcella expédie Nicolas Mas sur le toit de la mêlée ; je sais : vous allez rétorquer que vous préférez un franchissement de Van Niekerk, une échappée de Kelleher, une diagonale de Carter, un passage de bras de Jauzion, un cadrage débordement de Candelon – quel plaisir de voir ce petit traverser les gros – une relance de Médard. Pour moi, l'exploit de l'ancien auscitain m'a fait jubiler d'abord parce qu'il a été réalisé devant le meilleur pilier droit de France mais aussi parce qu'il est l'oeuvre d'un sacré collectif impliquant tout le huit de devant, surtout le talonneur, le seconde ligne et le troisième ligne de gauche. Je suis sûr que le Jacques d'en haut a bondi lui aussi de son siège et que celui d'en bas, celui de Courrensan devenu Catalan, s'est mordu la moustache de colère. D'ailleurs, la sanction n'a pas traîné : remplacement immédiat mais Nicolas nous revaudra ça lors des demi-finales.

A partir de cet instant, le B.O ne pouvait plus perdre ! Quel bonheur pour ce petit Fabien sous-estimé à Agen puis au Stade toulousain, ressuscité dans son pays de Valence d'Agen, révélé à Auch dans la difficulté –Idieder et Bourrust lui ont mené la vie dure ! – et maintenant numéro un de France ! C'est un exemple de réussite par le travail pour tous mes jeunes piliers du SUA qui ont beaucoup d'atouts pour devenir de bons joueurs mais dont la constance dans l'effort n'est pas le fort.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?