La chronique de Broncan

Par Rugbyrama
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Retrouvez la chronique toujours aussi passionnante d'Henry Broncan, manager du SU Agen, qui revient sur la défaite à Narbonne et sur les difficultés rencontrés par plusieurs entraîneurs professionnels.

Samedi 25 octobre

Narbonne sous le soleil et l'Egassiairal sans le vent : que peut-on imaginer de meilleur pour disputer, sous la dernière heure été, un match de rugby ? Les lignes arrières du Racing ne vont pas se gêner pour libérer toute leur énergie dès le coup d'envoi ; les leçons de Maître Arlettaz portent leurs fruits et le jeune Grammatico me confirme tout le bien que je pensais de lui depuis un match d'Espoirs contre le FCAG en 2006 ; au RCNM, pas question de se recroqueviller sur la peur des règles expérimentales et sur la sempiternelle occupation du terrain : volonté perpétuelle de relancer le jeu même dans les 22 et comme la 3ème ligne, jeune rapide, enthousiaste, légère, soutient sans cesse, le gâteau de l'entame est, sans partage, languedocien. J'ai bien aimé aussi leurs touches à 5, Buada utilisé dans ces cas-là à l'ouverture et tout le jeu construit de leurres au centre du terrain. Le SUA, surpris par tant d'audace se reprend bien autour de sa mêlée efficace et de son alignement performant ; il peut renverser le score dans les derniers instants ; à peine, un brin de lucidité supplémentaire... Pour Béziers ?

Dimanche 26 octobre

Dimanche matin sans Eole et sans nuage sur Gruissan ; le vieux village a du mal à se réveiller après le bal des vendanges qui a dû se prolonger tard dans la nuit. Pourtant le car du Rugby Club est parti de bonne heure direction Andorre pour disputer un match de championnat de Fédérale 3.C'est avec regret que je quitte l'étang et ses flamants mais à 15 heures, Armandie accueille les Espoirs d'Auch et je ne veux pas manquer ce rendez-vous.

C'est une trentaine de joueurs que Mike Lebel, le vieux complice de beaucoup d'heures au LSC et au FCA, a conduit sur les bords de la Garonne. Dans l'ensemble présenté, je détecte à peine 3 ou 4 inconnus dont je sollicite immédiatement les noms auprès de l'entourage. L'environnement justement n'a pas changé : un titre de Champion de France Espoirs en mai 2007, une saison d'invincibilité totale en 2007-2008, ça vous forge une complicité à toute épreuve. Gilissen et sa caméra, Bernard et son stylo, Rose splendide au soleil d'automne comme une rose anglaise. Parmi les rouges, plusieurs ont même subi mes cours d'histoire et pour l'un d'entre eux au moins, j'ai un meilleur souvenir de lui en salle 28bis à Belleforest que sur Pierre-Brocas et plus tard sur le Moulias, encore que son pied gauche se soit encore allongé. Match très équilibré : les partenaires de l'impeccable Medves nous bousculent en mêlée par le jeu de leurs deux premières lignes et nous contrent habilement en touches, opèrent souvent eux aussi à cinq dans l'alignement et envoient pénétrer Karim au milieu du terrain. C'est sur l'annexe de la Méditerranée que j'ai découvert les 125 kilos et les percussions de ce numéro 8 : beaucoup de pépins physiques ont retardé l'évolution de ce beau "poulet" élevé en Bresse. Si les blessures daignent enfin le laisser tranquille, nous en reparlerons. Il saura me glisser : "J'espère que Pierre-Henri pensera à moi quand je serai plus en forme." Côté Bleus, un ouvreur de 18 ans, Stéphane Guénin, dans cette chaude après-midi, bénéficie du soutien exhaustif de toutes les fées d'Armandie : 30 points sur 35 à son actif : 2 drops, 2 transformations, 5 pénalités, un essai personnel sur une course de 95 mètres !... et un cadeau à son ailier droit après une diagonale parfaite : une performance qu'il lui sera bien difficile de rééditer car en rugby comme ailleurs, le plus difficile c'est de confirmer. En attendant, c'est lui qui nous permet la victoire 35-26. Comme quoi, un seul joueur est là et tout est facile même dans le sport par essence le plus collectif !

Dans la sympathique réception, salle Pierre-Clerc, organisée de maîtresse façon par Nelly, la grande prêtresse des lieux - notre Blanche de Castille ? - la conversation roule beaucoup sur les souvenirs. Nous apprenons l'échec sans bonus de l'équipe I du FCAG à Colomiers. Des grimaces : les temps aussi sont durs au pied de la Cathédrale Ste-Marie et le long des pousterles.

Lundi 27 octobre

Les anciens le savent - les jeunes un peu moins - avec le passage des palombes, quelques entraîneurs s'envolent. A Toulon, le seul français de l'encadrement, Jean-Jacques Crenca, fait les frais de la défaite, à Mayol, contre Castres. J'apprends que l'ancien pilier du SUA, l'enfant terrible de cette première ligne exceptionnelle dont il occupait le côté gauche auprès de Jean-Baptiste Rué et Omar Hassan, va revenir dans son pays, celui qu'on n'aurait jamais dû lui laisser quitter. J'espère qu'il viendra vite donner quelques précieux conseils à mes petits Bardon, Pétin, Tescher, El Jaï, Potier... qui rêvent de connaître la même carrière que leur maître à tous et leur idole.

A Auch, Pierre-Henri a donné sa démission. Très jeune coach - le plus jeune qu'ait connu le TOP 14 - l'enfant des Aréous a encore du mal à supporter la pression qui pèse sur les entraîneurs professionnels. Très entier - trop ! - caillou élevé dans ce sérail du Lombez-Samatan-Club où on ne pardonne jamais le manque d'implication d'un joueur, il souffre dans ce monde où certains pensent davantage à leur plan de carrière qu'à la réussite de l'équipe dont ils portent le maillot. L'épreuve qu'il connaît déclenche - je reste persuadé que dans tout malheur, il y a toujours un rayon de soleil qui traverse les nuages noirs - je reçois le coup de fil – nos portables s'étaient pourtant perdus - d'un haut personnage de la vie gersoise. Nous étions deux amis, complices dans la victoire – quelques chansons à boire sur la place de l'Hôtel de ville- mais aussi beaucoup de réunions en tête à tête dans son bureau de la route de Pessan, quand le FCAG tanguait car il n'y a pas eu que du beau temps lors de mon séjour sur les rives du Gers. Mon départ pour Agen nous avait violemment opposés d'autant plus violemment que les liens qui nous unissaient étaient resserrés : une déchirure profonde comme une fracture comme celles que connaissent ceux qui sont frères. C'est un long entretien, de ces entretiens qui vous réconcilient avec la vie et qui vous rappellent qu'on ne peut pas rompre avec son passé et que les amitiés nouvelles ne pèsent guère avec celles qui vous ont accompagné pendant des années.

La suite de la chronique demain jeudi...

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