La chronique de Broncan

Par Rugbyrama
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A quelques heures du premier match d'Agen dans cette saison 2008-2009, retrouvez "Les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, le manager agenais.

Mardi 26 août

Sur la petite lucarne, nous souffrons pour le RCT anesthésié par le poids d'un retour à domicile en Top 14 dans son antre de Mayol bourré jusqu'à la Rade d'un côté et jusqu'aux balcons des immeubles avoisinants. Les Auvergnats déroulent leur jeu léché comme la potée d'une grand-mère du Puy-de-Dôme : 13 à 0 pour des citrons bien amers pour Mourad si pâle sur ce banc de touche qui devrait lui être interdit, mais que peut-on refuser aux Editions du Soleil ?

Que s'est-il passé dans les lumières tamisées des vestiaires respectifs ? Côté gauche en regardant la tribune d'honneur, je crois apercevoir Jeannot Crenca, le sanguin, piquer une de ces colères que Christian Lanta lui a apprise. A droite, Vern Cotter légitimement satisfait des siens, placide, sûr de son rugby, n'a t-il pas oublié de prendre en compte la force réactionnelle qu'il était pourtant facile de prévoir dans les rangs toulonnais ? Pendant la seconde mi-temps, derrière un Collins enfin du pays, les maîtres des lieux se lâchent dans un hourra-rugby fait de "up and under", de contres, de plaquages, de courses éperdues sur tous les ballons – rugby des pauvres, rugby des affamés – et pour les récompenser de cet engouement, tous les rebonds leur sont favorables. Les Monferrandais, maintenant la potée dans l'estomac puis dans les jambes, ne peuvent plus respirer. Ledesma, Mignoni et James sombrent comme un soir de finale encaissant un sévère 22-3. Mystère perpétuel du rugby : comment peut-on passer d'une domination outrancière à pareille débâcle ?

A Toulon, le jeune Andreu crève l'écran. Les spécialistes qui commentaient auraient pu indiquer qu'il fut Gersois, Nogarolien en fait. Comment ai-je pu, en tant qu'entraîneur auscitain, laisser filer pareille perle ?

Mercredi 27 août

Premier de nos six entraînements décentralisés du SUALG, à Aiguillon, au pied du château fastueux du Duc, dans la cité dont Stendhal a loué la beauté. Christophe Mombet manager du Pôle France et les entraîneurs de Marcoussis : Gérald Bastide, coach de ce club d'Arras qui retrouve le bonheur en regagnant la Fédérale 1 en compagnie des voisins lillois – on travaille bien l'ovale chez les Ch'tis – et Jean-Marc Béderède, ex-talonneur du FCAG, conseiller technique du Comité Armagnac Bigorre si cher à l'ami Tony, sont les responsables de la promotion 2008 de Marcoussis. En début d'après-midi, ils exposent aux éducateurs du Périgord-Agenais, en présence du Président Jacky Laurans, la politique fédérale en matière de suivi de la filière jeunes de haut niveau. Quelques passionnés sont là, carnet de notes à la main. Tous les éducateurs du P.A ont été conviés par le Comité ; peu se sont déplacés : information insuffisante ? Pourtant tous les clubs ont été avertis ! Beaucoup travaillent le mercredi après-midi ? L'absence de la plupart des Suavistes me déçoit. Dans certaines bouches, j'ai souvent entendu des critiques virulentes sur la gestion des pensionnaires de Marcoussis. C'était le moment de pouvoir exposer en direct certains griefs et d'entendre les justifications. Cette année, avec trois joueurs là-haut (Alexis Bales, Antoine Erbani et Benjamin Pêtre) c'était une motivation supplémentaire. Dommage !

Le club d'Aiguillon dans le sillage de son Président le Docteur Reginato, a tout fait pour rendre l'accueil le plus agréable possible. Sous des rayons de soleil très généreux, Christian Lanta et Christophe Deylaud dirigent un entraînement bien rythmé. Sans leur laisser le temps de récupérer, ils sont soumis aux questionnements des éducateurs très intéressés par leur argumentation. Pendant ce temps, les juniors de Nérac et de l'Entente Aiguillon-Port-ste-Marie s'affrontent amicalement sous la direction d'Alain Barbiero, l'éducateur local. A 18h30, match de haut niveau entre les Espoirs du SUA bien en jambes et les jeunes de Marcoussis. Débuts de Taniela Rawaqa, l'international fidjien, très vite auteur d'un essai dans la tradition îlienne et grande joie dans les tribunes tout acquises au compatriote du si regretté Caucau. Les jeunes Mondoulet, Pétin, Gaston Malik, Guenin, Fund, etc... dominent nettement la première période avant de souffrir par la suite. Victoire cependant 19-14. En face, Alexis Bales démontre ses qualités de meneur de jeu alors que l'ailier toulonnais Vinzelle –un Niçois d'origine – confirme les qualités que j'avais notées lors des quarts de finale Crabos au printemps dernier.

Dîner dans la joie et la bonne humeur ; les Aiguillonnaises savent cuisiner... enfin presque toutes !

Samedi 30 août

La canicule tombe sur les stades et je m'inquiète pour Alain Gaillard assommé sur son banc. Par contre, je râle après les arbitres, non pas pour le scellé du ballon ni pour le plaqué qui ne lâche pas le plaqueur ni pour les lignes de hors-jeu maintenant délaissées. Ce qui m'énerve, c'est qu'ils se croient obligés, sur nos stades de l'hexagone, à parler en anglais aux joueurs étrangers. C'est pas possible : coupons leur la langue ! Le pire, c'est mon ami, Didier Mené, avec son accent du Capcir mâtiné de provençal, s'évertuant à inciter par un "Quick" que seul un profane de la langue de Shakespeare comme moi peut comprendre, le demi de mêlée toulonnais à introduire plus rapidement. Pas étonnant que Henjack l'ait regardé avec stupéfaction : je suis sûr qu'il n'a pas compris . Nous sommes à l'aube du jour où nos commentateurs nous relateront les matchs en Anglais ! "Stop !" Pardon, "Assez! "

Jeudi 4 septembre

La nouvelle m'accable ; en regardant le site Rugbyrama pour y compter les blessés auscitains, j'apprends le décès d'André Garrigue, mon Président de l'US Montauban lors de mon court séjour – 15 mois – dans la capitale du Tarn et –Garonne.

Quatre flashs éclairent ma mémoire ; en avril 1968, quelques clubs s'intéressaient à mes prestations de demi de mêlée derrière le pack mirandais : il est vrai que derrière les Cavaliere, Lantin, Combina, Wolczack, Garcia etc... n'importe quel n°9 aurait fait bonne contenance. Le FC Auch qui n'était pas encore Gers me sollicitait mais nous venions de monter en seconde division et cela suffisait à mon bonheur. Mon père que j'avais enfin réussi à convaincre de transférer ses émotions sportives jusque là footballistiques vers les rebonds incroyablement capricieux de l'ovale vint me chercher dans la cuisine du restaurant familial pour m'annoncer qu'André Garrigue me demandait dans la grande salle. C'était, à l'époque, le Président du Comité de sélection de l'Equipe de France ! Dès notre première conversation, ces courants inexplicables qui font que deux êtres s'apprécient malgré des âges et des convictions antinomiques nous attachèrent. Chaque fois – trop peu souvent – que j'ai par la suite retrouvé André, de grands sourires éclaireront nos visages respectifs. Il eut beau jeu d'obtenir ma signature... A peine si, comme les coquettes, lui ai-je demandé quelques jours de réflexion avant la signature ! Il obtint officiellement celle-ci sur le coin de table d'un grand café de la capitale.

Il faisait grand soleil sur la Ville Rose et la France vivait les derniers jours du mouvement de Mai. André était très attaché au Général de Gaulle et ne cachait pas son idéal politique. Avec bonhomie, je lui avais alors proposé de nous rendre dans la Faculté de lettres où j'étais encore étudiant. Nous voilà partis rue des Lois, direction Albert-Lautman. La Fac vivait ses derniers moments de liberté : dans des tas de cageots, des fruits, surtout des pommes, amoncelées là dans la précaution d'un possible siège pourrissaient ; assis sur les parterres quelques étudiants péroraient encore, d'autres trinquaient en compagnie de clochards qui avaient trouvé là asile. Cela sentait le désarroi dans lequel notre révolution s'éteignait. Nos ambitions de changer le monde sombraient dans la chienlit. André, costume et cravate impeccables, très attaché à l'ordre "rougagnait" dans ses roulements des "R" du Roussillon. Cette visite l'aura beaucoup marqué car lors de nos rares rencontres ultérieures, il n'oubliait jamais de me le rappeler avec amusement.

Notre dernière rencontre date de l'hiver 2006 ; je conduisais le FCAG à Sapiac dont les protégés caracolaient en tête de la D2. Il avait tenu à me saluer sur la pelouse d'avant match : Jean-Claude Sahuc, un de mes partenaires de l'USM de 1968 lui avait permis de franchir péniblement le cordon de sécurité des vigiles. "Henry, je ne t'embête pas plus car je sais que tu as un match à préparer... Nous nous verrons à la fin, n'est-ce pas ?" Je l'avais rassuré et je me faisais une joie de discuter avec cet homme que j'admirais secrètement.

Contre les premiers du classement, nous avons fait un bon match bien que diminué par les absences de nos 4 sélectionnés dans l'équipe de France des moins de 21 ans : Denos, Mignardi, Clarac et Bourrust. Un peu de Piraveau et beaucoup de Fauqué ont fait la différence mais j'étais quand même content malgré la défaite de la prestation de mes ouailles. A la réception d'après match j'ai retrouvé quelques copains de l'époque et j'ai aussitôt demandé la présence d'André au milieu de nous : têtes baissées de mes voisins : "Il est parti vexé et furieux... Il voulait te voir dans les vestiaires et les vigiles l'ont empêché de passer, lui le joueur, l'entraîneur, et le Président de l'USM pendant près de 30 ans !" Putain de professionnalisme !

Vendredi 5 septembre

Magnifique sourire de ma voisine et affirmation qui me rassure : "Je serai là dimanche."

SI elle là, je sais maintenant qu'on ne peut pas perdre !

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