La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Retrouvez "Les pas perdus d'un coach", la chronique du manager agenais Henry Broncan. Cette semaine, il revient notamment sur le premier match amical du SUA, contre Bergerac.

Vendredi 1er août

Nous voici sur le point de clore notre stage en Carladez – un temps, aux XVIIème et XVIIIème siècles, fief des Princes de Monaco : une compensation de Louis XIII ! Entre les entraînements bi-quotidiens, les nombreuses séances vidéo, les réunions techniques, les recommandations sur les rapports humains, les approfondissements sur les nouvelles règles et les discussions sans fin et sans garantie sur la dure saison en perspective, j'ai à peine eu un moment pour poser mes crampons dans les ruelles de Mur de Barrez, le chef-lieu de canton. Le nom de cette bourgade avait tintinnabulé dans mes esgourdes à la fin des années 60 quand, jeune enseignant, jeune marié et jeune papa, un pince sans rire, responsable de cette immense Académie de Toulouse m'avait annoncé fraîchement : "Vous allez être nommé à Mur de Barrez..." et devant mon incrédulité, il avait cru bon d'ajouter : "Vous ne connaissez pas ? Votre savoir de professeur de géographie me semble bien limité : le creux de la Bromme, les toits d'ardoise, l'hiver sec et rigoureux..."

Aujourd'hui, le soleil de juillet m'a peut-être trompé mais je trouve la région très belle et je crois bien que je me serais plu dans ce mini-collège qui jouxte le coquet stade où le SUA a travaillé longuement gammes et jambes et je suis sûr que j'aurais fait planter des poteaux de rugby ne serait-ce que pour concurrencer le clocher de l'église Saint Thomas de Canterbury : notre Aliénor d'Aquitaine étendait sa suzeraineté jusqu'ici !

Toujours est-il que nous avons passé un bien agréable séjour dans cette contrée avec, comme point d'orgue, une soirée communautaire dans un burron, face au Plomb du Cantal, partageant tripoux, aligots, fouaces, farçons, tomme et cèpes. De quoi ronfler lourdement dans les draps d'Azureva, petit paradis sur la colline chevelue, domaine de Maître Jean-Marc, patron taillé comme un deuxième ligne, l'oeil brillant de l'ouvreur, infatigable comme un flanker, la gueule d'un demi de mêlée et la poésie de ces ailiers de mon enfance plus occupés par les belles des tribunes que par la circulation du ballon.

Séjour sans faute ; rassurons les supporters : les excès alimentaires n'ont concerné que l'encadrement ; les joueurs n'ont vu que passer les plats, se contentant de grillades et d'eau plate. Rage de dents pour le jeune Château-Raynaud, deux points de suture sur le crâne de Machkhaneli, Anthony Vigna a subi sans dommage les séances d'Alex et le tandem Christian-Christophe a pu approfondir les arcanes du mouvement général. Pour ma part, un de mes joueurs préférés – il n'y a que les vôtres qui vous connaissent et qui... vous punissent – me voyant, dans une des belles après-midi, sieste en cours, torse nu, vautré dans le pâturage comme une vache cantalienne, a goguenardé : "Henry vient enfin de trouver sa place dans le système !"

Retour par Entraygues et Espalion ; sur les rives du Lot, l'imposant château d'Estaing repris en main par cet ancien Président de la République qui "voulait regarder la France dans les yeux" mais qui, dans les petits matins de Dutronc ne voyait pas les camions de lait de la capitale. Aujourd'hui, on peut passer sans manquer son écrasant manoir !

Samedi 2 août

Comme prévu, après leur déroute de Sydney, les Blacks surmotivés, haka virulent, n'ont laissé aucune chance à leurs vainqueurs du week end précédent. A la décharge de ces derniers, l'absence de Rocky Elsom – des airs de Chavet – si perforant dans le jeu, si performant en touche – Waugh n'est pas un bon complément de Smit - et la blessure d'Ashley Cooper si efficace au pied et si souverain sur les balles aériennes. Ajoutons la fatigue accumulée lors des deux rencontres précédentes – la loi des trois matchs justement soulignée par Thomas Lombard si judicieux dans son rôle de consultant – et nous avons l'explication de la Bérézina des Wallabies. Côté nouvelles règles, en contre, grâce à la mise en place d'un bloc fixe et de deux blocs mobiles, les Néo-Zélandais ont considérablement gêné les Australiens et leur talonneur Moore pourtant efficace, jusque là, dans son rôle de lanceur, les vainqueurs ont copié l'alignement adverse en plaçant huit joueurs en touches, le demi de mêlée étant le premier de l'alignement faisant office parfois de leurre, souvent de relayeur très mobile – il me semble souvent partir avant le lancer du talonneur - et même parfois de capteur, à la limite des cinq mètres. Les Blacks ont essayé de renouveler l'expérience de la touche à 4, les Wallabies restant sept plus un réceptionnaire à deux mètres. Pour l'instant, les touches à effectif réduit semblent vouées à l'échec et seuls les Springboks grâce à la qualité des prises de Matfield paraissent pouvoir perpétuer cette forme de jeu. Côté pénal-touche, j'attends avec impatience l'équipe utilisatrice qui tentera de placer plus de dix joueurs "mouillant" enfin des trois quarts dans les chaleurs du maul. Ce ne sera pas une découverte : Ringeval et les Grenoblois exerçaient ainsi, il y a plus de dix ans.

A propos du passé, j'ai revu récemment de longs extraits de la finale 62 entre le SUA et l'ASB. Quel régal ! Passes redoublées, art du surnombre, coups de pied de recentrage, volonté de créer, suspense, etc... Avec l'aide de Pierre Lacroix, je recherche des images de celle de 1959 entre le Racing et le Stade Montois. J'en garde un souvenir d'autant plus ému que, dans ma campagne gersoise, il s'agit de la première finale retransmise par la T.V. Les postes étaient très rares à l'époque et je me souviens que nous étions pas loin d'une centaine de téléspectateurs novices, dans le bar-épicerie de Labéjan, tenu par les parents Roucau, pour assister à la retransmission. Je revois avec émotion Moncla, l'épaule démontée, Paillassa également blessé, le Racing à 13 contre 15 – pas de remplaçants autorisés - gagner dans la douleur, Arnaud Marque-Suzaa ayant fait sauter toutes les tentatives des frères Boniface. Un très beau souvenir même si mon ami Pierrot n'a pas le même sentiment.

Lundi 4 août

Le SUA retrouve Armandie et ses fidèles supporters sevrés de rugby pour cause de stage. Brommat a laissé quelques traces dans les organismes mais les plus costauds sont sur le pré : "Pompom Vigna", santé recouvrée, resplendit. J'ai découvert un autre point de convergence avec notre nouveau préparateur physique ; lui aussi, adore les citations : proverbes, sentences et maximes... Ses origines asiatiques et son dernier séjour au Vietnam le marquent. Cette semaine, il va largement dominer nos débats avec dans l'ordre : "Parler ne fait pas cuire le riz " puis "...Ce n'est pas le puits qui est trop profond, c'est la corde qui est trop courte", enfin, le bouquet, "La rose ne pique que celui qui la cueille". Des sujets pour la philo du bac !

Question lecture, j'attaque, cette semaine, le "Rugby : Evolution tactique et stratégique", Editions Cépades 2006, oeuvre de Lionel Girardi, membre de notre staff, responsable du secteur vidéo. Un travail minutieux, quasi exhaustif, où se succèdent approche théorique et approche pratique. Très intéressant. La semaine dernière, pour respirer entre les exigences du stage, j'ai découvert l'humour hyper-grinçant de Jean Teulé dans le "Magasin des suicides" chez Pocket, avril 2008, et j'attends avec impatience de pouvoir lire "Le Montespan", l'histoire revue et corrigée de ce "cocu magnifique" de Louis XIV.

Vendredi 8 août

Enfin le premier match. Depuis la reprise, nous attendions impatiemment ce rendez vous même si nous connaissons les limites de ce type de rencontre. C'est l'U.S. Bergerac qui nous accueille, une USB à la peine en Fédérale 3, à la recherche des gloires du passé, comme beaucoup d'autres clubs de l'hexagone. Pourtant, les installations : tribunes, vestiaires, pelouse, club house... sont dignes de la D2. Un signe : les photos des équipes sur les murs, aucune actuelle, toutes anciennes. Un Président qui me paraît moderne, quelques fidèles autour de lui, me paraissent capables de tourner la page et de mettre en place une autre histoire.

Pique-cailloux – Quel beau nom pour un stade – a l'herbe tendre et le SUA rajeuni – pas loin d'une dizaine de Crabos sur un effectif aligné de 30 joueurs – s'impose 31 à 20, après avoir mené 31-8, soit 5 essais de Lafforgue (2) et Narjissi –les "vieux" ne lâchent rien – Guitoune et Fonua contre 3 essais pour Aurillac. Côté Bleus, des absents pour cause de blessures : Sore, Basauri, Sola, Barrau, Guinazu, Huget, Anton, Ponneau, Chavet, Petre, Ostrikov, Fono, Tiatia... Ouf ! L'arrière fidjien, Rawaka nous rejoindra fin août. Côté Cantalous, on attend pour lundi, l'arrivée d'un fort contingent sud africain : sept nouveaux... re-ouf !

Une rencontre agréable malgré les approximations logiques. Aurillac a toujours cette habileté pour produire le jeu de mouvement cher au Maître Michel Peuchlestrade, relayé par son neveu. A ce dernier, en plaisantant, je lâche en souriant : "S'il y avait un championnat de France de Rugby à 7, vous auriez le Bouclier." Thierry, qui a beaucoup d'humour, fait quand même la moue sous le compliment.

Les supporters agenais n'ont pas manqué de se rendre en nombre en Dordogne. Arbitrage vif du jeune Grellety, espoir du Périgord-Agenais.

Samedi 9 août

Dans mon immeuble, et ce n'est pas parce que j'y habite, c'est plutôt la grâce attirante de ma voisine, les joueurs s'installent de plus en plus nombreux. Ce matin, je croise dans l'escalier le solide pilier géorgien Anton en train d'aider le seconde ligne russe Andreï dans son aménagement. Au bout de l'Europe, pour l'Ossétie du Sud, leurs deux nations retrouvent les chars et les bombes. Eux restent les meilleurs amis du monde !

L'Afrique du Sud explose des Argentins fatigués et au banc trop limité. La trop nette supériorité – sur cette rencontre - des Springboks ne permet pas de tirer des enseignements significatifs sur l'application des nouvelles règles. La pénalité infligée à Van Der Linden par Mr Barnes sur une mêlée à 5 mètres me fait crier d'indignation !

Retour dans le Gers. Le journal local continue de montrer les Auscitains se tortillant dans les pneus des tracteurs, tractant les blocs de béton, découvrant le winch... J'ai une pensée pour Grégory Patat : depuis Miélan, il doit sourire : il l'a échappé belle !

Dimanche 10 août

A propos de Grégory Patat, j'apprends que son voisin, Jean-Louis Darré, mon ancien talonneur de l'USAM, devenu éleveur de toros dans la propriété familiale de Bars, a triomphé, par ses bêtes interposées, aux corridas de Vic-Fezensac, vendredi soir. A plusieurs reprises, Jean-Louis en me faisant visiter son élevage m'a relaté sa passion et m'a confié ses espérances. Je comprends son bonheur d'aujourd'hui. On associe souvent corrida et rugby : les aficionados de l'une étant souvent des amateurs de l'autre. De mon côté, une seule expérience de spectateur – j'avais 12 ans - a suffi pour me décourager. Cela ne m'empêche pas d'apprécier beaucoup Jean-louis.

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