La chronique de P. Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert Pierre Villepreux revient sur la notion de réussite et, plus généralement, sur l'importance de l'aspect psychologique.

J'ai pu noter en ce début de saison, avant le début du championnat, dans les propos des dirigeants, joueurs et staff technique combien la notion de "réussite" prenait dans la communication une place conséquente. Si l'ambition et le désir de "réussite" est logiquement apparu chez les favoris, ces deux facteurs ne sont plus absents du discours tenu par les autres prétendants y compris les moins "cotés". Oser croire et dire que l'on doit ou peut faire partie des meilleurs n'est pas neutre mais relève bien de la mise en place d'un processus dynamique qu'il s'agit d'exhiber avant le début de la compétition afin de créer toutes les conditions nécessaires, que ce soit pour faire la course en tête, ou pour bouleverser la hiérarchie existante. L'acceptation de cette échelle hiérarchique par les plus modestes est certes admise, mais on affirme clairement que l'on va tout mettre en place et oeuvre pour faire face. Le meilleur moyen pour exister et que la réussite attendue s'inscrivent dans le long terme passe par l'obtention de résultats potentiellement porteurs dès les premiers matchs.

On a déjà pu observer cet appétit de résultats dans beaucoup de matchs lors des deux premières journées de championnat. Même si les favoris disent ne pas s'inquiéter et visent des objectifs à plus long terme, on sait parfaitement que la performance s'inscrit plus facilement dans la continuité puisque sa présence et sa constance stimulent consciemment et inconsciemment le processus de réussite puisque il s'agit bien de se situer dans une permanence de bons résultats et non pas dans la réalisation d'exploits sans lendemain.

Pour faire acquérir ce potentiel psychologique à une équipe il convient de créer les conditions utiles à tous les niveaux de la structure sportive pour que cette équipe ressente réellement le besoin de s'impliquer pour répondre aux exigences d'excellence réclamées par le meilleur niveau. Cette implication s'illustrant (pour faire court) par la capacité de dépassement collectif, la confiance dans ce même collectif, la combativité et l'ambition.

Mais pour que cette dynamique de réussite recherchée se concrétise sur le terrain le plus vite possible, faut il encore que, dans le cadre d'une conception systémique de la réussite, on implique, intéresse et surtout fasse participer et fidélise tout l'environnement autour du jeu, public, sponsors, médias, collectivités, institutions diverses et familiales de manière à greffer les conditions propices à la facilitation des échanges qui entretiendront la flamme et rejailliront sur la production de terrain. C'est cette coordination avec l'environnement et la synergie qu'elle déclenche qu'il s'agit de préserver, voire d'améliorer tout au long de la saison, pour que la mobilisation globale des joueurs autour du projet soit totale et qu'ils prennent réellement conscience des enjeux globaux. Les relations et interactions quand elles sont bien construites, entre l'équipe joueurs et l'environnement proche et plus vaste, sont déterminantes pour la performance et pour l'accès à la réussite.

Bien sur, de tels projets sont difficile à réaliser dans le court terme (le vite et bien), ce qui explique pourquoi il y a, et c'est un peu regrettable, aujourd'hui une obligation de résultats. Bien débuter dans le championnat est essentiel pour que l'espoir soit présent pour tous et génère cette dynamique de réussite dans laquelle chacun va trouver sa place en sachant quand même que la position du joueur et son implication est centrale dans le bon fonctionnement du système. C'est aussi un moyen de voir dans la continuité que les conditions propices qui existent et sont entrevues au départ puissent se perpétuer voire s'optimiser.

Le début de championnat, puisque il n'y a pas encore ni vainqueurs ni vaincus, est idéal pour, créer ce lien avec l'environnement, pour convaincre, fidéliser et entretenir l'espoir que chaque club a fait naître grâce au projet sportif proposé et il faut bien le dire au recrutement fait à l'intersaison.

Malheureusement, il manque souvent du temps pour que ce projet devienne effectif. Ce discours peut sembler un peu caricatural quand on sait que le système professionnel et son économie demandent des résultats immédiats. Perdre deux matchs successivement dérègle les meilleurs projets, ce qui amollie à tous les niveaux le désir de réussite. La confiance en les uns et les autres s'édulcore. Il se développe un climat d'incertitude peu propice donc on connaît bien les caractéristiques. Le projet global qui implique tout les acteurs devient rapidement un projet de sauvetage et est donc l'affaire de quelques uns. L'ouverture sur l'environnement s'alanguit et l'interaction indispensable se dilue.

C'est en dans ces moments à hauts risques que l'on fait appel aux joueurs gagneurs qui ont en eux ce désir de réussite et on compte sur eux pour organiser la résistance et renforcer la motivation des partenaires.

La gestion des premiers échecs est donc déterminante pour les entraîneurs. Ils devront faire des choix stratégiques sur le management et l'équipe et sur le projet de jeu proposé qui forcement sera mis en cause ce qui ne manquera pas de le fragiliser.

Dans le même ordre d'idée le management des équipes qui ont pris un bon départ, même si la situation est plus facile à gérer (image positive engendrée par les premiers succès), réclame tout autant d'attention mais les attitudes et comportements demandés aux joueurs pour continuer à surfer avec le succès sont placés sur des exigences d'excellence psychologiquement totalement différentes, contexte facilitant pour entretenir un relationnel fort avec l'environnement dynamisant pour l'équipe.

Pour joueurs et encadrement directement impliqués dans la gestion de ce système complexe, les premiers succès sont déterminants. C'est pour cela que le projet d'un club ne se résume plus au seul projet de jeu. La réussite passe par une bonne stratégie de communication qui à tous les niveaux des structures permettra à chacun de se réaliser dans le cadre d'une complétude de compétences par le biais d'échanges et de partages légitimés donc acceptés.

Il suffit de 4 matchs sans succès pour perdre le sourire et beaucoup plus de 4 gagnés pour le retrouver. Seule une compétition moins sélective en terme de descente pourrait peut être donner le temps utile pour faire répondre de manière rationnelle aux problèmes que posent immanquablement le court terme.

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