La chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine sur notre site, retrouvez l'excellente chronique de Henry Broncan, le manager du SU Agen.

P… de rugby

Vendredi 27 mars

Même pas deux mois et le même drame : une église trop pleine, les yeux rouges des garçons, les sanglots des filles, les incompréhensions, les points d'interrogation…Pourquoi ? si jeune !

Après Niko du SUA, c'est au tour de Manu de l'ASF de quitter les copains, chemises blanches du titre de Mai,… Les juniors du FCAG sont là bien sûr, dents serrées et solidaires , quelques anciens minimes du Collège Carnot, le " petit " seconde ligne de mes Reichels, carrier de Gazaupouy, partenaire du premier cette saison, du second au printemps dernier, si généreux sur les terrains, si déboussolé dans ces terribles circonstances.

Sollicité par lui, Manu avait rejoint le club de la préfecture gersoise pendant quelques mois, il y a trois automnes…même pas le temps d'un trimestre : il était venu lui dire qu'il souhaitait repartir, rejoindre ses amis de la cité fleurie. Le coach avait bien tenté de lui parler de rythme de jeu supérieur, de progrès réalisables, de contrat du haut niveau mais il avait fini par acquiescer à sa demande.

Parents accablés. Le père, un de mes anciens joueurs de 98 à 2000, troisième ligne aile de l'époque Brunel, quand le Stade Toulousain se cassait les dents au Moulias, flanker discret mais au placage redoutable. Pendant la messe, il se souvenait de la jambe brisée, lors d'un entraînement, contre un poteau sans protection du Bourrec, de la victoire salvatrice à Grenoble autorisant une saison supplémentaire en Top 20, de l'avoir écarté injustement et brutalement lors du dernier match récompense contre le Stade Français, un Stade Français venu en plein doute sur les terres auscitaines, entraîneurs virés, groupe en autogestion, Président resté dans la capitale, coeur en déroute, quatre supporters peut-être, et leurs drapeaux timides…Un mois plus tard, ils seront quarante mille pour décrocher le Brennus au Stade France !

Niko, Manu…Les mêmes…Aujourd'hui, match à gagner impérativement. Depuis vendredi soir, les coachs ont mis la pression et on ne pense plus qu'au match et les copines savent qu'elles ne peuvent troubler la veillée des armes… Vestiaires sous tension et les copains que l'on enserre : " gagner, solidarité, gagner, solidarité, combat, combat, rien lâcher… "

Niko marquera l'essai de la victoire contre l'Aviron Bayonnais et Manu inscrira tous les points –18- de la victoire contre Villefranche de Lauragais dans ce match de barrage " capital ".

Retour dans la petite cité des rives du Gers. Tous les supporters sont fiers de la performance de leurs " petits " : " Ils sont bons… c'est la relève…bientôt, ils composeront l'équipe 1 "…

Serrés dans l'avant match, serrés pendant 80', serrés…dans la 3ème mi-temps…Solidaires jusqu'au bout de la nuit !

Ils sont partis avant que l'aube n'éclaire les arcades, partis dans la nuit, le premier sur une voie express, le second sur un chemin de campagne…

P… de rugby !

Samedi 28 mars

Long voyage avec Paul jusqu'à Saint-Raphaël pour France B –Géorgie en moins de 18 ans. On nous avait dit qu'il faisait toujours soleil dans le Sud-Est : 6 heures de pluie ininterrompue. Arrivée dans le pays de David et de Steeve. Le premier, né au pied du donjon de Bassoues, arrière ? Ailier ? Un explosif sans muscu, des relances parfois excessives, le souvenir d'une transformation manquée face aux poteaux et devant la colère du coach, la réponse qui l'achève : " je ne savais pas avec quel pied taper ! " et Steeve venu de Nouvelle Calédonie, lui aussi des plaquettes sans muscu et des plaquages terribles : un discours d'avant match des Espoirs –on disait des Réserves – pris en flagrant délit de somnolence –les suites d'une nuit sans répit – et malgré ça une formidable prestation au centre face au terrible All Black Bunce, Castrais sous licence rouge. Au coup de sifflet final, il était parti vite chercher un bout de papier et un stylo pour solliciter l'autographe de celui qui était son idole !

Dès l'arrivée au stade de Vallescure, le manager de l'équipe de France Richard, nous accueille avec un grand sourire : " Il n'y en a qu'un qui a raté l'avion, le tien, bien sûr ! " Julien, 1,96m, est un de nos Espoirs. Je l'aime bien même si pour le moment, il est très loin du rendement attendu. Dimanche dernier, il a déjà manqué le déplacement de ses copains Crabos pour Pau. Excuse avancée : " Les chèvres de ma copine sont mortes ! " Hilarité !

Les Géorgiens –4000 licenciés du courage à revendre, les mêmes coachs que pour la Coupe du Monde, l'oeil de Tim Lane en plus, toubib toujours bedonnant, mènent à l'heure de jeu devant les nôtres – 300 000 licenciés ! Chez nous, il y a toujours un Pujol de Catalogne, un Larrieu de Gascogne, un Le Sayec de Bretagne, un Santon de Toulon…mais aussi un Mohammed, un Akim, un Abihana et même un O'Connor venu d'Australie passé par Aurillac et maintenant Suisse ! Sans oublier un ouvreur du Haut-Jura et un centre de Metz : Quand le rugby se veut melting-pot !

La France l'emporte péniblement 17 à 8 et les Géorgiens se précipitent pour faire la haie d'honneur à leurs vainqueurs. Nos jeunes leur rendent immédiatement la pareille…Touchant cette belle jeunesse !

Julien à la réception : Je peux rentrer avec vous ? J'ai peur de l'avion ! " Presque envie de l'embrasser devant tout le monde. Retour sous la pluie…Niko….Manu !

Dimanche 29 mars

Stade de Lespignan, du soleil, peu de vent, peu de gens : le car des supporters gersois fait plus de bruit que les locaux. Toujours 4 présidents comme autant de supporters chez les Riverains de la Save mais l'ancien président, maire, Conseiller Général René Daubriac accompagne fidèlement ses ouailles. Fort de ses produits régionaux, le LSC s'impose logiquement 24-9 bonus à la clef, 3 essais pleins de savoir-faire. Mon ami Néné Camps, la cheville ouvrière des Héraultais, un brin fataliste : " c'est pas grave, la descente nous fera du bien… " L'autre ami, Bernard Sudérie, le sage de la Save : " Et bien, nous voilà en Fédérale 1, les ennuis commencent ! "

Curieux rugby où le vaincu est satisfait et le vainqueur mécontent !

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