La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Nouvel éclairage de notre expert, Pierre Villepreux, sur les pick and go tant décriés en France et leurs conséquences sur le jeu.

Il n"est pas inutile de revenir sur l"utilisation abusive de l"anomalie "pick and go".Cet article est motivé par le mail que me transmet mon ami Franck Boivert, exilé depuis longtemps dans l"hémisphère sud et technicien formateur reconnu du rugby dans les pays en développement du Pacifique sud. Sa connaissance à la fois du jeu du sud et, de par sa formation initiale, de l"hémisphère nord, lui permet une analyse particulièrement pertinente du jeu, de l"arbitrage et des méthodes d"enseignement et de formation. Lecteur assidu des chroniques sur rugbyrama, ses remarques et sa réflexion sur le "pick and go" ne manquent pas d"intérêts.

L'appellation communément appelée pick and go en Europe et d'ailleurs surtout en France est un comportement qui implique qu'un seul joueur ramasse le ballon et "charge" pour avancer, quitte à se couper de ses partenaires. Cette situation l'isole avec le risque plus grand de perdre le ballon. Ce type de jeu n'est pas nouveau. Il avait été mis en évidence il y a bien longtemps par les Ecossais et demande des habiletés techniques spécifiques.

Il me fait à juste titre remarquer que ce que nous appelons pick and go est une forme de jeu différente qui n'a ni le même objectif ni la même organisation puisqu'au moins un joueur soutien voir deux viennent se lier au porteur de balle. On est dans un forme d'action collective qui est en fait un coin volant (en anglais Flying wedge). Celui-ci est illégal, ce qui veut dire que la tolérance arbitrale en la matière est grande.

Il précise que cette phase de jeu devrait en Europe devrait avoir une terminologie différente et j'y souscris complètement .

A juste titre dans l'hémisphère sud elle est appelée "latch ball" - que l'on peut traduire par "ballon attaché" - et autorise qu'un joueur soutien ou deux se lie au porteur de balle.

Explication :

"La raison tactique originelle des "ballons attachés/latch ball" est de redynamiser le jeu à partir des ballons "lents" qui émergent des regroupements. Les options tactiques sont limitées sur un ballon lent à cause de la défense qui se trouve avec un surnombre sur l'attaque. La conservation de la balle primant sur la notion d'avancée dans le Sud, il fallait trouver une solution pour dynamiser le jeu (et en fait avoir un ballon qui avance). Donc en faisant un "latch ball/ballon attaché", le porteur du ballon se retrouve avec plus de puissance de pénétration grâce au joueur attaché (latched). On tente ainsi de redynamiser le jeu afin que le ballon puisse être joué plus au loin avec un mouvement d'avancée, ce qui n'est pas possible sur un ballon lent où la défense est dans "les starting blocks" et en surnombre pour étouffer les joueurs.

L'intention originelle du latch ball/ballon attaché était en quelque sorte positive, et non pas un moyen de gagner du temps et tuer le jeu comme on le dénonce justement en France (cela est identique au football américain où le quater back met genoux à terre sur les 4 derniers "plays" si son équipe mène en fin de match ou de mi temps).

Le rôle de dynamiseur qui existait dans l'initial pick and go s'est corrompu en un rôle de protecteur de balle/tueur de jeu car ce joueur accompagne au sol le porteur du ballon ce qui est en contradiction avec la règle et n'est jamais pénalisé (ceci rejoint ce que nous avions dénoncé dans l'article de rugbyrama). "

Il fait en outre part du souci donc de l'esprit constaté dans l'hemisphère sud qui donne la priorité à la conservation du ballon (abusive) sur les autres fondamentaux - "l'avancer" bien sûr mais aussi le jeu au pied qui n'est plus une alternance intelligence pour dynamiser le jeu.

La stratégie de conservation explique le rôle déterminant des premiers soutiens. La facilitation arbitrale explique pourquoi la défense ne conteste plus la balle et pourqoui on joue le plus souvent devant une défense en place.

La nouvelle règle concernant la possibilité laissée à la défense de contester le ballon sur les rucks aurait permis de faire face à ces effets pervers. Elle n'a pas été acceptée aussi parce qu'elle favorise le changement de main dans la phase de ruck. Robbie Deans lui-même considérait cette opportunité comme donnant lieu à trop d'incertitude. C'est exactement ce que l'on souhaite pour le rugby, mais il aurait aussi, comme le dit Franck Boivert, "formé des joueurs qui sauront profiter de cette "umpredictable" situation !!" Ce qui veut dire qu'il aurait pour les entraîneurs de savoir former les joueurs différemment et donc sortir du formatage actuel.

Si notre "pick and go" n'en est pas un, il faut certainement donner à cette variante un autre nom. Cela sera plus clair mais ne modifiera pas l'esprit tant que la tolérance arbitrale sera présente.

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