La chronique de P. Rabadan

Par Rugbyrama
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Notre expert, le troisième ligne du Stade français Pierre Rabadan, fait son bilan de la Coupe du monde. Mauvais et bons souvenirs...

BILAN DE CONSEQUENCES

Je suis parti de ce fabuleux stade de rugby qu'est le Parc de Princes avec deux sentiments antagonistes.
Le premier, celui qui dominait, était la conséquence de cette sortie ratée par un XV de France méconnaissable. Une grande déception tellement je pensais que les Bleus allaient montrer une révolte sans faille face à ces virevoltants Argentins, finalement révélations gigantesques de multiples talents au service d'un état d'esprit collectif aussi émouvant qu'indestructible.
Et c'est de ce second sentiment dont je parle, tant il m'a bousculé par son coté infaillible et généreux, tant il est, pour moi, le symbole d'un sport en pleine mutation qui retrouve son salut au travers de ses valeurs propres, de cette solidarité.
Je regrette, comme vous qui lisez ces lignes, la sortie de la France dans son Mondial qui devait être celui de la révélation du rugby, après l'incroyable exploit de Cardiff, et qui s'est terminé en déception nationale.
Les joueurs ont été touchés au plus profond d'eux après l'échec anglais.
Mais le groupe n'a pas relevé ce dernier défi qui aurait pu amener, certes de plus grands regrets dans la course pour la bataille de la coupe dorée, mais un souvenir positif pour tout ce public découvrant avec enthousiasme ce nouveau monde ovale.

Retour au spectacle

Bien assez de gens ont tenté de tirer des enseignements ou d'expliquer les recettes d'un succès manqué, je ne jouerai pas ce jeu, certaines choses ne pouvant s'expliquer que par ceux qui les vivent.
Je garderai malgré tout, d'excellents souvenirs de cette Coupe du monde française et j'y reviendrai un peu plus loin, mais j'aurais souhaité voir un peu plus de jeu à la main, en lieu et place d'interminables "gagne-terrain..."
Je garderai en tête le phénoménal Galles-Fidji, l'effervescence de ce rugby joueur qui a bousculé les futurs champions du monde en quart de finale, à 14 contre 15, et qui aurait pu.... se poursuivre si ce deuxième ligne avait plongé plus promptement dans l'en-but !!! Dommage.

L'IRB, maintenant dirigé par notre ancien président de Fédération, va devoir se pencher sur cette délicate évolution du jeu actuel.
Je sais parfaitement les bienfaits et la nécessité d'un jeu au pied efficace, d'une très bonne occupation du terrain et de la rentabilité de ce rugby méthodique et rigoureux mais je rêve à ce sport de passes, même s'il induit forcément de nombreux risques.
Et comme il faut gagner à tout prix...
Je suis le premier à dire que le résultat est plus important que la manière employée pour y parvenir, étant donné que la mémoire ne retiendra que le fond, et pas la forme.
Il vaut mieux gagner un match en jouant moyennement, que perdre en étant brillant, pas de discussion possible...
Cela étant, c'est le problème des équipes et non celui des instances dirigeantes qui sont garantes d'un spectacle attractif, qui doivent faire appliquer les règles qui obligeront le rugby à rester un jeu de mains, d'envolées et de courses et de passes...
Réfléchissez bien, messieurs, pour instaurer des règles judicieuses pour un meilleur spectacle, l'avenir populaire du rugby est entre vos mains, il en dépend...
Il se dit que la Coupe du monde donne le ton de l'évolution du rugby dans les années qui la suivent, j'espère que celle-là sera l'exception.

Bravo

Comme je le disais, je garderai en tête une salve d'exceptionnels moments durant ce Mondial.
Il a été le rendez-vous d'un public nombreux et passionné, d'un rassemblement mondial dans la joie et la fête, d'un mois et demi d'échanges et de sport sans le moindre problème.
C'est une grande victoire.
Je voudrais dire bravo aux Springboks champions du monde, à la belle Argentine, aux Anglais renaissants, fleuretant avec l'exploit d'un second sacre consécutif, aux Bleus pour les Blacks, aux Fidji pour leur jeu et aux nations émergentes pour leur courage et leur vaillance qui ont régalé le public...
Bravo également à tous les acteurs de ce mondial, joueurs, arbitres, organisateurs, bénévoles...
Enfin, je garderai au fond de ma pensée le réconfort d'une scène à laquelle j'ai assisté par le plus grand des hasards.
Attendant des amis à la sortie du stade, je me place en observation stratégique au coté d'un marchand ambulant d'écharpes souvenirs de cette finale.
Je regardais avec attention cet Anglais à la voix brisée hurler pour attirer l'attention vers sa carcasse vieillissante, et je dois avouer qu'il le faisait avec une réussite presque insolente.
Après un quart d'heure à remplir sa main de billets en vidant son sac de cache-cols "habillés", je le vois dans un début d'altercation verbale avec un jeune compatriote, certainement énervé lui aussi par la défaite. Dans un argot Anglais presque incompréhensible en dehors de quelques "fucks...", je m'approche craignant que ça ne dégénère pour le vieux vendeur qui ne se laissait pas causer et qui, à son tour, relançait vivement la confrontation.
La tension monte.
C'est là qu'un passant anglais, témoin furtif de cette scène, s'arrête à la hauteur des deux acteurs, pour leur dénoncer une joyeuse réalité: "Hey guys, it's just a match of rugby, please!"("Oh les gars, c'est simplement un match de rugby !).
Les deux agacés revenants soudain à la raison ont repris de ce pas leurs chemins divergents, sans un mot.
Halluciné d'abord par la rapidité de la dispersion, je ressentis soudain une certaine fierté à faire parti de ce monde...
Ce beau monde de rugby !

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