La chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez "les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SU Agen.

Jeudi 21 février

Nous sommes au milieu d'une bien belle semaine de février; même pas un soupçon de brouillard sur la Garonne qu'une suspicion de nuage dans le ciel agenais enfin bleu; le thermomètre et le baromètre nous promettent les pâquerettes: une température printanière pour retrouver Caucau volant sur son aile… Caucau n'est pas d'accord; je sais que lundi, il a rencontré le Président et le Directeur général pour leur faire part de son désir de retrouver son île; j'ai appris aussi qu'il espérait porter les couleurs fidjiennes lors de la prochaine Coupe du Monde de rugby….à XIII et qu'il est question pour lui de retrouver la ligne en entraînant et en opérant dans la Ligue australienne…Au journaliste qui m'interroge, je réponds ironiquement : " Les nuits agenaises vont perdre leur plus gros papillon " et je me souviens de cette citation anglaise " L'ironie est une insulte déguisée en compliment ". Je ne crois pas que Rups ait lu " Le Petit Bleu " et, après une cruelle réflexion, je me reproche d'avoir laissé transparaître mon amertume. J'aurais pu faire comme les autres langues de bois : " C'était le meilleur ailier du monde... ; il nous a fait rêver... ; il est irremplaçable... " …et c'est vrai que dans ma petite tête de gersois buté, têtu, et rebelle à tous les hommes réputés providentiels – le Gascon déteste idolâtrer sauf le... FCAG et adore contester, parfois pour le simple plaisir de réfuter les idées bien établies ! - peut-être ai je jalousé cet extra terrestre qui avait construit son rugby dans un champ des Fidji avec ses amis. Moi qui, joueur, ai besogné longuement pour ne devenir qu'un second couteau, moi qui, entraîneur, ai toujours imposé l'ergocratie à mes joueurs, ai multiplié les stages et les formations, comment ne pas envier ce personnage capable de jouer le meilleur du rugby sans l'avoir jamais appris ! "...

Les trois essais de Caucau resteront éternellement dans ma mémoire : le premier renversant, énorme camion, les fétus de la Rade, les deux autres moins spectaculaires et pourtant géniaux d'intuition...Ce jour-là, à la 70e, pour que le public puisse lui donner l'immense ovation qu'il méritait, je l'ai remplacé: je n'oublierai jamais le délire des tribunes Basquet et Ferrasse – ordre alphabétique ! – il venait de les faire rêver, ceux du haut quartier de l'Ermitage, et ceux de la Cité Montanou, les plus anciens, fans de Serge Méricq, les plus jeunes, adulateurs de Vincent Clerc…L'enfant prodige était de retour, le SUA revenait en 1ère division, la vie redevenait rose sur la Garonne, le Père Noël avait un jour d'avance. Nous ne savions pas qu'il s'agissait de sa dernière apparition sur Armandie. Deux jours après le Nouvel An, la vedette fidjienne claquerait son mollet lors d'un entraînement anodin mais pourquoi donc avions-nous voulu l'entraîner ? Dirigeants, toubibs, kinés, joueurs, coachs…moi-même (?) vont se mobiliser pour, qui lui taper sur l'épaule, qui lui accorder des heures de soin, qui le porter, le reporter, le transporter…sous mes yeux ébahis – jaloux ? – d'autant de sollicitude. A trois jours de Blagnac alors que le peuple agenais attendait son retour, une petite course dans l'en-but de l'annexe 2 anéantissait l'espérance : il n'y aurait plus d'essais, plus d'union sacrée, plus de magie, plus d'ivresse sur Armandie.

Vendredi 22 février

Les trois quotidiens du Lot-et-Garonne titrent tristement : " La dernière sortie de Caucaunibuca ". Même les durs combats des prochaines municipales ne pourront remplacer les frasques de Rupeni ; les journalistes le savent : ils ne pourront pas le remplacer, eux qui, - au moins l'un d'entre eux – avaient inventé une alcoolémie positive, il y a trois semaines, - le tout Agen avait cru en l'authenticité du fait divers - . La dernière chance, pour nos médias, de réaliser une bonne journée de vente sera, pour le prochain 1er avril, d'intituler, sur les Unes, " le retour de Caucaunibuca " ! Même ce jour-là, je crois que certains lecteurs feront semblant d'y croire.

Samedi 23 février

Le SUA est encore bien triste, ce soir ; les ailiers touchent un ballon chacun. Le public râle logiquement, oublie la longue liste des blessés, dénonce la misère du jeu. Pourtant sur le terrain, les coéquipiers de J.M, capitaine exemplaire, font leur possible mais le coeur n'y est pas. Caucau est venu, l'après-midi, dans la retraite de Roquefort, faire ses adieux : les anciens l'ont longuement accaparé. Entre nous deux, il n'y aura aucune effusion : la même indifférence que lors de sa sortie d'Armandie après les trois essais de Toulon ; l'âne buté du Gers a voulu cacher son admiration jusqu'au bout.

Dimanche 24 février

Le rugby à toucher s'installe sur le terrain des " pros " avec la complicité du gardien du stade : trois courses de trois mètres font rendre le mollet à J.P.C, l'ancien ouvreur du Caoulet : "Je suis le Caucau du dimanche matin " nous lance t-il.

Après-midi à Fleurance. Rencontre du fils, heureux du bonus défensif de Perpignan mais déjà tendu pour la visite des Brivistes. ... " Et Caucau, demande t-il ? " Deux entraîneurs amis du Top 14 m'appellent : " J'aimerais récupérer Caucau.... " Massy s'impose à la dernière minute devant des locaux hyper courageux et conduits au combat par une excellente seconde ligne. Le long des barrières, pas un des amis que je rencontre n'oubliera de me dire: " Pourquoi as-tu laissé partir Caucaunibuca ? "

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