La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
Publié le Mis à jour
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Comme chaque semaine, retrouvez "les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SU Agen. Entre challenge Vaquerin et matchs internationaux, il nous livre sa semaine.

Vendredi 24 août :

Millau a toujours été une très belle ville et je me souviens de vacances heureuses dans ce nid de l'Aveyron : le plateau du Larzac, la Couvertoirade et les robustes cités templières, les gorges du Tarn et de la Dourbie, la place des Mandarous ; maintenant le Viaduc qui relève le gant pour l'honneur de la cité. Ce matin, il nous joue le fantôme parmi les nuages.

A côté des poteries gallo-romaines de la Gaufresenque, nous nous entraînons sur les terrains de la Maladrerie. Millau possède aussi de remarquables installations sportives.

Sigal, entraîneur de l'époque, maintenant secrétaire général du SOM, Sigaud et Caramel, deux très bons ¾ centres, viennent évoquer avec moi un match éliminatoire du printemps 1984 où un exploit de Joël Janotto - le TGV de 16h28 ! - propulsa le LSC vers la montée en 1ère division. Je ne pouvais que m'en souvenir ; c'était à Gaillac et ce fut un des grands moments de ma vie de coach : le centre de la cité des trois Rois est venu inscrire l'essai de la délivrance, juste avant le coup de sifflet final, dans l'en-but où je m'étais réfugié pour assister aux derniers instants du match ; Joël, Kiki, Patrick, le triangle d'attaque, le trio de la cité des Trois Rois !

A Saint Affrique, Fidjiens et Géorgiens ont décidé d'un entrainement commun ; la dextérité des premiers - "les Brésiliens du rugby !" - est impressionnante et, surprise, dans l'épreuve de la mêlée, ils dominent leurs vis-à-vis ; une simple raison : leurs entraîneurs ont demandé aux secondes lignes de rester plus longtemps en poussée au lieu de vite s'enfuir comme ils l'avaient fait contre Auch et ça marche... un temps car le naturel reviendra au galop. Ils peuvent mais veulent-ils ?

A l'aile gauche, Isoa Neivua, d'une île aussi lointaine que celle de Caucau, impressionne les entraîneurs présents le long de la main courante, dont mon ami JPE.

A propos de Rupeni, nous apprenons que ses concitoyens éprouvent autant de mal que nous pour le joindre. Le Fidji Times publie une interview de Caucau : "je m'entraîne, je perds du poids et mon coeur est toujours à Agen... je serai là-bas en septembre". Poisson d'avril ?

Demain, la sarabande Fidjienne donnera le tournis aux lourds chevaliers Albigeois !

Samedi 25 août :

En route pour Camares ; paysage de La Mancha avec des éoliennes pour remplacer les moulins à vent de Don Quichotte. Dans le village, contre vents et marées, victoires et défaites, bénévolat et ingratitudes, formation et déceptions, on se bat fièrement pour maintenir une équipe de rugby.

Le challenge Vaquerin termine, ici, comme d'habitude, sa rude semaine. Trois rencontres au programme avec pour le SU AGEN la découverte du rugby algérien.

Décidément, notre sport n'est pas encore universel et les Algériens se retrouvent privés de quelques éléments de valeur dont le troisième ligne centre B.A., présent à Camares, mais à qui son club a interdit de participer à la rencontre ! D'autres seraient dans son cas !

Nos adversaires pourtant parés dans le splendide maillot national viennent nous demander de leur prêter un tee... au cas où ! Ils vont se livrer courageusement contre un SUA aussi poussif que le mercredi précèdent, aussi maladroit dans la passe et inefficace dans le ruck ! Une nouvelle colère me guette.

Retour sur Agen... la radio nous apprend la démission de Guy Roux. Diminué après ses ennuis de santé, le sorcier d'Auxerre - 43 ans de magie ! - quitte son nouveau club de Lens - 2 mois de collaboration - n'ayant plus la force " d'hausser le ton de ses colères ". Il n'avait pas supporté d'être retraité depuis deux ans ; le terrain l'avait rappelé mais il n'a pas pu poursuivre sa mission. Sans doute, ne pouvait-il qu'entraîneur d'Auxerre ? Il va beaucoup souffrir sans le rectangle vert !

Dimanche 26 août :

Vidéo sur les Verts très difficiles vainqueurs des Italiens et colère justifiée de Pierre Berbizier ; le coach de Pinas a très bien préparé son affaire ; Bortolami et ses potes sont prêts pour joueur les trouble-fête.

Les Argentins à l'image des Agenais bégaient leur rugby contre plus faibles. Satisfaction de revoir Lucas Ostiglia sur la pelouse. Chez les Belges, les vieux : Hueber, N'Tamak, Delaigue, Desbrosse semblent éternels.

VD me rassure en partie après sa piètre prestation contre Provale. Il lui reste à bien se tenir contre le Basque du FCAG ! Le pilier de Saint-Etienne de Baïgorry lui donnera rendez-vous après chaque en-avant !

Côté Français, c'est la confirmation des deux matchs contre l'Angleterre : défense de fer, discipline, bon timing dans les passes et le pied, le petit Mas excellent à gauche. Beauxis surprenant à la main, les deux talonneurs à la culotte du capitaine... Tout est bon... Trop bon ?

Je ne pense pas que l'entraîneur-ministre se laissera abuser par les prestations des Irlandais et des Pumas. Il sait qu'il faut rester vigilant quant aux excès de confiance en sport ! Quant aux problèmes des choix pour la composition de l'équipe, c'est un bonheur pour un entraineur de pouvoir gérer le surnombre.

Lundi 27 août :

Les Géorgiens souffrent : 5 matchs de préparation et autant de défaites. De plus, lors de leur dernier match contre Auch, ils ont reculé au niveau de la mêlée et leur orgueil en a pris un coup. Ce soir, ils me sollicitent pour devenir leur patron pour la Coupe du Monde. Ce serait pour moi l'occasion unique d'être partie prenante pour ce formidable évènement mais j'ai beaucoup de travail au SUA ; j'y suis engagé et je ne peux pas me disperser. Je continuerai d'être leur consultant, plutôt, leur consolateur car le mois de septembre sera bien noir pour eux !

Mardi 28 août :

J'ai toujours été en retard - au moins d'une guerre ! - pour accepter le progrès : ordinateur et téléphone portable ont mis du temps pour trouver grâce auprès de moi et pourtant, ils vont, aujourd'hui m'apporter, en quelques heures, beaucoup de bonheur.

D'abord un DVD adressé par un des tout meilleurs supporters du FCAG, il y a déjà deux mois, mais que je n'avais pu lire par défaut de lecteur : " les 16 raisons du succès ". Des images allant du rire aux larmes qui expliquent mieux que des textes la réussite du plus petit budget du rugby professionnel lors des 3 dernières années. Merci G. : je sais ce que je regarderai les soirs d'amertume.

Me voici, après beaucoup de réticence, pourvu d'un e-mail : un autre ami m'adresse le texte d'Aragon sur " l'Affiche Rouge " chanté par Deljéhier. Je crois que ce sera ma compagnie du matin avant de partir au travail. A cause de ces partisans, j'ai toujours regretté qu'il n'y ait pas 23 joueurs sur les feuilles de match. " L'Humanité " a sorti en février un remarquable hors-série sur le groupe.

Enfin, un ami que je ne pouvais plus joindre me laisse ce texto : " avant de reprendre la vie, je fais l'ermite... laisse-moi ". Je le devine, caché entre deux rochers, en train de lire la mer... la Mer ? Il me tarde de retrouver Gruissan cet hiver, quand les flamants seront de retour sur l'étang.

PS : D'Erik Orsenna, je viens de terminer " La grammaire est une chanson bien douce " chez Stock 2001. Il y a une page magnifique sur le " je t'aime " : " Elle était là, immobile sur son lit, la petite phrase bien connue, trop connue : je t'aime. Trois mots maigres et pâles, si pâles. Les sept lettres ressortaient à peine sur la blancheur des draps. Il me sembla qu'elle nous souriait, la petite phrase... " etc... c'est très beau.

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